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El Hadj Iba Barry Kamara, Enseignant à la Faculté de Droit (UCAD) sur la constitution d’avocat des ministres et Pemier ministre dans le Procès de Karim Wade: « Ils ne peuvent plaider contre l’Etat »

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Le procès de Karim Wade est suspendu à l’appréciation des exceptions soulevées aussi bien par les avocats de la défense que ceux de la partie civile. Pendant que la cour est attendue sur l’irrecevabilité ou non de la constitution de certains avocats de la défense et celle de la partie civile de l’Etat du Sénégal, El Hadj Iba Barry Kamara, enseignant à la faculté de droit (Ucad) donne son avis. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il revient sur les exceptions soulevées, la compétence de la cour à statuer sur cette question, ainsi que sur l’éventualité de faire témoigner les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall etc.

Me El hadj Diouf a fait référence à l’article 11 de la loi relative à l’ordre des avocats pour récuser la constitution d’avocats de Karim Wade qui ont rempli les fonctions de ministres et Premier Ministre. Quelle est votre appréciation ?

Les fonctionnaires ou tout agent quelconque de l’Etat n’est pas habilité, durant trois ans, après cessation des activités, à exercer un acte de profession contre l’Etat. Ce sont des dispositions qui sont très claires. En l’espèce, il se pose une question claire consistant à savoir si les anciens ministres et Premier Ministre peuvent se constituer contre l’Etat. Si on se réfère à l’article 11 de la loi relative à l’ordre des avocats, on se rend compte qu’ils ne peuvent plaider contre l’Etat, les collectivités publiques territoriales ou décentralisées ou les administrations relevant de l’Etat. Il y a manifestement une interdiction de constitution d’avocat de leur part.

Croyez-vous à la compétence de la cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) pour se prononcer sur la légalité de cette constitution d’avocats, si l’on sait que les manquements à cette disposition sont sanctionnés sur le plan disciplinaire par le bâtonnier ?

Nous avons affaire à une loi. Elle s’applique à tout le monde. Si l’on réfère à la loi 2009-25 relative à l’ordre des avocats, il apparait que les sanctions prévues sont disciplinaires. Mais la sanction disciplinaire ne signifie pas rester inerte et attendre la commission de l’infraction. Parce que la violation de la loi est constitutive d’une infraction. Est-ce que la cour devrait pouvoir donner aux avocats la possibilité de se constituer ? Je ne crois pas, dans la mesure où il y a une interdiction manifeste clairement définie par la loi. Si la cour n’en savait rien, c’est en ce moment que l’on songerait à la sanction. Puisqu’a priori, la cour est informée. Normalement, elle ne devrait pas admettre la constitution d’avocats.
Ce qui est bizarre, c’est que la cour devrait se prononcer depuis longtemps sur cette question. En réalité, il y a un problème. Parce que la constitution d’avocats doit être portée à la connaissance du greffe. A partir de là, des constitutions pourront être acceptées ou rejetées.

Au procès de Karim Wade, les avocats de la défense ont soulevé l’impossibilité de la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal en se basant sur certaines dispositions de la cour de répression de l’enrichissement illicite qui ne prévoient pas la possibilité pour l’Etat de demander des dommages et intérêts des condamnés.
Au regard de la loi sur l’enrichissement illicite, l’Etat du Sénégal peut-il se constituer partie civile ?

L’Etat peut bel et bien être partie au procès. L’Etat est une personne morale et c’est lui qui a eu à subir les préjudices de ces actes que l’on qualifie d’enrichissement illicite. Qu’est-ce qui subit les préjudices ? C’est tout à fait normal que l’Etat se constitue en tant que personne morale pour demander des dommages et intérêts à cause des préjudices subis. Au terme de la loi portant cour de répression de l’enrichissement illicite, l’Etat n’ira pas jusque- là. Il ne pourra demander qu’une seule chose prévue par la loi : la condamnation des auteurs, mais également la restitution de tous les biens déclarés mal acquis. En clair, tout ce que l’Etat peut faire, c’est de constater la commission de l’infraction d’enrichissement illicite avec les conséquences qui en découlent, c’est-à dire la restitution de tous les biens mal acquis. Il faudrait que l’on remette l’Etat dans ses droits du point de vue pécuniaire.

Du côté des avocats de la défense, on récuse le député Me El hadj Diouf et le Président du conseil départemental, Me Moustapha Mbaye la possibilité de se constituer pour l’Etat du Sénégal. L’article 11 leur est-il également opposable ? Qu’en est-il en réalité ?

Il est vrai que la loi n’est pas très claire, mais si on se réfère aux articles reformés régissant l’Assemblée nationale et à l’article Lo 164 du code électoral, il apparait clairement que ce qui est interdit à l’avocat inscrit au barreau ayant un mandat électif, c’est simplement de ne plaider ou de constituer contre l’Etat. Donc, à contrario les deux avocats constitués par l’Etat ne sauraient être frappés par cette interdiction.
Au-delà du caractère restrictif de ces dispositions, parce que la loi dispose qu’elles ne peuvent accomplir des actes de profession à l’occasion desquelles les poursuites pénales sont engagées devant des juridictions répressives pour crime ou délit contre la chose publique en matière de presse ou d’atteinte de crédit et à l’épargne. il est interdit à l’avocat dans les mêmes conditions de plaider contre l’Etat. Là où il y aurait un problème, c’est lorsque ces deux avocats se seraient constitués au profit de la partie poursuivie.
Par conséquent, au regard de la loi, il n’y a aucune interdiction si l’on se réfère au règlement intérieur de l’Assemblée nationale et la loi ordinaire relative au code électoral. Il y a manifestement rien qui s’oppose à ce que les avocats se constituent pour l’Etat.

