« Nous sommes majoritaires dans ce pays ! »
El Hadj Mamadou Diao, Mame Boy, pour les intimes est désormais dans la cour des grands. Ce natif de Kolda, arrivé en politique quasiment à la veille du scrutin crucial de 2012 est parvenu à se faire un nom dans l’espace politique national. Diao a réussi à surfer sur deux registres. Au Fouladou où il a sa base politique, il est parvenu à créer un engouement monstre autour de sa personne. Son secret ? Démarche de proximité et disponibilité jamais prise à défaut. Au plan national, Mame Boy s’est pratiquement imposé aux médias par un discours bien élaboré. Son « parler facile » en a fait un redoutable tribun. Inspecteur principal des impôts, directeur des Services fiscaux régionaux de la Direction générale des impôts et des domaines, il aurait pu se démarquer de la politique et couler des jours tranquilles dans une carrière de grand commis de l’Etat. Cet ancien de l’université de Saint-Louis a, plutôt, choisi l’engagement politique. Son leader, Macky Sall y a beaucoup contribué. Tout est parti le soir d’une prestation du candidat Sall sur un plateau de télévision. Depuis lors, Diao est sur le terrain politique. Avec en bandoulière, ses idées anticonformistes.
En général les fonctionnaires de votre statut s’éloignent de la politique. Qu’est-ce qui vous a poussé à ramer à contre-courant ?
En réalité nous avons pu noter de timides entrées en politique de certains de nos collègues dans le passé. Mais une présence plus accrue a été notée durant ces cinq dernières. De plus en plus, des inspecteurs des impôts entrent en politique. C’est, à mon avis, la résultante d’un éveil des consciences. Déjà à l’Ecole nationale d’administration (ENA), le choix de carrière est fait. Aux impôts, on pense à une relative aisance financière du fait du traitement salarial et des autres avantages. Mais avec le temps, il y a eu des bouleversements. Au sein de notre administration est né un syndicat, celui des agents des impôts et domaines que nous animions au départ. Justement, entre autres éléments du diagnostic des problèmes notés dans notre administration figurait le plan de carrière qui nous confinait tous à une vie professionnelle presque réduite à notre administration. Il en a résulté un éveil des consciences qui a opéré une rupture avec le schéma classique de fonctionnaires « bien nantis » mais coupé du débat national et de la construction du pays.
Il s’y ajoute que, voulant aussi aller à la conquête des centres de décisions du Ministère de tutelle il fallait impérativement que l’inspecteur des impôts soit vu autrement. Et depuis, il y a une bonne dizaine d’inspecteurs sur les 200 que compte notre pays à s’engager en politique. Et ils sont dans tous les bords politiques.
En ce qui me concerne, tout est parti de l’invitation du candidat Macky Sall au plateau d’une chaîne de télévision. Quand je l’ai vu livrer une réponse pertinente et bien élaborée sur toutes les questions de développement qui lui étaient posées, je me suis dit qu’il avait une ambition noble pour le Sénégal. C’est cela qui m’a poussé à m’engager à ses côtés dans un contexte difficile où la politique rime avec invectives, adversité, etc. J’ai choisi, pour ma part, de ne guère verser dans cette façon de faire la politique. Mon option est d’apporter ma modeste contribution au débat national et en agissant auprès des collectivités où j’évolue.
Il reste qu’à Kolda, votre base politique, les cadres de votre envergure ont souvent hésité à plonger…
J’avoue, de ce point de vue, que j’ai dû, juste, changer de paradigme. Mon souhait, en entrant en politique, était de mieux articuler mes actions de soutien aux populations. Mon sentiment est que les lieutenants du leader Macky Sall doivent apporter de la valeur ajoutée. Ils doivent le faire non seulement par leur participation au débat national, mais aussi en entraînant le maximum de personnes à adhérer à ses options. Macky Sall a son électorat propre. Pour le soutenir, il faut nécessairement aller à la conquête d’autres personnes. C’est pourquoi j’ai choisi de m’impliquer à la base pour convaincre ceux qui ne sont pas du camp présidentiel à nous rejoindre. Ce combat-là, je le mène de concert avec ma participation au débat national. Cela me permet en même temps de rendre ma localité plus visible. Kolda a eu tout le temps des hommes responsabilisés à des sphères élevées de l’Etat, mais qui rarement participaient au débat politique national. C’est comme si nous nous confinions et nous plaisions dans une logique « quotataire ». On se plaisait alors à jouir des avantages qu’on nous donnait sans chercher à s’impliquer dans le débat national. C’est pourquoi j’ai choisi cette démarche qui, apparemment, me réussit bien. Les populations à la base me suivent et m’ont compris dans cette option.
