Deux plumes…en un mot (Par Issa Thioro Gueye)

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Dans cette situation de troubles politiques que traverse le Sénégal, deux plumes se découvrent. La première est portée par des accusateurs et promoteurs de la critique facile sans aucune profondeur dans leur prise d’élan, convaincus que le mal est une graine semée par un camp et que le groupe d’en face n’est composé d’anges politiques. Pour eux, en puisant dans la critique facile et le situationnisme, ils construisent leur part de la cité… Hélas, ils n’ont pas su mesurer l’étendue du mal que le parti pris fait dans une société divisée par des considérations politiques.

La deuxième plume, elle, trempe dans l’encre de la concorde nationale. Elle ne colporte aucune accusation mais fait juste des contributions. Ce sont des publications très sages, postées à travers les réseaux sociaux ou la presse en ligne pour appeler à la retenue, encourager la compréhension mutuelle et dire comment il est possible de surmonter les tensions ainsi que les divisions afin de pouvoir construire un avenir meilleur pour tous. Dans ce sens, nombreux sont les écrivains et intellectuels ayant efficacement participé au processus d’entente nationale dans des pays en situation de crise politique. 

Le play maker est Nelson Mandela… Il est l’exemple le plus célèbre d’un écrivain et dirigeant politique ayant contribué au retour de la concorde nationale. En tant que prisonnier politique, Mandela a largement écrit sur les inégalités et l’injustice en Afrique du Sud mais il a surtout encouragé la résistance pacifique contre l’apartheid. Après sa libération, il a travaillé avec le gouvernement sud-africain pour mettre en place un processus de réconciliation nationale, qui a permis à l’Afrique du Sud de se tourner vers l’avenir et de s’unir en dépit des divisions passées.

De cette grande team de promoteurs de l’entente nationale en Afrique, on peut également retenir Wole Soyinka et Chinua Achebe, deux belles plumes du Nigeria… Sans ride et relâche, Wole Soyinka a été impliqué dans plusieurs mouvements politiques et sociaux en Afrique. En 1993, il a cofondé une association appelée « la Plateforme », créée pour défendre les droits de l’homme et promouvoir la paix au Nigéria. Pendant la période la plus difficile de la lutte contre le régime militaire, ce bel esprit du grand encrier nigerian a utilisé sa plume pour dénoncer la corruption et défendre la démocratie… De son côté, Chinua Achebe en a fait autant.

Cet écrivain nigérian tient sa célébrité pour avoir produit « Things Fall Apart ». Son livre est considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature africaine. Bien qu’il soit surtout connu pour ses réalisations littéraires, Achebe a notamment été impliqué dans la politique et la diplomatie de son pays. Pendant la guerre civile nigériane, il a travaillé pour la réconciliation entre les deux camps en encourageant la compréhension et la tolérance mutuelle.

Maître dans la promotion du savoir ouest africain, Amadou Hampâté Bâ est aussi de l’équipe des promoteurs de l’anti-situationnisme politico-littéraire. Pour certains, il est l’exemple type de la littérature de concorde. Pour d’autres, il en est tout simplement le maître dans le monde entier… En plus de son travail de préservation de la culture africaine, Amadou Hampâté Bâ a travaillé pour promouvoir la paix et l’harmonie en Afrique de l’Ouest. Dans les années 1980, il a joué un rôle important dans les négociations de paix entre le Burkina Faso et le Mali.

Sur un tout autre continent, en Europe, s’est illustré  Mihaï Eminescu. Cette plume a l’encre suave et a beaucoup contribué en Roumanie à unifier les différentes régions et les différentes communautés culturelles au XIXe siècle, malgré des divisions linguistiques et religieuses profondes. Loin du buzz et du situationnisme ambiant, ce producteur du bien, penseur d’une notoriété incommensurable a utilisé son travail pour encourager la paix et la tolérance dans toute la région de l’Europe de l’Est.

En vérité, la vérité des porteurs de la plume situationniste n’est qu’un point de vue qui cache nombre de contrevérités et de vérités, dont la peur inouïe de dire la vérité à ceux qui sèment la déconstruction… Étant entendu que, dans une société en construction, il est inacceptable de trouver une justification à l’idée de détruire une université, des infrastructures d’utilité publique comme le BRT ou le TER, des commerces, des stations d’essence, des banques, des circuits de distribution d’eau. Une plume qui l’accepte n’est qu’une plume de l’apocalypse. Elle n’a plus sa raison d’être. L’idée n’est certes pas d’accuser ni de prendre position. De notre point de vue, l’idée à retenir c’est bien évidemment de conjurer le mal et de construire par la sagesse de Mandela, sur les chemins de la liberté, et à l’aide de toutes les belles lettres qui font une entente nationale.

En un mot, deux plumes sont vues et lues au Sénégal mais en vérité, un mot doit tout résumer. C’est la NATION. Elle se veut forte dans ses compartiments. Tout écrit doit pouvoir répondre à sa construction… sans arrêt, au nom de l’éducation des masses. Dans son essai « The Novelist as Teacher », Chinua Achebe en a donné la preuve. Dans son livre « The Man Died », Wole Soyinka en fait autant en décrivant son expérience en prison et en invitant à la pacification de l’espace public. Dans son livre « Vie et enseignement de Tierno Bokar », Amadou Hampathé Ba se montre en bon érudit du Mali et de l’Afrique en soulignant l’importance de la spiritualité et de la tolérance pour résoudre les conflits. En Europe, au-delà de Mihaï Eminescu en Roumanie,  Victor Hugo a mis sa poésie au service de l’unification et de la réconciliation nationale en France après la guerre franco-prussienne. Cette encre de l’entente donne sens à la récente publication du talentueux Amadou Lamine Sall qui, de la verte cité de Rabat, riposte comme pour faire taire toutes ces plumes qui accusent : NON, MON PAYS N’EST PAS UN PAYS MORT !

En poète averti, il reprend dans une magnifique envolée les mots du sage : mon pays n’est mort que dans la hâte de ceux qui marchent avides sur les chemins de mirages les yeux embués et l’horizon cupide… Mon pays n’est mort que chez les fils de l’impatience, les fils malicieux de la politique, les sidéens du pouvoir dans la malaria et le paludisme des urnes, les fils arqués et maudits de la politique fétide, les bergers à venir mais si fatigués déjà comme de vieilles peugeot des années de jazz… 

Entre les vers, la belle plume du poète insiste : là-bas, m’a-t-on dit, il n’existe point de drapeaux rouges ni de chars ni de fusils ni de prisons rien que des jardins de Dieu…

Alors, restons loin de l’enfer du mal. Une bonne plume se lit sans feu en temps de crise. Et comme dit le poète : NON, MON PAYS N’EST PAS UN PAYS MORT !

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