Que l’histoire peut se montrer parfois cruelle pour les hommes qui n’ont pas rempli leur devoir pour n’avoir pas fait tout le possible à leur portée ! Les clameurs protes
tataires ayant suivi la nomination récente à la présidence du Conseil constitutionnel placent le magistrat Cheikh Tidiane Diakhaté face au miroir peu reluisant de ses actes passés. Il s’agit ici de saisir à travers une lumière crue, une série de faits qui, quoi qu’on puisse dire, suscitent une légitime nausée née de sa nomination à la tête du Conseil constitutionnel. Par Soro DIOP?
Les hoquets rageurs des pourfendeurs actuels de la nomination de Cheikh Tidiane Diakhaté à la présidence du Conseil constitutionnel pouvaient relever de simples subjectivités politiques s’ils ne s’étaient pas alimentés dans un faisceau de faits et de décisions prises par le passé par ce magistrat. Des Chantiers de Thiès à l’affaire de Ndindy et Ndoulo en passant par le cas de Mbane, Cheikh Tidiane Diakhaté aura laissé une crédibilité dévastée. On pourrait même, en remontant l’horloge du temps, convoquer l’arrestation, la détention à la suite de mandats de dépôt infligés à l’opposant Wade, il y a de cela une quinzaine d’années. Ceci expliquerait-il cela?? Mais, pour rester dans une histoire plus récente, il y a de quoi susciter une légitime nausée de l’opposition et de certains segments citoyens face à la décision de Me Wade de nommer Cheikh Tidiane Diakhaté président du Conseil constitutionnel.
En janvier 2006, alors que l’affaire des Chantiers de Thiès faisait rage, l’on se souvient de la révélation sidérante de Idrissa Seck sur la gestion des fonds politiques. M. Seck, lors de son audition dans le fond, avait déclaré devant les membres de la Commission d’instruction que présidait le juge Diakhaté, qu’à l’exception de Serigne Saliou Mbacké, alors khalife général des mourides, avoir fait signer des décharges à des bénéficiaires des fonds politiques du Président Wade, dont des magistrats. Sur un ton un tantinet provocateur, Idrissa Seck avait lancé?: «Si vous voulez, je vous sors tous mes bons et l’on verra bien !» Une situation fort gênante, si on avait entendu les magistrats bénéficiaires de ces fonds politiques à titre de témoins dans un procès qu’ils devaient instruire.
En novembre 2007, une brise de réconciliation balaie les relations entre Wade et Idrissa Seck, avec en toile de fond l’annonce d’un non-lieu total pour l’ancien Pm, qui doit passer par une réactivation de la Commission d’instruction de la Haute cour de justice. Les pourparlers politiques pour le retour de Idrissa Seck sont passés par là, mais aussi les instructions données par le Président Wade à la Commission. Dans sa parution, le 7 novembre 2007, Le Quotidien, se fondant à l’époque sur des sources concordantes, écrivait?: «Le président de la Commission d’instruction de la Haute cour de justice, Cheikh Tidiane Diakhaté, a reçu des instructions dans ce sens lors de l’audience nocturne que le chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, lui a accordée la semaine dernière.» Dans la même parution, il a été fait cas d’une requête de M. Seck à Wade pour un règlement définitif du dossier des Chantiers de Thiès avant toute reprise de ses activités au sein du Pds. «Cette requête, écrivait Le Quotidien, a été encore formulée lors de son dîner avec Me Wade. Et ce dernier de lui jurer avoir donné des instructions dans ce sens.»
