DOUDOU SARR, TÊTE DE LISTE NATIONALE DE “WA SENEGAL » « Nous ne devons pas laisser Macky seul face aux lobbies qui tiennent le pouvoir réel dans ce pays”

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 Au cours d’un entretien accordé au journal Enquête dans une récen, le leader du Nouveau parti (NP), Doudou Sarr, déclare s’opposer à une majorité monolithique de Benno Bokk Yaakaar qui ferait du président de la République, un otage soumis à des chantages permanents. Selon Doudou, tête de liste de « Waa Senegaal », il y a urgence nationale à régler la question du chômage.

 

On n’a pas noté un réel engouement chez les populations depuis le début de la campagne.Est-ce lié au discours ?

Personnellement, je suis terrifié par l’état de la classe politique de notre pays. Nous allons à des élections législatives. Une élection démocratique n’est pas une élection où le fichier ou le vote est transparent. C’est aussi la clarté du choix proposé.

Deuxièmement, une élection se caractérise par le fait que les débats portent sur les sujets brûlants de l’heure. Or, lorsque vous suivez le débat législatif actuel, aucune question essentielle qui tenaille les Sénégalais et Sénégalaises n’est abordée comme question centrale. Autrement dit, le sort des populations est totalement absent du discours politique. C’est effarant dans un pays où plus du ¼ de la population est sans emploi…

Quelle est votre politique ?

On ne peut pas faire d’offre politique, lorsqu’on est dans un pays où se posent des questions aussi graves. Nous proposons plus des mesures urgentes qu’une offre politique que constituent les 13 points de notre profession de foi. L’urgence, c’est la création de 200 000 contrats de formation-qualification par an. C’est-à-dire des contrats de pré-emploi. Nous allons créer à côté 100 000 contrats de formation au sein des entreprises bénéficiant de marchés de l’État et des collectivités locales. Ce qui fait 300 000 Sénégalais placés en position de pré-emploi.

Comment réaliser cela ?

Nous sommes dans un pays où selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) ainsi que selon la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE), le nombre de nouveaux demandeurs d’emploi varie de 203 000 à 205 000 par an. Or le privé, l’informel, l’Etat n’en créent pas plus de 30 à 40 000 par an. Ce qui veut dire que nous sommes dans un pays de 12 millions d’habitants où il y a 170 000 ou 175 000 chômeurs supplémentaires chaque année.

Mais comment le député que vous aspirez devenir peut-il régler cette question qui est du ressort des pouvoirs publics ?

Tu as tout a fait raison. J’y viens. Vous remarquerez que même si notre proposition est appliquée, le chômage ne se réduirait que de 36 unités par an. Ce qui est à peine à la hauteur du problème. Cette proposition a un coût. Elle coûte 180 milliards de francs Cfa par an. Cela fait 7,5% du budget 2012. La question de savoir si nous en avons les moyens ou pas est résolue. Pour éviter toute polémique, nous proposons de regarder ailleurs, hors du budget, mais en restant toujours à l’intérieur des frontières de notre pays. Chaque année, ainsi que l’a avoué le président de la République sortant, l’État du Sénégal exonère ceux qui peuvent payer, c’est-à-dire les grandes sociétés. Elles ont été exonérées tant au niveau de la fiscalité intérieure que de la fiscalité de porte à hauteur de 300 milliards par an. Nous avons largement les moyens de résoudre la question du chômage. Au Sénégal, il y a beaucoup de travail mais nous créons peu d’emplois

Et pour répondre à la question précédente ?

C’est une question capitale. On a l’habitude au Sénégal de réciter des leçons mal apprises. Il paraît que nous optons pour une séparation des pouvoirs. La séparation n’a jamais signifié l’égalité entre les pouvoirs. Nos magistrats ne sont pas élus comme dans certains pays. Il n’y a pas égalité de pouvoir entre la Justice qui n’est pas un pouvoir et qui ne le sera jamais, et l’Assemblée nationale.

Pourquoi ?

La Justice n’est pas un pouvoir et ne le sera jamais. C’est une autorité. A force de dire des choses pendant des décennies, nous finissons par y croire. Les magistrats jugent au nom du peuple, ce qu’ils oublient souvent. Les dénominations ont une origine. L’Assemblée nationale n’est pas l’égale de l’Exécutif. Si notre liste Wa Sénégal est majoritaire à l’Assemblée, ce sera le gouvernement Wa Sénégal. On nous endort ; refusons de dormir ! La configuration du prochain gouvernement est entre les mains exclusives des électeurs sénégalais. La nomination du futur gouvernement est entre les mains des électeurs. C’est pourquoi ces élections à venir seront les plus importantes de l’histoire politique du Sénégal.

Croyez-vous à une Assemblée nationale de rupture telle que prônée par tous les candidats ?

Nous voulons être cohérents. Nous avons participé à l’élection de Macky le 25 mars. Nous ne pouvons pas être l’opposant à Macky quand on sait qu’il n’a pas encore bouclé 80 jours. C’est notre champion. Mais nous refusons l’attitude consistant à être sur le quai, à croiser les bras, à renfrogner le visage et à dire :“Guettons la première erreur et tapons lui dessus”. Nous voulons le défendre,consolider la victoire du 25 mars et l’élargir. Sur le pouvoir d’achat, nous voulons qu’il y ait une baisse significative des prix.Consolidons les acquis. Nous ne devons pas laisser Macky seul face aux lobbies de toujours qui tiennent le pouvoir réel dans ce pays et qui l’ont toujours tenu.