Vous ne craignez pas le côté mystique des choses qui fait que la politique, à Kolda, est redoutée de nombre de cadres de la localité ?
Je considère que si on a foi en Dieu, quels que soient les événements qui surviendront, vous vivrez votre destin. Il faut avoir foi en Dieu quand on est dans cet espace. Ensuite, il n’ya que le travail qui paie. Ce sont les deux leviers qui sous-tendent ma philosophie. La vérité c’est que les ministres de la localité ne faisaient aucun effort pour promouvoir les autres cadres et les intéresser à la politique. Au demeurant, beaucoup de cadres oublient d’où ils viennent et refusent d’aller mouiller le maillot au profit de leur petite aisance ici à Dakar.
Comment expliquez-vous la spontanéité avec laquelle les populations ont adhéré à votre discours politique. Est-ce en raison de la pertinence de vos arguments ou de vos moyens ?
Je n’ai pas plus de moyens que les autres hommes politiques. En réalité, les gens vous rendent l’affection que vous leur montrez. Dès que vous êtes proches des populations en toutes circonstances, vous tissez un lien affectif. C’est cela la symbolique de la relation humaine. De toutes les façons, c’est de cette manière seulement qu’on peut rendre service à Macky Sall. Le succès de ma démarche se trouve, sûrement, dans cette approche de proximité avec les différentes cibles locales que sont les jeunes, les personnes âgées, les femmes, les notables, les autorités religieuses, les lieux de culte, entres autres.
En raison de votre longue et assidue présence auprès des populations vous vous attendiez donc à gagner aux dernières Locales ?
Je ne suis pas du tout déçu des résultats des Locales. J’ai volontairement choisi de tourner la page de toute une réalité qui a affecté le cours transparent du processus électoral. L’essentiel n’est pas là. Pour moi ce qui importe c’est que l’Apr et ses alliés sont majoritaires à Kolda et dans l’écrasante majorité des localités de la région de Kolda. Pour ma part, je suis honoré d’être parti seul et d’avoir mobilisé autant d’enthousiasme. Par ailleurs, je suis dans un cadre politique qui s’appelle APR, mon devoir est de le renforcer notamment dans la perspective des prochaines échéances électorales. Mon devoir est d’apporter de la valeur ajoutée pour sécuriser le président de la République. Je considère que les Locales étaient une étape. Nous allons agrandir notre mouvement.
Est-il possible de rétablir les ponts avec le ministre-maire Abdoulaye Bibi Baldé, votre adversaire aux dernières Locales dans la commune de Kolda ?
Nous n’avons jamais été en rupture. A chaque fois que des actions devaient se faire au niveau local la concertation était de mise. Il y’avait un cadre de travail autour du coordonateur local de l’Apr. J’ai juste récusé et je l’assume le fait que l’on veuille assimiler une nomination présidentielle a une légitimation d’une hiérarchisation du parti au niveau local. Pour le reste, a chaque fois que l’animation du parti le demande nous travaillons de concert.
En fait, le président avait menacé- et il est passé à l’acte- de sanctionner les responsables battus à la base. Affronter Bibi Baldé dans ces circonstances ouvrait la porte à une adversité difficile à surmonter…
Je connais un peu la péripétie de ce qui a été amplifié et présenté comme la pensée du président. Mais bon, tournons la page. De toutes les façons on a été embarqué dans cette aventure en faisant croire que le président voulait sanctionner les perdants. Cela a pu créer une saine émulation entre les différents candidats. Mais ce que je veux dire c’est les positions doivent être dévolues en fonction des compétences.