Quid des convocations de Macky Sall et d’Abdoulaye Wade comme témoins. Est-ce possible ?

C’est possible, mais on est dans une démocratie exigeante. En réalité est-ce qu’ils sont convoqués ? C’est une chose que de demander la comparution de personnes en qualité de témoins, c’est également une autre chose que de les convoquer pour s’assurer de leur présentation à l’audience. Aussi pour la partie demanderesse, il faut un motif sérieux de présentation qui pourrait rencontrer la conviction du juge.

avec Abdoulaye THIAM

3 Commentaires

  1. Après la polémique sur la constitution du pool d’avocats de Karim Wade, composé entre autres d’anciens ministres de la république dont Me Souleymane Ndéné NDIAYE, Me El Hadji Amadou SALL, Me Alioune Badara CISSE.

    Nous avons interrogé Me Abdoulaye TINE, Avocat au Barreau de Paris et Professeur de droit pénal international à l’Institut des Droits de l’Homme de la Paix de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar pour lui solliciter un éclairage sur cette question.

    Me TINE nous a confirmé l’existence d’une telle interdiction par une Loi n° 2009-25 du 8 juillet 2009 portant modification de la loi n° 84-09 du 4 janvier 1984 complétée par la loi n° 87-30 du 28 décembre 1987 relative à l’Ordre des Avocats, J.O. N° 6494 du Samedi 17 OCTOBRE 2009.

    Mais la révélation est que cette loi s’applique également aux avocats qui sont investis d’un mandat parlementaire comme c’est le cas actuellement de Me El Hadji DIOUF qui a lui-même soulevé cette interdiction contre ses confrères ex ministres.

    1- Pourquoi une telle loi ?

    Il s’agit d’une loi visant à moraliser la vie publique par la prévention du risque de Conflit d’intérêt.
    La question est donc celle de la définition du Conflit d’Intérêt. Il convient d’indiquer d’abord que l’’article 11 de cette loi ne distingue pas comme c’est le cas avec la loi française, selon que l’avocat intervient en matière juridique ou en matière judiciaire.
    En effet, cette loi vise à s’appliquer à tous les actes de la profession d’avocat, c’est-à-dire aussi bien dans sa fonction de conseil (matière juridique) que celle de représentation et de défense (matière judiciaire).
    S’agissant de l’avocat dans sa fonction de conseil, il y a conflit d’intérêts lorsque l’avocat, qui a l’obligation de donner une information complète, loyale et sans réserve à ses clients, ne peut mener sa mission sans compromettre, soit par l’analyse de la situation présentée, soit par l’utilisation des moyens juridiques préconisés, soit par la concrétisation du résultat recherché, les intérêts d’une ou plusieurs parties.
    S’agissant à présent de l’avocat dans sa fonction de représentation, il y a conflit d’intérêts lorsque, au jour de sa saisine, l’assistance de plusieurs parties conduirait l’avocat à présenter une défense différente, notamment dans son développement, son argumentation et sa finalité, de celle qu’il aurait choisie si lui avaient été confiés les intérêts d’une seule partie.
    En un mot, cette loi cherche à éviter que des avocats puissent profiter de leur position antérieure (d’ex agent de l’Etat) ou actuelle (élu local ou parlementaire…) pour faire usage d’éléments dont ils n’auraient pas pu avoir accès s’ils n’avaient pas occupé de tels postes de responsabilités au sein de l’appareil l’Etat ou au sein de la représentation nationale.

    Leur position antérieure ou actuelle leur confèrerait donc un avantage immédiat soit dans préparation de la stratégie judiciaire à mettre en œuvre ou soit dans l’élaboration de leur argumentaire dans une l’affaire mettant en jeu les intérêts de l’Etat ou d’un de ses démembrements.

    Cette interdiction qui est ainsi posée à l’article 11 vise donc « les avocats, anciens fonctionnaires ou agents quelconques de l’Etat ou d’une collectivité publique ou territoriale décentralisée ».

    En effet, cet article dispose clairement que « ces derniers, ne peuvent accomplir contre (c’est-à-dire être adversaire) ou pour l’Etat (être défenseur), les administrations relevant de l’Etat et les collectivités publiques ou territoriales décentralisées aucun acte de la profession pendant un délai de trois ans à dater de la cessation légale et effective de leurs fonctions ».
    2- Certains pensent également que Me El Hadji DIOUF qui soulève cette interdiction contre les avocats de Karim Wade serait également sous le coup de cette loi en raison du fait qu’il est parlementaire, qu’en pensez-vous ?
    L’article 11 précise que la même interdiction s’applique :
    – « Aux avocats investis d’un mandat territorial pour les affaires des établissements communaux, des communes et des collectivités locales dont ils sont élus ou d’un mandat parlementaire pour les affaires de l’Etat et de ses démembrements ;
    – Aux avocats, anciens magistrats, pour les affaires dont ils ont connu à un titre quelconque en qualité de magistrats.
    C’est dire qu’un député en cours de mandat reste évidemment assujetti à l’interdiction posée par l’article 11.

    • Chère Maimoune,
      Cette loi s’applique à ceux (de cette catégorie) qui plaident CONTRE L’ETAT.
      Me Diouf ne plaide pas contre l’Etat. Il est avocat de l’Etat.
      Une grande nuance. N’est-ce pas?

  2. Monsieur Iba Kamara vous savez bien que l’article 11 dit qu’ils ne peuvent accomplir aucun acte de la profession « pour » ou  » contre l’Etat » ….Je vous invite vivement à revoir cette disposition !
    Qu’en on ne peut pas aller se référer au reglement de l’assemblée qui à une valeur inférieure à la Loi alors que celle ci est bien claire !
    Ça nous conduire à aller aussi le reglement du sénat qui n’existe plus si bien que la loi date de 2009.

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