Diégane Sène : «Ce que l’Urd attend du Président Macky Sall»

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XALIMANEWS : Le nouveau patron de l’Union pour le renouveau démocratique (Urd), Diégane Sène, qui veut passer par la communication pour arriver à relever les défis qu’il s’est fixé, vide son sac. Le successeur par intérim de feu Djibo Leyti Ka n’a pas attendu longtemps pour recadrer ceux qui tentent déjà de scier la branche sur laquelle il vient de s’asseoir, mais aussi mener l’Urd vers une crise interne. Le professeur d’histoire des médias au Cesti revient également sur les termes du contrat entre l’Urd et le parti au pouvoir (Apr), sur ce que le parti attend de Macky Sall, les ennemis autour du Président… Diégane Sène évoque, entre autres questions, l’affaire de la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, les retrouvailles entre Wade et Macky Sall. Il invite Macky Sall à rester collé à ses alliés, tout en s’ouvrant aux autres (opposition, société civile et autres bonnes volontés).

Vous venez de succéder, par intérim, à Djibo Leyti Ka, à la tête de l’Urd. N’est-ce pas là une charge lourde pour vous ?

 

Effectivement, c’est une charge très lourde. On ne succède pas facilement à un homme comme Djibo Ka, avec tout son riche passé, son expérience, son sens de l’Etat… Avant de partir (décédé, Ndlr), Djibo Ka a laissé beaucoup de résultats au double plan politique et social. C’est quelqu’un de difficilement remplaçable. On va tenter de le faire, ayant beaucoup appris à ses côtés. La tâche peut ainsi être moins ardue. On va le faire aussi étant bien entourer par l’ensemble des membres du parti (Urd) dans l’intérêt de notre formation politique et celui du Sénégal.

 

Quels sont les défis immédiats que vous comptez relever?

 

Il s’agit d’abord des défis de remobilisation du parti. Vous savez que l’Urd, depuis longtemps, est un parti qui, à l’instar de beaucoup d’autres, a connu beaucoup de soubresauts, des hémorragies qui n’ont pu que l’affaiblir. Il s’agit de faire en sorte non seulement de les stopper, mais d’œuvrer pour que la flamme de 1998 recommence à briller. C’est faisable.

 

Vous faites allusion à quelles hémorragies ?

 

Il s’agit de tous les gens qui ont quitté, depuis 2000 en particulier. Des gens qui sont allés dans d’autres formations politiques ou qui sont restés en retrait. A défaut de les faire revenir dans le parti, il s’agira de les remplacer par d’autres. Les signaux que je reçois depuis quelques jours me confortent dans le sentiment que le retour de beaucoup d’entre eux dans le parti est possible. Le parti est mobilisé derrière son nouveau Secrétaire général et déterminé à travailler pour regagner le terrain perdu et aller vers de nouvelles conquêtes politiques. Voilà la tâche primordiale. Dans la même perspective, il faudra préparer le congrès du parti. Ce congrès qu’on prépare depuis des années, aurait dû se tenir depuis 2007.

 

Pourquoi depuis lors ce congrès ne s’est-il pas tenu ?

 

Il ne s’est pas tenu parce que nous n’étions pas prêts, notamment au niveau du travail préparatoire qu’il fallait faire au sien de la direction du parti. Les finances du parti n’étaient pas au vert non plus. Un congrès, c’est de l’argent. Toutes choses qui font que nous préparons ce congrès sans y arriver et en particulier depuis 2014, où on avait réanimé les commissions censées préparer ledit congrès. Cela, sans que les choses bougent de façon significative. Nous allons travailler à trouver les moyens financiers qui puissent nous permettre d’y arriver. Voilà les chantiers primordiaux, auxquels s’ajoute notre action politique de parti majeur. Nous ne sommes pas un très grand parti politique, mais nous ne sommes pas non plus un parti cabine téléphonique. Le parti a été représenté partout à travers le Sénégal. Là où il n’était plus représenté, les anciens responsables ou de nouveaux membres se signalent déjà pour travailler à sa restructuration locale. Il faut être un parti significatif pour avoir une telle représentation.

 

Avez-vous arrêté une date pour le congrès ?

 

Non. Ce qu’on retient, c’est une fourchette qui comprend l’année 2018. Nous espérons pouvoir tenir le congrès avant la fin du mois de décembre 2018. Il faudra donc un travail, en amont comme en aval, pour restructurer le parti et éventuellement renouveler les instances. Ce, pour redémarrer sur de nouvelles bases. Nous allons avoir un parti qui va récupérer une bonne partie du terrain perdu.

