L’hebdomadaire Témoin, s’il salue l’action de DSK à la tête du FMI, ne peut s’empêcher de se réjouir au spectacle de ses déboires judiciaires. Enfin, la France se retrouve à son tour victime de la justice du plus fort !
Par Mamadou Oumar Ndiaye |Le Témoin
A force de montrer des muscles et de jouer des biceps, on finit toujours par trouver plus fort que soi. A preuve par ce qui est arrivé [le 14 mai] au Français Dominique Strauss-Kahn, tout-puissant dirigeant du Fonds monétaire international (FMI), une institution qui fait trembler les dirigeants des pays du Tiers-monde. A preuve, surtout, par les images montrant le jadis flamboyant – et séducteur ! – DSK les mains menottées derrière le dos, la mine défaite, escorté par deux policiers américains. Le monde s’effondrait décidément sous les pieds d’un homme que tous les sondage hexagonaux présentaient comme le futur président de la République française. Hélas, il a suffi d’un séjour dans un hôtel (français !) de New York et d’accusations portées contre lui par une femme de chambre guinéenne de 32 ans pour que son destin présidentiel bascule.
Ces images humiliantes d’un homme parmi les plus puissants de la planète, qui plus est citoyen éminent d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, rappellent aux Africains d’autres images tout aussi humiliantes. La dernière en date, c’est celle d’un chef d’Etat africain – ou qui se revendiquait comme tel -, l’Ivoirien Laurent Gbagbo, arrêté en maillot de corps par les forces françaises de l’opération Licorne et remis aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire en même temps que son épouse, Mme Simone Gbagbo. Des images passées en boucle par les télévisions françaises. L’autre image humiliante pour le continent africain qui nous revient en mémoire, c’est celle de Charles Taylor, ancien chef d’Etat du Libéria, menotté et conduit à la prison de La Haye [pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés pendant la guerre civile au Sierra Leoen]. Il y a eu aussi les images de Jean-Claude Mbemba, sénateur et ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC), l’un des pays africains les plus vastes, les plus peuplés et les plus riches en ressources naturelles, arrêté lui aussi par la Cour pénale « internationale », menotté et conduit en prison à La Haye [pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en République centrafcricaine].
Pour tous les Africains qui se sont sentis humiliés par ces images de justice – plutôt, de raison du plus fort: des Blancs s’acharnant sur de pauvres Africains n’ayant que le tort d’être plus faibles – pour ces Africains, donc, l’image de DSK menotté avait un air de vengeance exercée par plus fort que la France sur cette dernière. On ne le répétera jamais assez: l’humiliation infligée par les troupes françaises au président Laurent Gbagbo demeurera pour longtemps encore en travers de la gorge de nombreux Africains. De même, les bombardements aveugles, injustes et illégaux – car reposant sur une interprétation malhonnête de la Résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU – effectués par l’OTAN en Libye sont révoltants. Ils témoignent du mépris de la « communauté internationale » (en fait, essentiellement, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne) envers l’Afrique, singulièrement les Nègres et les Arabes.
Pour autant, il ne viendrait à l’idée de personne de se réjouir du malheur qui s’abat sur Dominique Strauss-Kahn. Car l’homme était un poids lourd du Parti socialiste français. C’est un homme progressiste engagé aux côtés des peuples du Tiers-monde. Surtout, il avait et il a sincèrement à cœur d’aider le continent africain à se développer. Les mesures qu’il avait fait prendre au FMI, depuis qu’il était à sa tête, allaient dans le sens de procurer des ressources financières accrues à notre continent qui en a tant besoin pour amorcer son décollage économique. Elles visaient aussi à créer un nouvel ordre économique international plus juste dans lequel, notamment, des pays émergents comme les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) auraient plus voix au chapitre dans la gouvernance économique mondiale. Enfin, et pour autant que l’on sache, ce n’est pas un vulgaire colonialiste, il n’est pas de l’acabit d’un Nicolas Sarkozy qui, après avoir promis de changer les rapports de la France avec l’Afrique, fait pire que tous ses prédécesseurs en matière de vassalisation et d’humiliation de l’Afrique.
Cela dit, force est de convenir que les Etats-Unis sont quand même un grand pays avec une vraie justice. Car franchement, on ne connaît pas beaucoup de pays au monde dont la justice aurait pris le risque de faire interpeller le directeur général du FMI. Surtout pour les faits dont il est accusé! Gageons que si les faits s’étaient déroulés en Afrique, et notamment au Sénégal où le président de la République a offert une valise remplie d’euros à l’ancien représentant-résident du FMI venu lui faire ses adieux [Abdulaye Wade avait offert, en septembre 2009, une valise contenant l’équivalent de 200 000 euros à Alex Segura], eh bien c’est la femme de chambre victime de tentative de viol – pour autant que les faits reprochés à Dominique Strauss-Kahn soient vrais – qui se serait retrouvée en prison! Même si d’aventure les juges avaient pris leur courage à deux mains pour mettre l’accusé en prison, c’est sûr que le président de la République en personne serait venu le libérer !
Il se trouve que les faits reprochés à Dominique Strauss-Kahn se sont déroulés aux Etats-Unis, un pays où, FMI ou pas, France ou pas, futur président de la République ou pas, les juges n’en ont rien cirer. Ils appliquent la loi, c’est tout. Et ce même si les trois quarts de la population carcérale américaine sont constitués par des Noirs – qui ne représentant que 12 % de la population totale. Et où, c’est vrai, il est plus fréquent de voir des Noirs, quel que soit leur rang dans la société, être menottés et conduits en prison que des Blancs de l’envergure et de la notoriété de Dominique Strauss-Kahn. Et surtout sur la base d’une plainte déposée par une femme de chambre noire, africaine de surcroît! Décidément, l’Amérique ne cessera jamais de nous surprendre. Quant à la France, ce n’est pas ce coup-ci qu’elle enverra ses « forces spéciales » libérer un de ses illustres ressortissants, comme elle l’aurait sans doute fait si M. Strauss-Kahn avait été emprisonné dans un pays d’Afrique noire! N’est-ce pas M. Sarkozy ?
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