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Dr Habib Ndiaye, médecin-chef : «Kédougou est l’une des régions qui consomment le plus de perservatifs»

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En termes d’indicateurs de santé, la région de Kédougou valse avec le bon et le moins bon. Sa vulnérabilité épidémiologique a certes conduit la région à flirter avec la catastrophe, comme ça été le cas avec l’apparition de l’Hépatite E, mais des avancées ont été notées par ailleurs. Selon le médecin chef de la région Dr Habib Ndiaye dans cet entretien, des efforts ont été déployés, pour diminuer par exemple, le taux de prévalence du Vih/Sida de 1,7% à 1,1%.

Quelle est la situation sanitaire de la région de Kédougou ?
La région est dans une bonne dynamique. C’est vrai que Kédougou est une jeune région qui, a à peine 6 ans d’existence, depuis son érection en région en 2008. Il faut considérer que c’est une région qui est confrontée à beaucoup de difficultés sanitaires. Tout compte fait, beaucoup d’efforts ont été déployés pour inverser la tendance. Ce qui fait que cette dernière est globalement bonne dans la région. Du point de vue des indicateurs, tant pour les ressources humaines que pour les programmes prioritaires de santé, l’évolution est bonne. Maintenant, cela ne veut en aucune façon dire qu’on a réglé les problèmes. Seulement, si la région parvient à maintenir cette dynamique d’ici quelques années, elle aura un profil sanitaire acceptable. Ce qui la permettrait de résorber le gap qui la sépare des autres régions. Entre 2008 et maintenant, du point de vue de la couverture de la région en infrastructures sanitaires, on a globalement une bonne couverture.
Nous avons présentement 26 postes de santé, 4 centres de santé avec la réouverture de Ninéfécha comme centre de santé secondaire, 2 cases de santé qui sont en voie d’être érigées en poste de santé (Moussala et Mako). Alors qu’avant la régionalisation, l’ancien département de Kédougou n’avait que 13 postes de santé. Pour les ressources humaines, beaucoup d’efforts ont été consentis par l’Etat, par le biais du ministère de la Santé et de l’Action sociale et l’appui de nos partenaires. La région compte 13 médecins au total, 32 sages-femmes public et privé confondus au point que nous sommes en train de placer beaucoup de sages-femmes dans les structures de santé de la région. Dans le centre de santé de Kédougou par exemple, sur les 10 postes de santé, les 8 ont une sage-femme, à Saraya sur les 10 postes de santé, les 5 ont une sage-femme ensuite pour Salémata, sur les 6 postes, les 3 ont une sage-femme. Juste pour dire que des efforts ont été faits.
Avec la porosité de nos frontières, qui entraîne un flux migratoire important vers Kédougou et la prolifération des sites d’orpaillage traditionnels, est-ce que cela n’annihile pas les efforts qui sont en train d’être déployés au plan sanitaire ?
Tout à fait. C’est clair que Kédougou est une région frontalière au Mali à l’Est et à la République de Guinée au Sud. C’est aussi une région très vaste de plus de 16.000 km2. C’est la deuxième région la plus vaste après Tambacounda, même si la population est relativement faible avec 150.000 hts. Ce qui donne une densité très faible qui entraîne une habitation très dispersée des populations. Cette configuration géographique, depuis l’avènement des sites d’orpaillage traditionnel, a créé un flux migratoire extrêmement fort à Kédougou, qui échappe même à la vigilance des forces de sécurité.
Cela a entraîné depuis quelques années de grandes mutations, tant du point de vue sanitaire, environnemental, sociologique et économique. L’avènement de ces lieux a rendu la région très vulnérable sur le plan sanitaire. Il y a beaucoup d’impacts négatifs que ces sites ont engendrés dans la région. Malgré qu’il y a à coté, des impacts économiques que je ne peux mesurer. Cette prolifération des Dioura (sites d’orpaillage traditionnel) a entraîné l’explosion du Vih/Sida à Kédougou. Qui, pour rappel dans les années 90, n’avait pas cette situation qui prévaut actuellement. Les Enquêtes démographiques et de santé (Eds) de 2001-2002 montraient un taux de prévalence de 0,3 voire 0,4%. En 2009-2010, ça a été une explosion avec une hausse de la prévalence du Vih/Sida dans la région. Au point que Kédougou occupe la deuxième région la plus atteinte après Kolda, avec un taux de 1,7%.
La position géographique avec le flux migratoire et l’explosion des sites d’orpaillage ont entraîné des difficultés à la santé. En plus, il faut souligner que la question de l’eau est compliquée dans ces lieux. Dans sa globalité, la région est confrontée à ce problème. La géophysique de la région est faite de sorte, qu’il n’y a pas d’eau souterraine. C’est des eaux d’infiltration de la pluie qui alimentent les nappes superficielles. Ce qui fait que c’est extrêmement difficile de tenir vers les mois d’avril, mai et début juin à Kédougou. Même au niveau du centre de santé, les gens ont parfois du mal à s’approvisionner en eau. Une situation qui fait que les populations font recourt à d’autres moyens pour avoir de l’eau et malheureusement c’est de l’eau de mauvaise qualité. Surtout quand on sait que dans certaines localités comme Kharakhéna par exemple, en l’espace de trois semaines, la population peut passer du simple au double. C’est dire que c’est compliqué. Finalement même le forage du village ne pourra pas satisfaire la commande en eau. Malheureusement, l’eau qui est consommée dans lesdits sites est mal traitée. Ce qui est à l’origine de plusieurs maladies, dont l’hépatite E, que nous connaissons et certainement d’autres maladies diarrhéiques.

