Elections en Turquie : le « modèle » Erodgan est-il menacé par l’aura de Gülen ? Par Dr. Bakary Sambe*

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Les élections municipales du 30 mars prochain, en Turquie, ont un enjeu plus que local. Depuis quelques temps, la montée en puissance des Gülennistes (du nom du chef spirituel Fethullah Gülen) qui refusent l’appellation de confrérie se considérant comme un « mouvement social transnational d’inspiration religieuse », secoue le pouvoir de Recep Tayyip Erdogan.
En fait, les récentes accusations de corruption et de malversation contre le clan Erdogan étaient le signe d’une forte infiltration de la police et de la justice par les gülennistes auxquels on prête des pouvoirs parfois occultes et exorbitants. Il est vrai que la « confrérie » devenue puissante par son vaste réseau d’hommes d’affaires, ses écoles à travers le monde (comme Yavuz Selim et Eyüp Sultan au Sénégal) jouit d’une influence qui inquiète de plus en plus le pouvoir turc.
Pourtant, le mouvement de Fethullah Gülen était, par moments, vu comme l’allié d’Erdogan issu de la mouvance islamique Milli Görüs fondée par Necmettin Erbakan. Cela avait longtemps rassuré certains atlantistes proches du camp occidental.
Le mouvement Gülen dont le chef spirituel est fortement influencé par le penseur soufi Saïd Nurcu arrive quelques fois à se distinguer, sur le plan diplomatique, des positions officielles d’Ankara en optant ouvertement pour le « bon voisinage avec Israël » et le maintien de la Turquie dans l’alliance atlantique.
Fonctionnant, à bien des égards, comme l’outil d’influence de la Turquie dans le monde avec les réseaux d’écoles et d’instituts de plus en plus présents sur le continent africain, le mouvement Gülen, véritable adepte du soft power, s’est, en même temps, a eu le temps de se constituer un empire médiatique et accompagner l’implantation des grands groupes et hommes d’affaires turcs dans le monde. Ce réseau fonctionne avec un système de dons et de contributions volontaires de ses membres qui veulent se mettre au service de la communauté.
Aujourd’hui, c’est toute cette machine financière et médiatique construite et consolidée durant les années Erdogan par Gülen qui est en train de se déployer contre le premier ministre très affaibli au sein de son parti malgré les réformes constitutionnelles engagées vers un régime plus présidentiel.
A la veille d’élections locales, avec un grand enjeu national, Erdogan fait face à la montée en puissance de Gülen, d’une part, mais aussi à la complexité du jeu politique au sein même de l’AKP qui est une mosaïque idéologique comprenant les Frères musulmans proches de l’influent ministre des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, des soufis de la confrérie Naqshabandiyya mais aussi des Gülennistes prenant, aujourd’hui, leurs distances et une plus grande liberté de parole au grand dam du chef de la coalition.
Tous ces facteurs conjugué, en plus de l’affrontement inéluctable entre le mouvement Gülen et un Erdogan affaibli et de plus en plus contesté, annoncent, ce dimanche, une échéance électorale mouvementée et à haut risque pour celui qui était jusqu’ici vu comme le symbole de la réussite d’un parti islamique au pouvoir.

Dr Bakary Sambe
*Enseignant chercheur au Centre d’Etude des Religions UFR CRAC– Coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique, Université Gaston Berger, Saint- Louis (Sénégal).

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