Quel était votre projet pour la ville de Kolda ?
Pour nous il fallait développer une autre approche des problématiques du développement local. Une mairie, à notre avis, ne doit pas être gérée un week-end sur quatre. Il faut un processus continué apte à impulser un vrai développement local partant des potentialités locales et adossé aux institutions en place. C’est le mixage entre les deux qu’il faut pour réaliser un vrai développement. Notre région est celle des paradoxes. Au plan des potentialités agricoles, forestières et animales etc. nous sommes en tête. Mais à l’arrivée quand on parle de Kolda c’est pour stigmatiser le plus fort taux de mortalité maternelle, de pauvreté, de vih sida. Et c’est notre responsabilité en tant qu’élite de créer la jonction entre les potentialités et le développement. Cela mérite tous les sacrifices. Car, apporter le bien-être pour les populations, à la citoyenneté locale, est beaucoup plus noble que de cultiver sa propre ambition et de vouloir la conserver. Malheureusement, nos mairies ne sont gérées que par à-coups. Le travail est dévolu aux adjoints. C’est pourquoi les approches de décentralisation sont affaiblies du fait que les mairies sont gérées à distance.
Pourquoi vous n’êtes pas retourné à Kolda depuis les dernières Locales ?
Moi je ne suis pas politicien de profession. Je suis inspecteur des impôts. J’avais un mode de fréquentation de ma ville et mon travail ne permet plus de le maintenir. En plus, au lendemain des Locales, il y a eu une forte tension née du processus électoral. Je me suis gardé d’envenimer la situation en restant sur place. Une ambition personnelle ne mérite pas qu’on tue un fils de Kolda. Mon éloignement a grandement contribué à apaiser la situation. Aussi bien Bibi Baldé que moi avons le devoir de travailler au développement et au bien-être des populations. Prions pour la personne qui est à la tête de la mairie. Ce serait une bonne chose qu’on comprenne qu’on ne peut pas faire la politique tous les jours. Je communiquerai le moment venu avec les populations.
Ne craignez-vous pas que la division vous porte préjudice aux prochaines échéances électorales ?
Nous sommes majoritaires dans ce pays. Ce qui me permet de le dire c’est que nous contrôlons l’écrasante majorité des collectivités, soit 572, en dépit de cette division. C’est en quoi je me félicite de l’option prise par le chef de l’Etat de renforcer ses liens avec ses alliés. Une chose est claire, l’initiative de la rupture avec Benno bokk yaakaar ne viendra jamais de lui. Et puis il faut se réjouir du bon travail que les ministres alliés sont en train de faire. Ne perdez pas de vue la très bonne stabilité crée dans ce pays par cette coalition. D’autres ont été perdus pour avoir fait le choix de se départir de leurs alliés.
Quel bilan tirez-vous des deux et demi de Macky Sall au pouvoir ?
Aujourd’hui, personne ne parle des inondations. C’est vrai qu’il n’a pas beaucoup plu, mais la vraie raison se trouve dans la bonne qualité des ouvrages réalisés. Personne n’en parle. Au fond, on dirait qu’on a de la pudeur, à l’Apr, à mettre le doigt sur l’état où nous avons trouvé le pays et le bond que nous sommes en train de réaliser. Ensuite, il n’ya pas meilleure formule pour augmenter les revenus des Sénégalais que de baisser l’impôt sur le revenu. C’est ce qui a été fait dans l’ordre de 15000 FCFA à 20000 FCFA. Regardez cette formidable révolution sociale qu’est la couverture médicale universelle et les bourses sociales qui atteindront a terme jusqu’à 250.000 foyers !!!. Qui dit 250.000 foyers, dit au moins 2 500 000 de personnes tirées de la précarité. On occulte toutes ces questions ! Ce qui se passe c’est qu’on ne valorise pas assez les réalisations du président. Faites le bilan de Wade entre 2000 et 2005 et comparez-le avec celui de Macky Sall en deux ans d’exercice et vous vous rendrez compte qu’il n’ya pas de comparaison possible. La meilleure illustration se trouve dans la baisse du prix des denrées et du maintien de cette tendance baissière au point qu’au deuxième trimestre de 2014 on parle même de déflation rendue possible grâce aux conditions mises en place par le chef de l’Etat. Aujourd’hui, on parle de déflation ! Les recettes publiques engrangées sont en forte progression et cela n’est possible que dans une économie qui marche. En matière énergétique, même s’il ya encore des coupures, il ya eu une gestion mieux maîtrisée.
