Directeur régional des impôts et domaines depuis peu, El Hadji Mamadou Diao, dit Mame Boye, prend ses marques et nous décline sa feuille de route. Dans le même temps, le responsable apériste, candidat à la mairie de Kolda, évoque les prochaines élections locales. N’excluant pas qu’elles soient reportées, il souligne une absence de sérénité au niveau du processus électoral et invite à une réflexion nationale sur le statut spécial que revendique Touba.
Vous avez été récemment nommé Directeur régional des impôts et domaines. Quelle sera votre feuille de route dans le cadre de cette mission ?
Je voudrais profiter de cette occasion pour adresser tous mes remerciements au Président de la République qui m’a fait confiance en me nommant à ce poste que l’on considère comme stratégique, compte tenu de la mission de service public qui est assignée à la Direction générale des impôts, dans laquelle mission de service public, un pan entier est réservé à la satisfaction des services rendus à l’usager. De tout temps, l’administration centrale avait tendance à gérer de façon négligente toutes les instructions qui pouvaient émaner des services régionaux, surtout en matière domaniale et en matière cadastrale. Je pense qu’il faut comprendre l’érection de cette direction là, comme un défi particulier qui voudrait qu’on puisse instruire dans de meilleures conditions, toutes les requêtes des usagers de notre administration qui sont des régions, et aussi assurer une meilleure qualité du service public. C’est un challenge, nous sommes en pleine installation et nous avons pu voir les contours de notre mission ; c’est un moyen, c’est vrai pour rapprocher l’administration de ses administrés, mais c’est un moyen aussi pour sécuriser les recettes publiques ; et c’est dans ce cadre là que nous allons évoluer… Inchallah !
Vous êtes aussi responsable de l’Alliance pour la République, candidat à la mairie de Kolda. Comment envisagez-vous la campagne électorale ?
Nous n’avons pas commencé la campagne en tant que telle pour le moment. Nous allons incessamment à Kolda d’ailleurs, pour installer notre Comité électoral, il y a une forte alliance qui a pu se faire, avec notamment, les partis de la coalition Benno Siggil Senegal, polarisée par l’Afp, le Pit… Et parmi nos autres alliés, nous avons celui qui a été d’ailleurs récemment élu Secrétaire général communal du Parti socialiste, et d’autres membres éminents du Parti socialiste au niveau local. Nous avons aussi toute la frange d’Aj/Pads authentique, nous avons la convention régionale des jeunes et nous avons aussi les légitimes de l’Apr (…) Il s’agit du conseiller économique et social Mor Talla Ndiaye, Mame Coumba Cissé, Mamadou Barry qui avait d’ailleurs été pressenti pour être sénateur, de Mamadou Diallo qui était le chargé des questions électorales lors des élections présidentielles et législatives, et de tant d’autres responsables qui ont su partager avec nous ce projet là. Nous allons donc incessamment mettre sur pied le Comité électoral ; après cette phase là, nous allons résolument nous lancer dans la quête des suffrages, pour convaincre les Koldois par rapport au projet que nous avons.
Avez-vous accordé vos violons avec votre frère de parti Abdoulaye Baldé, l’actuel ministre du Plan, qui lui aussi brigue la mairie de Kolda ?
Au niveau local, il y a eu beaucoup de candidatures, c’est vrai. Au départ, il y en avait quatre ou cinq, mais au final, selon les convictions des uns et des autres, il y a eu dans la mouvance présidentielle deux grandes listes. L’une que lui (Baldé, Ndlr) dirige, l’autre que moi je dirige. Chacun part avec une coalition et chacun a le droit de pouvoir exposer sa vision aux Koldois, à charge pour eux de faire un choix. L’idéal pour nous tous est de ne pas nous tromper d’adversaire, parce qu’Abdoulaye Baldé n’est pas mon adversaire dans ce combat. C’est l’élite locale qui est là depuis dix ans, qui n’a rien fait pour Kolda, qui est notre adversaire, et c’est vers cela justement que nous devons diriger nos critiques. C’est à partir de tout ça que nous pourrons poser le vrai débat pour le développement de Kolda. Mais je ne voudrais pas que l’on tombe dans le piège de nous invectiver, nous qui sommes du même bord politique.
Pensez-vous que les élections locales se tiendront à date échue ?