 

A peine installé comme Secrétaire général par intérim de l’Urd, des polémiques commencent déjà à naître. Arona Ba de la fédération départementale de l’Urd à Louga, écarte votre candidature au prochain congrès du parti. Car dit-il, étant chargé de superviser toutes les étapes du congrès, vous ne pouvez pas être juge et parti. Qu’en dites-vous ?

 

Le principe est admissible en justice. Mais ici, nous sommes en politique. Par ailleurs, je suis très surpris qu’on présente celui que vous nommez (Arona Ba) comme responsable de la fédération Urd de Louga. Dans ce département, nous avons un responsable fédéral qui s’appelle Ifra Djiby Sow. Il faut que les gens arrêtent de se répandre dans la presse. Ça ne sert à rien. Ce qui est sûr c’est que l’Urd est un parti démocratique, un parti de débat. Il faut que les gens soient plus calmes. Nous sommes un parti démocratique et nous n’oublierons jamais d’où nous venons. Nous venons de ce que nous avons jugé à l’époque comme la conséquence d’un déficit démocratique à l’intérieur du Parti socialiste. Et c’est ça qui a fait naître le courant du renouveau démocratique. Donc, nous ne pouvons pas esquiver le débat, mais il faut qu’il existe réellement. Le problème ici est que le débat n’existe même pas.

 

Concrètement, allez-vous être candidat au poste de Secrétaire général de l’Urd au prochain congrès ?

 

Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c’est que j’ai une fédération parmi les plus importantes du parti. Une fédération qui était très importante il y a quelques années, mais qui l’est devenue un peu moins pour la raison bien simple que je n’étais plus sur le terrain. Cette fédération, avec les dernières Législatives, commence à se remobiliser autour de personnes très responsables au plan local. Des responsables politiques qui reviennent en première ligne pour redonner à la fédération le dynamisme qui a toujours été le sien. C’est trop facile de crier dans la presse. C’est la base qui va élire le prochain secrétaire général de l’Urd. En fait, c’est la base qu’il faut écouter davantage que des individus isolés qui s’expriment sans aucune qualité connue et reconnue dans le parti.
Avec ces remous, ne va-t-on pas vers un début de crise interne au sein de l’Urd ?
Non, il n’y a pas de remous. Aujourd’hui, toutes les fédérations et les secrétaires généraux de fédération sont unanimes et s’associent à la décision de la Direction politique exécutive (Dpe) de l’Urd de travailler autour du nouveau Secrétaire général, pour l’intérêt du parti. Il n’y a pas un début de polémique dans le parti. J’ai dépassé l’âge des polémiques. Quand on milite depuis le lycée, on connaît les polémiques, on en connait aussi les limites au plan politique. Ceux qui voudront polémiquer, le feront sans moi.

 

Aujourd’hui, après le décès de Djibo Leyti Ka, est-ce que l’Urd entend revoir les termes de son compagnonnage avec le parti au pouvoir (Apr) ?

 

On en a discuté, parce qu’on ne pouvait pas occulter ce problème. Nous sommes avec le Président Macky Sall, sur la base d’un contrat moral qui nous lie depuis deux ans. Un contrat sur lequel nous n’avons pas à revenir. Nous sommes et nous serons fidèles à nos engagements. Nous œuvrerons à ce que ce compagnonnage se poursuive dans les meilleures conditions. Les termes du contrat sont très clairs. Nous ne désapprouvons pas ce que fait le Président Macky Sall. Nous n’avons aucune raison de nous opposer à lui. Nous trouvons que si Macky Sall est appuyé, il arrivera à de très bonnes solutions aux problèmes du pays. Des réalisations sont déjà là, alors que son mandat est loin d’être achevé. Nous agissons comme des militants de son parti pour qu’il soit réélu et qu’il ait la base sociologique et politique qui lui est nécessaire pour travailler dans la quiétude afin d’atteindre ses objectifs. Il y a des nihilistes qui n’apprécieront jamais ce que fait le Président Macky Sall. Mais l’essentiel est qu’il y ait une majorité de Sénégalais qui l’approuvent.

 

En termes clairs, l’Urd ne présentera pas un candidat contre Macky Sall à la Présidentielle de 2019…

 

Non. Je ne pense pas. A l’unisson, l’Urd est avec le Président Macky Sall. Le parti n’a pas de candidat, mais il aura, bien entend, un candidat, qui est le Président Sall selon les termes du contrat que nous avons signé il y a deux ans. Si vous avez un bon candidat, à quoi bon aller en chercher un autre ? Ça n’a pas de sens. Nous ne pouvons pas avoir un meilleur candidat que Macky Sall. Notre devoir est de travailler à ce que sa candidature triomphe.

 

Qu’est-ce que l’Urd attend du Président Sall ?

