Dix ans après Mansour Bouna, le «tata» socialiste s’effondre !
XALIMANEWS : Papa K.Thiam revient sur l’immense héritage de Mansour Bouna Ndiaye, petit fils d’Alboury Ndiaye et figure de proue du parti socialiste:
Je voudrais vous entretenir d’un homme que j’ai connu le jour de son enterrement. Le 29 juillet 2008, alors que j’étais en vacances à Louga, j’assistai à l’inhumation de Mansour Bouna Ndiaye, l’attitude des gens dans la rue me fit comprendre qu’un grand homme devait rejoindre sa dernière demeure. Le portail du cimetière fut fermé, chose inédite à mon niveau, pour cause de bousculade. L’actuel khalif des tidjanes (fils de son homonyme) dirigea la prière mortuaire et fit un discours aussi sommaire que dense, il dit ceci : «Cet homme a entendu plusieurs titres maire, honorable député, ministre… Aujourd’hui il ne veut entendre que prières et témoignages à son égard». Et il commença avec ses proches la mise sous terre. Quelques minutes après l’enterrement la voix de Mame Abdou me revint en tête quand il dirigeait la prière mortuaire de Lamine Gueye 40ans plus tôt mais je ne pus m’empêcher de penser à Victor Hugo dont la dépouille mortelle était portée par deux millions de personnes quand je vis l’immense foule rebrousser chemin dans le chagrin profond. Le lendemain je commencai à me renseigner sur la vie et l’oeuvre de cet homme qui a eu droit à un hommage digne de Djily Mbaye. Je tombai sur son livre « Le prince qui croyait à la démocratie». Un témoignage sur la vie politique nationale mais une analyse des tares de notre démocratie. J’ai découvert un grand homme symbole de l’alliance sans fard des fondamentaux républicains et de la noblesse royale .Le fort d’un parti politique est son culte de l’effort de ses membres. Le parti socialiste premier parti à exercer le pouvoir est la famille politique naturelle de Mansour Bouna. Cette formation a un culte de production d’ hommes de rigueur et de probité qui appartiennent à l’histoire de ce pays sans toutefois se mettre sous les projecteurs, des stratèges de l’ombre. Si le parti de Senghor a été dépositaire légal de plus de la moitié du marché électoral c’est parce que des hommes de la dimension de Mansour Bouna Ndiaye ont trouvé l’huile à la machinerie politique conquérante malgré les soubresauts de la vie politique des années 1970. Mansour Bouna procédait souvent au renouvellement de la vision de Senghor et à la matérialisation du socialisme à hauteur d’homme et de communauté par des actes administratifs forts et une disponibilité sociale élégante. Toutefois le petit fils d’Alboury se distinguait par sa promptitude à évoquer sa lignée royale, qui quand même c’est le lieu de l’admettre, l’a porté à inscrire son nom au Panthéon des personnalités de l’histoire politique moderne.
Mansour Bouna a su très tôt manier les concepts avec une habileté exquise et un éclectisme assumé qui lui permettait de cerner avec exactitude et cohérence la pensée de Senghor. Très proche de Diouf dont il est le cousin et confident, il est un parent de Serigne Cheikh Mbacké Gaindé Fatma et de Mame Abdou qui partageait avec lui une affinité que je ne saurais étaler ici. Cet homme de foi portait des idéaux politiques en harmonie avec nos traditions religieuses. Député à l’Assemblée nationale il a fait voter la loi qui décrète férié le lendemain de la tamkharite. Sachant avec Verlaine que l’histoire justifie le présent il rénove le tata de Yang-yang, (devenu un musée) et participe à la modernisation de la ville de Louga dont il fut maire pendant des années. Je demeure à ce jour séduit par son chauvinisme raisonnable et qui cadre avec l’aggiornamento de la décentralisation et de la déconcentration. Après les élections de 1996, sa lettre révélait à Abdou Diouf les signes avant-coureurs de sa déroute mais ce dernier dans des dispositions du tout-répressif que lui soufflait Tanor n’a jamais vu venir le tsunami bleu. S’il m’était donné de le réveiller de son sommeil paisible, je lui dirais que le tata socialiste s’effondre.
Reposez en paix Bourba
Papa Kalidou Thiam
ADK Tambacounda