Que dites-vous des factures exorbitantes de la Senelec ?
C’est normal, parce qu’on est à la période des pics de consommation. En Europe, le même phénomène est valable pour la consommation de gaz durant l’hiver. C’est un processus normal. Il appartient aux gens de tenir compte de cette donne.
La réforme des institutions notamment la réduction du mandat du président fait débat. Quelle est votre position ?
Partons du principe que toute œuvre humaine est susceptible d’être améliorée. Sous cet angle une réforme des institutions tendant à consolider notre démocratie peut être la bienvenue. Mais convenez avec moi qu’autant certains pensent que le régime parlementaire est le meilleur des régimes autant d’autre peuvent penser que dans le cas typique du Sénégal un régime présidentiel avec ses variantes et spécificités propres peut être la meilleure formule. Au demeurant je ne pense pas que le travail de la commission nationale de réforme des institutions soit le mieux élaboré qui soit. Il suffit juste de donner un exemple. Peut-on raisonnablement considérer que tous les postes administratifs d’envergure doivent faire l’objet d’un appel à candidature ? Voilà une formule simple pour bloquer le fonctionnement de tout un pays. Un autre exemple, les mesures restrictives concernant les cumuls allaient à coups sûr délester les collectivités locales de beaucoup de compétences de dignes fils qui pourraient choisir un autre type de carrière. Enfin le dépositaire de la légalité constitutionnelle et de la légitimité populaire peut aussi avoir sa propre vision des institutions de la République. C’est fort de tout cela que j’adhère a la position du Président Macky Sall de ne pas prendre pour argent comptant tout ce qui a été proposé.
Sur la réduction du mandat en cours j’ai donné déjà ma position en identifiant les facteurs risques qui peuvent en découler. La nécessité d’un débat national sur cette question permet de définir une approche dynamique qui pourra court-circuiter toutes les mauvaises interprétations de politiciens qui pourront guetter le choix des populations pour demain en faire une analyse à leur profit. Nous devons faire de sorte que le respect par le Président de son engagement moral de réduire le mandat en cours ne viole pas la constitution et n’ouvre pas les brèches aux dirigeants futurs de notre pays.
Etes-vous d’avis que le PSE est en mesure de développer le Sénégal ?
Je me garde de la folie des grandeurs. Beaucoup de nos leaders dans le passé nous ont fait rêver avec des concepts pompeux. Vous vous souvenez, sans doute du projet du train à grand écartement, l’usine de montage d’avions ou des fameuses grappes de convergence.
La démarche du Président de la République est tout autre à travers le PSE. Le développement de notre pays doit se faire sur la base d’une approche certes ambitieuse mais réaliste. Il faut partir de la réalité du pays. Il ya des secteurs sur lesquels on peut s’appuyer pour impulser le développement. Il s’agit des infrastructures, des niches minières, de la réalisation d’une nouvelle carte universitaire, le projet pôle de développement de la Casamance, etc. c’est au nom de tout cela que nous nous réjouissions de cette approche novatrice tracée par le Président de la République qui identifie un ensemble d’actions prioritaires qui pourront, à l’horizon 2035 nous conduire à l’émergence. Il ne s’agit pas là de vains mots car sur le périmètre de Diamniadio est entrain de naitre une nouvelle ville répondant au déficit de logement et d’infrastructures de notre pays et qui, à terme pourra désengorger Dakar. S’y ajoute sur l’ancien site de la gare routière Pompiers des immeubles dont la modernité est sans conteste. Il en est de même de l’autoroute Dakar-Touba… Et tous ces projets seront visibles dans un délai tel que le Président de la république défendra aisément son bilan en tenant compte en même temps des réalisations d’ordre social, de gouvernance publique….