Aujourd’hui, beaucoup de signaux font croire qu’il y a une absence de sérénité au niveau du processus électoral, tel qu’il a été décliné. D’abord il est décrié que le texte relatif à l’Acte III de la décentralisation, de même les modifications du Code électoral, aient été adoptées par mesure d’urgence à l’Assemblée nationale. Cela suscite un certain débat et une méfiance de l’opposition et de la société civile. Il s’y ajoute que la floraison de listes a pu faire comprendre au ministère de l’Intérieur qu’il peut y avoir un enjeu de taille par rapport à l’organisation des élections, dans les conditions idoines, et enfin, il y a le problème de la liste de Touba qui doit être tranché en fonction des normes réglementaires du pays. Toutes ces questions là qui sont en suspens peuvent fonder la réflexion autour du maintien ou non des élections locales. Je pense que quelle que soit la décision qui doit pouvoir être prise, l’idéal est que cela puisse se faire avec toutes les franges de la société sénégalaise. Je ne voudrais pas que le Président de la République dise de façon unilatérale qu’il reporte les élections car l’opposition dira qu’on n’était pas prêt. Je ne voudrais pas non plus que l’on maintienne ce processus en créant déjà les sources du contentieux électoral, tel que nous l’avions vécu en 1996 au Sénégal, au point même que le Président de la République d’alors avait pu déceler de lui-même les manquements qu’il y avait. Aujourd’hui, nous sommes tous fils du Sénégal avant d’appartenir à un parti politique ; il est bon que quand une question transcende nos partis, que l’on puisse se réunir, se parler en toute sérénité, en mettant en avant l’intérêt du Sénégal. Si au bout de ce processus les citoyens Sénégalais dans leur majorité jugent qu’il faut reculer les élections, naturellement on peut le faire ; mais à défaut je pense aussi que ce sera la responsabilité du ministère de l’Intérieur de créer toutes les conditions pour que les citoyens qui ont envie d’aller voter puissent le faire en toute sérénité.
Que vous inspire le débat relatif au non respect de la parité à Touba ?
Mon opinion, c’est qu’aujourd’hui, il y a un dispositif légal et réglementaire qui est là et qui s’applique à tout le Sénégal. Dans lequel dispositif aujourd’hui il n’a été nullement question d’une quelconque localité quelle qu’elle soit, pour dire que dans cette localité, exceptionnellement, on peut ne pas appliquer le régime paritaire. Donc, si on applique les textes stricto sensu, la liste de Touba doit pouvoir être revue. A défaut, que les gens engagent la réflexion autour d’un statut pour Touba ; mais il s’agit là d’une question qui mérite une réflexion nationale. Je ne pense d’ailleurs pas que dans ce pays là, il n’y a qu’à Touba que les principes islamiques sont appliqués. Il y a beaucoup de localités qui se disent cités religieuses et qui peuvent avoir les mêmes velléités demain. Il faut que l’on fasse très attention dans nos promesses, surtout vis-à-vis de nos relations avec le pouvoir religieux. C’est vrai qu’il y a beaucoup de positions qui ont été tenues par des politiques, surtout de l’opposition, mais ce sont des positions qui relèvent de la politique politicienne. Dire qu’on ne doit pas rejeter la liste de Touba, sans argumenter, c’est simplement une manœuvre pour s’attirer l’électorat mouride. C’est une question fondamentale qui est là qui pose le problème de l’Etat de droit au Sénégal. On a posé une norme qui s’applique à tout le pays. Et que je sache, jusqu’à aujourd’hui, il n’y a aucun statut particulier pour Touba. Est-ce qu’au nom de l’hypocrisie politique, on va dire acceptons que la liste de Touba passe en l’état, en violant ouvertement les règles de droit du Sénégal ? Ou, est-ce qu’il va falloir qu’on discute de cette question là ? Encore une fois, pour les questions de statut spécial, faisons attention ! N’ouvrons pas la boîte de Pandore. Nous sommes un pays où il y a beaucoup de forces religieuses, beaucoup de spécificités culturelles, ethniques, qui peuvent maintenant profiter de cette brèche qui va être ouverte pour pouvoir réclamer un autre statut ; et nous risquons à terme de déstabiliser ce pays. Au nom de la République, nous devons poser le débat avec attention, avec mesure, et ne prendre en compte que l’intérêt du Sénégal. Je ne pense pas qu’on va donner à Touba plus que Touba n’exige. Touba vit bien avec ce qui se passe là-bas ; maintenant trouvons les commodités pour y tenir des élections, en conformité avec la volonté du khalife, sans pour autant qu’on ne touche aux fondements républicains de notre pays.
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Par Mohamed NDJIM