 

Nous nous attendons à ce que le Président Macky poursuive ses réalisations, sa politique pour le Sénégal. Qu’il continue d’être un grand rassembleur et que rien ni personne ne le divertisse dans cette voie. Le Président Sall doit continuer de s’ouvrir, parce que l’ouverture, en politique, reste le gage de la stabilité. Nous demandons au Président de rester collé à ses alliés, tout en s’ouvrant aux autres. Sur un autre plan, l’Urd attend du Président Macky qu’il nous renforce en moyens afin de travailler pour le Sénégal. Car nous avons notre idée sur ce que doit être le Sénégal et comment il doit être sur la voie de l’émergence par le Président de la République. Le chef de l’Etat doit nous mettre dans de meilleures conditions pour y arriver. Nous sommes des hommes et des femmes de foi, d’engagement et de fidélité. Nous ne doutons pas que le Président va faire en sorte que l’Urd soit représentée dans toutes les instances de décisions du pays, à la juste mesure de son poids politique.

 

Que doit faire le régime en place pour réussir sa politique de l’emploi et de développement socio-économique ?

 

C’est une vaste question qu’aucun pays n’a résolue. Les seuls pays qui y sont arrivés plus ou moins, ce sont ceux qui ont su développer le tissu industriel. Il faut commencer par renforcer le secteur privé, qui est créateur d’emplois. L’auto-emploi est très important. Il faut le développer. Là, le Président a facilité les conditions d’accès des jeunes à la création d’emplois… Tout cela va contribuer très largement à favoriser l’emploi et à lutter contre le chômage endémique des jeunes.

 

La levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall défraie la chronique ces derniers temps. Pensez-vous que le pouvoir en place est sur la bonne voie ?

 

Les questions judiciaires sont toujours très complexes. Et quand on est loin du dossier, comme c’est mon cas, comprenez qu’il est hasardeux de s’y avancer. Moi, je sais que nous avons des institutions très solides. C’est un des points de l’héritage de Senghor (Léopold Sédar) qui est capital. C’est ce qui fait que nous avons une bonne justice, de bonnes institutions de sécurité, etc. Donc, faisons confiance à nos institutions.

 

Mais dans cette affaire Khalifa Sall, d’aucuns accusent le Président Sall de vouloir briser un potentiel adversaire politique. Etes-vous de cet avis ?

 

Je ne pense pas que Macky Sall, que je crois connaître, ait l’intention de briser quelqu’un. Je ne le pense pas. Dans ce pays, nous avons une opinion publique très forte, une démocratie si bien ancrée que cela n’est pas possible. Je suis loin de souhaiter à Khalifa Sall ce qu’il traverse aujourd’hui. On a cheminé longtemps ensemble au Parti socialiste. C’est un homme de grande qualité. Je ne crois pas non plus qu’il se soit enrichi personnellement. On ne peut pas lui souhaiter la prison. Mais, puisqu’une procédure est en cours, je crois que mieux vaut la laisser arriver à son terme. Il faut éviter d’agiter certains spectres qui ne vont dans l’intérêt de personne. Car, si le Sénégal est en difficulté, il ne faut pas que ceux qui sont à la base de ces difficultés pensent pouvoir en sortir indemnes. Nous sommes tous parents au Sénégal. C’est cela qu’il faut sauvegarder. Il nous faut un bon climat politique. Donc, faisons confiance à la justice, à la police et à la gendarmerie, qui garantissent l’ordre social.

 

Parlant de bon climat social, le Khalife général des mourides invite Me Wade et Macky Sall à des retrouvailles pour l’intérêt du Sénégal. Le Président Sall ne doit-il pas répondre à cet appel le plus rapidement possible ?

 

Moi, je demande au Président Macky Sall de continuer à s’ouvrir, de refuser l’enferment. Il faut qu’il veille à ce que personne ne lui crée des ennemis. On ne peut pas vouloir que le Président gagne des élections, tout en le privant de certains soutiens ou en travaillant à briser certains rapports qu’il a avec d’autres personnes.

 

Donc, il va falloir que le Président soit beaucoup plus vigilant vis-à-vis de son entourage…

 

Je sais que le Président Sall est très vigilant. S’il n’était pas vigilant, peut-être qu’il aurait eu des problèmes avec beaucoup de gens, y compris avec ceux de sa majorité. Il a su gérer tout cela. Macky peut se retrouver avec n’importe quel citoyen sénégalais. Il ne faut jamais procéder à une quelconque exclusion, mais il faut que le jeu soit sincère de part et d’autre. Si la sincérité est garantie, je ne vois aucun inconvénient à ce que Macky Sall se retrouve avec qui il veut et qui veut se retrouver avec lui.

 

Avec L’Obs

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