164 664 inscrits sur les listes électorales pour un stock national supposé de plus de 300 000 travailleurs, des reports répétés de la tenue du scrutin, un fichier à la fiabilité suspectée par les acteurs en lice, sur fond de boycott et de scission… L’organisation des élections de représentativité syndicale prévues ce jour, mercredi 20 avril, s’effectue pour la première fois au Sénégal dans un contexte lourd de suspicions et de fracture du mouvement syndical, quoique les enjeux portés par ces joutes s’avèrent déterminants pour la recomposition du paysage syndical. Un paysage qui semble marqué par la prédominance des intérêts particuliers ou de “coteries” sur la défense des préoccupations réelles de travailleurs en butte à la détérioration continue de leurs conditions de vie et de travail.
Répartis globalement dans quelque 746 bureaux de vote disséminés sur toute l’étendue du territoire national, 164.664 travailleurs sont appelés à exprimer leurs votes à l’occasion des elections de représentativité syndicale prévues ce jour, mercredi 20 avril 2011. Parmi la première fois dans son histoire syndicale, le Sénégal rend ainsi effective l’organisation d’un scrutin dont les enjeux restent essentiels dans l’harmonisation de son paysage syndical et dans la structuration de son dialogue social. Et pour cause, ces joutes sont appelées à clarifier l’état des forces en présence dans le champ social fort de quelque 18 centrales syndicales, donner aux pouvoirs publics leurs interlocuteus légitimes dans le cadre des négociations collectives tripartites et, surtout, établir la représentativité des formations syndicales dans les institutions nationales et dans les organisations internationales. Seulement, ces élections programmées ce jour vont s’effectuer dans un contexte lourd de suspicions et de dysfonctionnements divers susceptibles de générer une potentielle contestation des résultats issus du scrutin.
Pour beaucoup de centrales syndicales en lice et non des moindres, la fiabillité du fichier électoral est à la base d’une suspicion qui peut hypothéquer en elle-même toute validation des votes. On note ainsi que seulement 164 664 personnes ont été inscrites sur les listes électorales pour un stock national supposé de 300 000 à 400 000 travailleurs. Ce chiffre donné hier, mardi, par le ministre du Travail et des Organisations professionnelles, Innocence Ntap, à l’issue d’une visite dans les locaux de la préfecture de Dakar dans le cadre de la vérification du matériel electoral, réflète-t-elle réellement la réalité de terrain? Pour diverses raisons liées à la fois à la non-disponibilité par les travailleurs de bulletins de salaires, voire tout simplement de contrats de travail en bonne et due forme, beaucoup de travailleurs comme ceux du secteur informel seront laissés en marge de ces élections. Des joutes initialement prévues pour le 08 décembre 2010 mais reportées à plusieurs reprises, entre janvier et février, avant d’être définitivement arrêtées pour ce 20 avril. Et cela, “dans le but d’éviter toute crispation inutile et de restaurer le climat de confiance qui doit entourer la tenue de telles élections”, avait dit en temps opportun le Premier ministre du Sénégal, Souleymane Ndéné Ndiaye.
B0YC0TT, GUERRE FRATRICIDE ET RECUPERATI0N P0LITIQUE
Qui plus est, le scrutin devant être organisé ce jour n’a pas reçu l’assentiment de certaines organisations syndicales qui ont decidé tout simplement de boycotter les joutes. Parmi ces organisations, on note le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication sociale (Synpics) et le Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen et du secondaire (Cusems) non affiliées à une quelconque centrale syndicale ou selon qui fonctionnent elles-mêmes comme des centrales syndicales. Soupçonnerait-on par ailleurs une main politique derrière l’organisation de ces joutes?
En tout cas, beaucoup de syndicalistes ne se cachent point pour vilipender la volonté sournoise de récupération du mouvement syndical et le “favoritisme notoire” soit-disant affiché par les pouvoirs publics à l’endroit de certaines centrales dont les militants auraient reçu des facilités d’inscription sur les listes à nul autre pareil. Que dire par ailleurs des scissions délibérément entretenues entre leaders syndicaux, à la veille de ces élections! La Cnts Fc, une centrale affiliée au puvoir liberal, a éclaté en deux avec la querelle de leadership qui oppose Cheikh Diop à Mme Bakhao Diongue dont les partisans vont devoir voter avec des bulletins estampillés à l’effigie du premier nommé. Toute chose qui annonce déjà un différend électoral qui peut être source de heurts.
Enfin, ces élections de représentativité vont se dérouler dans un contexte national de fragilisation d’un mouvement syndical qui peine à prendre en chage de manière dynamique les préoccupations des travailleurs. Et pour cause, dans un environnement social marqué par la détérioration continue des conditions de vie et de travail, de déliquescence des principales unités de production, de hausse généralisée des denrées de première nécessité, voire de rationnement de l’électricité, les leaders syndicaux sénégalais se révèlent tout à fait incapables de mobiliser leurs militants pour des batailles légitimes et d’envergure. Ce qui a poussé beaucoup d’observateurs du champ social à postuler la mort programmée du syndicalisme sénégalais pour un syndicalisme de prébendes et d’intêréts personnels “acquis” sur le dos des travailleurs.
SUDONLINE.SN