Le taux de prévalence du Vih/Sida est passé de 0,4% à 1,7%. Quelles sont les dispositions qui ont été prises pour freiner la propagation de la pandémie ?
Pour la riposte contre le Vih/Sida, en attendant que nous recevions les résultats de nos statistiques du Cnls et de la Division-Sida du ministère de la Santé et de l’Action sociale, nous pensons que cette prévalence a chuté. Nous l’estimons à 1,1%. Beaucoup d’efforts ont été faits par la Division-Sida, le Cnls et les partenaires à tel enseigne que beaucoup de nos indicateurs concernant la lutte contre le Vih/Sida sont bons. Nous avons un taux de dépistage satisfaisant, qui dépasse largement les objectifs de départ. Du point de vue de la prévention contre la transmission mère-enfant, on est à près de 80% de dépistage des femmes enceintes. C’est vraiment important, ce qui a été fait pour qui connaît les difficultés à Kédougou, d’avoir des visites prénatales des femmes enceintes.
Pour la prise en charge psychosociale des malades, la région a fini d’asseoir la carte. Nous avons des sites de prise en charge au niveau des 3 districts et même au niveau décentralisé dans les postes de santé. Compte tenu des distances, dans chaque district, nous avons des postes de santé qui font de la prise en charge et ce, grâce à l’appui des partenaires. Le personnel a été formé à l’hôpital Fann de Dakar. Chaque année, on a 4 à 5 infirmiers et sages-femmes qui font une formation, pour une bonne prise en charge. C’est difficile de demander à des malades de faire des distances pour se déplacer dans la région, alors qu’on n’a pas un réseau de transport en commun. Cela facilite les pertes de vue. C’est pourquoi, nous avons pensé avec l’appui des partenaires, à la formation pour permettre une bonne prise en charge qui, est globalement bonne. Des efforts ont été aussi faits dans le cadre de la coïnfection tuberculose Vih/Sida. Les malades du Vih/Sida doivent faire un dépistage de tuberculose. Nous n’avons pas atteint les objectifs. Néanmoins, on garde une bonne tendance et on pourra atteindre nos objectifs.