Qui sont-ils ?

Ce sont les oligarchies relevant du vieux capital français qui n’ont pas de place en France. Ce sont aussi les jeunes loups du capital français qui sont durement concurrencés dans leur territoire naturel, c’est-à-dire européen et qui viennent se réfugier ici.

Pouvez-vous être plus précis ?

Il s’agit de véritables rapaces et de véritables prédateurs. Je rappellerai que lorsqu’un Sénégalais détourne un franc, ces oligarchies en détournent sept. C’est vrai que du temps de Senghor, lorsqu’un Sénégalais détournait un franc, ces oligarchies en détournaient onze. Je ne défends pas les prédateurs sénégalais car je suis un farouche défenseur de la loi contre l’enrichissement illicite. Mais telle qu’elle a été mise en place sous le régime d’Abdou Diouf et non telle qu’elle veut être modifiée.

Où est la différence ?

Sous Abdou Diouf, on vous pose la question simple : “Avez-vous un immeuble ? Montrez que les sources ayant abouti à la construction de cet immeuble sont licites”. Point. Ce n’est pas compliqué. Donc, il ne s’agit pas d’inquisition, mais de bonne gouvernance. Ce sont des choses banales au sens trivial du terme.

Qu’est-ce qui vous dérange dans l’actuelle loi ?

La nouvelle loi investigue mais n’accuse pas, ne soupçonne même pas a priori. Dès qu’on est sur ce terrain-là, on devient faible. Parce que ce qui apparaît, c’est l’inversion de la charge de la preuve. Je ne veux pas qu’on touche à la loi originelle qui échappe à une telle critique tandis que les motivations ont un caractère inquisitoire. Revenons en à la loi originelle en parlant moins et en commençant à agir. On ne vous convoque pas à la police ; on vient chez vous ou dans un bureau administratif s’il s’agit de comptabilité financière. On vous pose des questions. A force de vouloir renforcer la loi, c’est comme si on ne voulait pas toucher certains.

Soupçonnez-vous Macky Sall de vouloir protéger des gens ?

En tout cas la loi pour l’enrichissement illicite est là pour tout le monde y compris l’actuel pouvoir. Je veux qu’on en reste à la loi originelle. La preuve, on la critique, alors qu’avant, on ne la critiquait pas. L’ancienne loi avait peut-être des limites, d’où sa léthargie… J’étais proche de l’inspirateur de la loi. Diouf n’a jamais voulu abandonner la loi alors qu’il était au faîte de sa puissance, contrairement à ce qui a été raconté (…).

Pour quelle raison ?

Diouf expliquait que même ceux qui l’ont poussé à mettre en place cette loi étaient les premiers à lui dire : “Non, n’arrête pas untel ou untel car c’est l’ami d’un tel ou c’est le parent de mon parent.” Dans la classe politique, il est dit autrefois que détourner l’argent public, ce n’est voler l’argent de personne. Ce qui est archifaux du point de vue des faits. L’argent public et l’argent de l’Etat, c’est le cumul de l’argent privé.

Le gouvernement de Macky Sall affiche quand même une ferme volonté d’aller jusqu’au bout de cette affaire.

Je soutiens fermement les efforts de Macky. Il a dit qu’il ne protégerait personne. Je le soutiens fermement sur ce point.

Pensez-vous qu’on doit donner la majorité absolue à Macky Sall ?

Les Sénégalais regardent ; s’ils veulent donner la majorité à Macky Sall, des gens le feront chanter. Dans ce cas, les Sénégalais jugeront. Nous ne voulons pas d’une majorité pour faire chanter le président de la République. Une majorité plurielle, c’est la sécurité dans notre pays. Une majorité monolithique, c’est le chantage permanent au président de la République. C’est la négation du suffrage universel du 25 mars 2012. Mais cela a déjà commencé. Regardez les interventions des uns et des autres.

Que pensez-vous de la sortie du ministre Alioune Badara Cissé qui pense que le président Macky Sall n’est pas tenu de réduire son mandat car il a été élu pour 7 ans ?

ABC est un ami, un frère. C’est l’un des rares qui est intervenu pour ma défense lorsque je faisais l’objet de calomnies à la suite de ma sortie du gouvernement sous Wade. Mais il s’agit là de phénomène de cour. Je n’ai pas les tenants et les aboutissants du débat. Tout ce que j’en sais, c’est qu’une option pour 7 ans signifie une défaite au bout des 7 ans.

Pourquoi ?

Peut-être que je suis la personne la plus mal placée pour le dire car dans ma culture politique, le mandat ne doit pas excéder 4 ans. Quelqu’un qui veut faire deux mandats, il fait 8 ans et s’en tient là. Il ne doit pas faire comme Poutine (NDLR : Vladimir Poutine, président de la Russie qui, après deux mandats de 4 ans chacun, a “confié” le pouvoir à Dimitri Medvedev avant de revenir gagnant à la présidentielle du 4 mars dernier). A la limite, je suis prêt à faire un compromis pour 5 ans ; au maximum deux mandats de 5 ans. Je trouve que 7 ans fait partie des éléments constitutifs des dérives monarchiques. Que Dieu nous en garde !

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