LE DERNIER EDIFIANT FACE-A-FACE
Plus édifiant sera le dernier face-à-face entre Idrissa Seck et les magistrats de la Haute cour de Justice, le 21 mai 2008. Ce jour-là, l’ancien Pm a plongé, comme l’a rapporté largement Le Quotidien du lendemain, les juges de la Commission d’instruction présidée par Cheikh Tidiane Diakhaté dans un malaise, quand Idrissa Seck est revenu, document à l’appui et signé par le président de la République, sur le fameux protocole de Rebeuss, notamment les démarches initiées par le Président Wade, à leur insu. Il a signifié au président de la Commission, M. Diakhaté, et aux autres juges, qu’ils n’étaient que les bras armés de l’Exécutif. Dans ce document brandi par M. Seck, il était question de non-lieu dans les procédures supposées être du ressort des magistrats. Au cours de ce face-à-face épique, un incident d’audience s’y invita. Ce jour-là, Idrissa Seck interpela directement Cheikh Tidiane Diakhaté, en ces termes?: «La vérité est que c’est vous qui m’avez placé sous mandat de dépôt et, à votre insu, le président de la République m’a envoyé des émissaires le 15 novembre 2005 et le 6 février 2006.» A l’intention des magistrats de la Haute cour de justice, il déclinera le libellé d’«une proposition écrite» que le Président Wade lui avait faite le 22 décembre 2005. Puis Idrissa Seck s’évertua à démontrer que la Justice, dans cette affaire, a été aux ordres de l’Exécutif. Il s’en suivit un violent accrochage verbal entre lui et Cheikh Tidiane Diakhaté à qui il signifia?: «Le Président m’a envoyé des émissaires en me faisant des propositions, en m’accordant un non-lieu total dans l’affaire de l’atteinte à la sûreté de l’Etat et un non-lieu partiel sur les Chantiers de Thiès.» Colère de M. Diakhaté qui voulut mettre fin à son discours. Pour apaiser les esprits, le juge Demba Kandji demanda une suspension de séance. Quarante minutes après, Idrissa Seck revint à la charge pour dire à M. Diakhaté : «Cela fait trois ans que vous m’avez pris ma liberté (…) Pour l’histoire et la Justice, il faut clarifier. Si vous me privez de répondre, je ne parlerai plus.» Quand ce dernier reprit la parole, c’était pour dire simplement?: «Nous sommes des êtres comme vous et, à notre mort, c’est sept mètres de percale qui nous accompagneront. Il y a une seule constante, c’est Dieu. Donc, je vous laisse parler parce que nous allons tous mourir et rendre compte à Dieu.» Et Idrissa Seck de lui répondre : «C’est ma totale foi en ce que vous dites. C’est en la croyance en Dieu que j’ai refusé de déposer une demande de mise en liberté provisoire, en laissant le soin aux magistrats professionnels que vous êtes, la responsabilité de décider de ce dossier (…)
LES AFFAIRES AUX ELECTIONS LOCALES
Pour les récents contentieux électoraux, lors des compétitions aux Locales, la béance des manquements ne mérite pas que l’on s’appesantisse là-dessus. Mais, pour rappel, en août 2009 éclata le contentieux postélectoral de Mbane. La Cour d’appel dirigée par Cheikh Tidiane Diakhaté s’y était distinguée par un parti-pris manifeste en faveur du pouvoir en annulant, en violation des textes, les résultats des bureaux de vote de Ndombo dans la communauté rurale de Mbane, et en octroyant la victoire à la Coalition Sopi 2009. Cependant, un arrêt de la Cour suprême cassera la décision de la Cour d’appel, après un recours introduit par les avocats de l’opposition. Aliou Diack de Bennoo sera réinstallé dans ses fonctions de président du Conseil rural de Mbane. Comme quoi, il n’y a pas à désespérer de tous les juges et de toute la Justice?!
En mars 2009 surgirent les contentieux électoraux à Ndindy et Ndoulo. Là encore Cheikh Tidiane Diakhaté fut sur la sellette, suite au rejet par l’Assemblée générale de la Cour d’appel, de la requête de la Cena portant sur l’infirmation des listes de candidatures de la Coalition Sopi dans les arrondissements de Ndindy et de Ndoulo. Or, cette coalition a été déclarée bien forclose du fait même des agissements de ses responsables locaux. Les autorités administratives passèrent outre en introduisant dans les arrêtés, pris après les dépôts des listes, les candidatures de la Coalition Sopi, sur la base des instructions de leur hiérarchie. Une décision surprenante fut alors prise par la Cour d’appel, juge des élections en matière de contentieux, pour signifier qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve.
Voilà les faits, des faits têtus, jamais démentis à l’époque, qu’il importe ici et maintenant d’évoquer et de convoquer surtout en perspective de la prochaine élection présidentielle où déjà les graines de réels contentieux commencent à se signaler avec la nomination de Cheikh Tidiane Diakhaté, objet de suspicions qui ne sont pas toutes infondées.
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