Selon vous, quel comportement devrait avoir la population pour s’approprier de la riposte contre le Vih/Sida ?
Pour cela, je dois dire que Kédougou était confronté depuis longtemps à un problème de disponibilité des préservatifs. Parce qu’on lutte contre le Vih/Sida en arrêtant sa transmission. Et le meilleur instrument de lutte contre la transmission sexuelle à défaut de l’abstinence, est l’utilisation de préservatifs. Avec l’appui des partenaires comme Fhi et l’Ong Keoh, nous avons mis sur place depuis 2013, un dépôt régional de stockage de préservatifs. Qui, avec la Pra-mobile installée depuis 2013, nous a permis de renforcer les disponibilités au niveau de tous les districts de la région. A ce dispositif, s’ajoute la sensibilisation de la population à prendre conscience que nous sommes dans une région très exposée. Ce qui veut dire, qu’on doit adopter des comportements favorables à la santé et qui évitent l’infection contre la maladie. Ce, en s’abstenant ou en utilisant des préservatifs. Les populations commencent d’ailleurs à le comprendre, parce que nous sommes l’une des régions qui consomme le plus de préservatifs dans le pays. Le taux d’utilisation est très fort. Nous recevons chaque mois ou chaque deux mois, plus de 90 boîtes de préservatifs. C’est bien et c’est une tendance à encourager d’autant que dans les sites d’orpaillage, les comportements sexuels sont tels, qu’il faut l’utilisation du préservatif dans ces milieux pour prévenir la transmission. L’autre aspect de la chose, c’est que nous devons lutter contre la prostitution clandestine. La prostitution légale étant détenue pour la plupart par les populations «étrangères». Ces dernières sont moins vulnérables, parce qu’elles font l’objet d’un suivi sanitaire régulier. En plus, elles font le dépistage. Les enquêtes menées récemment ont montré qu’elles utilisent et imposent à leurs clients l’utilisation des préservatifs. Maintenant, la véritable bombe est la prostitution clandestine. La région enregistre beaucoup de mineurs qui s’adonnent à cette activité clandestinement et cela constitue un véritable problème. On ne maîtrise pas la prostitution clandestine. D’abord, les concernées n’accèdent pas aux structures médicales pour les suivis médicaux, elles n’accèdent pas aux préservatifs, elles ne font pas le dépistage Vih/Sida et les autres Ist. En termes de risque, le taux est élevé et c’est une préoccupation pour la région médicale.
Au mois de mars dernier, les premiers cas d’une maladie étrangère méconnue des populations faisaient leur apparition à Kédougou et même pour le personnel soignant : l’hépatite E.

Elle a fait beaucoup de morts. Quelle était sa provenance et la situation actuelle de la région par rapport à la maladie ?
D’abord, il faut le dire, Kédougou est une région très vulnérable aux épidémies. La première priorité à Kédougou, c’est la lutte contre les épidémies de tout ordre, du fait des caractéristiques géographiques, géo-climatiques, environnementales et même géophysiques. Les épidémies des maladies évitables par la vaccination notamment la fièvre jaune, ou la rougeole continuent de nous arriver compte tenu de notre proximité avec le Mali et la Guinée. D’ailleurs, les épidémies qu’on a connues ces dernières années, étaient liées à ça. Il y a également les épidémies des maladies liées à l’eau telles que le choléra, le ver de Guinée qui était une maladie endémique à Kédougou vers les années 90. Le Mali est encore endémique à cette maladie, c’est pourquoi nous restons vigilants. En plus, à cette liste, s’ajoutent les cas de méningite vers le mois d’avril. C’est dire que ce n’est pas simple.
Ainsi, en début d’année, vers les mois de janvier et février nous avons commencé à enregistrer des personnes qui avaient l’ictère (les yeux jaunes). On en a eu beaucoup dans le district de Saraya, notamment dans le site d’orpaillage de Kharakhéna. Dans le cadre de la surveillance épidémiologique qui est une activité hebdomadaire, nous traquons les maladies à potentiel épidémiologique. Chaque semaine, les autorités centrales ont les informations par rapport au risque d’épidémie dans tout le pays. C’est ainsi que nous avons identifié des personnes qui avaient les yeux jaunes. On a fait des prélèvements qui ont été envoyés à l’Institut pasteur de Dakar. Entre janvier et mars, nous avons fait 65 voire 70 prélèvements. D’ailleurs, cela avait nécessité le déplacement d’une délégation du niveau central sur le terrain pour venir investiguer en même temps que la Région médicale. Tous les prélèvements qui ont été réalisés ont été négatifs à la fièvre jaune. Alors, on s’est posé pas mal de questions, sur les cas que nous avions. On a même pensé à la fièvre de la vallée du rift. Vraiment, on ne savait pas à quelle maladie on avait affaire. C’est seulement au début du mois de mars, qu’on a eu la confirmation que c’était l’hépatite E. qui est une maladie rare liée à l’eau.

Le Quotidien

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