Ousmane Ngom, le ministre de l’Intérieur, est sorti de sa réserve pour apporter sa part de vérité sur ce qui fait l’actualité préélectorale : les couacs notés dans la production, la distribution et le retrait des cartes d’électeur. C’était hier, au cours d’une visite à la Daf (Direction de l’automatisation du fichier). Il a invité l’opposition à accomplir sa part de travail en exhortant les populations à aller retirer les quelque 80 000 cartes en souffrance dans les commissariats.
«Nous n’avons aucun problème pour produire des cartes d’identité ou d’électeur, car nos équipements sont d’une capacité très importante, dépassant de loin la demande», s’est glorifié Ousmane Ngom. «En effet, dit-il, la Daf dispose de deux machines d’une capacité de production (cumulée) de 60 000 cartes». «Avant les prochaines élections, nous aurons édité toutes les cartes nationales d’identité et toutes les cartes d’électeur», assure le ministre de l’Intérieur, qui accuse l’opposition de chercher des grains à moudre en faisant de cette question leur cheval de bataille. Tutoyant celle-ci, il laisse entendre que «la Constitution dit que les partis politiques participent à l’expression du suffrage universel ; donc les partis politiques, les organisations de la société civile, les leaders d’opinion ont également une mission de sensibilisation et de formation des populations». Et quand on lui rétorque que le mouvement Y’en a marre s’est inscrit dans cette logique, mais qu’il a été interdit de concert pour sensibiliser les populations à s’inscrire sur les listes électorales, Ousmane Ngom fournit une réponse alambiquée. «Vous vous rappelez le 19 mars, nous les avons encadrés, organisés, et aidés à organiser leur show pendant toute la journée», explique-t-il sans trop convaincre. Avant de lâcher cet aveu : «Le Sénégal est certes un Etat où on peut faire beaucoup de choses, mais il faut le faire dans le cadre des lois et règlements. Quand on doit organiser une manifestation publique, la loi prescrit qu’il faut faire une déclaration pour que nous puissions nous-mêmes prendre les dispositions pour sécuriser cette manifestation et bien l’encadrer. C’est tout ce que nous demandons à ce mouvement et à bien d’autres qui souhaitent agir sur des places publiques.»
REFUS DU CONCOURS DES BAILLEURS
Quid du 1,5 million de jeunes qui ont atteint la majorité et qui risquent de rater la prochaine élection, faute de documents ? «Nous avons ouvert les commissions ; il y en a 140 sur l’ensemble du territoire ; 20 à l’étranger», répond le ministre, tout en faisant remarquer que le vote n’est pas obligatoire au Sénégal. Par conséquent, soutient-il, «on ne peut pas contraindre une personne avec un ballonnet sur les reins et lui dire : il faut voter».
Ousmane Ngom est aussi revenu sur la proposition d’aide de l’Usaid qui a mis sur la table 3 milliards pour l’inscription des jeunes. «Trop tard ! », s’est crié le ministre. «Nous refusons, parce que quand nous avions besoin d’eux, ils n’étaient pas là – quand il fallait procéder à une refonte totale du fichier – et cette opération a coûté plus de 30 milliards à l’Etat du Sénégal. On veut nous faire porter des œillères pour voir là où ça leur plaît ; nous refusons. Le Sénégal est indépendant et souverain et est capable à lui tout seul de conduire son processus électoral. Nous votons depuis 1842», soutient le ministre de l’Intérieur.
DECOUPAGE
Ousmane Ngom pense que le découpage n’est pas l’apanage du seul gouvernement de l’Alternance. «Les découpages, ce sont des instruments de souveraineté de chaque Etat ou de chaque gouvernement, en fonction de la situation des besoins de la population qui peut proposer ces opérations à tout moment.» D’après lui, on ne peut pas en faire le reproche au gouvernement du Sénégal, pour une simple raison : «Si vous allez en France, c’est exactement ce qui se passe.» Et le fait que cela se passe à quelques encablures des élections décisives ne pose aucun problème à Me Ngom. Et il ne voit pas de raisons pour qu’il n’en soit pas ainsi, car par le passé, «Dakar a été saucissonné en 40 communes d’arrondissement pour régler ses problèmes de tendances et ses problèmes internes. Pourtant, les Sénégalais l’ont accepté et aujourd’hui, c’est devenu une réalité que tout le monde oublie».
TORTURES DANS LES COMMISSARIATS DE POLICE
Interpellé sur le rapport du département d’Etat américain sur les cas de torture, Ousmane Ngom a exhorté les Sénégalais, au lieu de se plaindre, à rendre grâce à Dieu de vivre dans un pays où les droits et les libertés sont respectés. Pour cela, il est allé prendre des exemples sur des pays «autour de nous où il y a eu des centaines, voire des milliers de morts, de blessés, de mutilés ou de personnes torturées ou amputées». Pour lui, «même dans les plus vieilles démocraties», des bavures peuvent subvenir dans un commissariat «par rapport au respect de la loi ou du règlement. Les mécanismes pour régler de tels dérapages existent. Cela ne peut aucunement entacher le caractère de notre démocratie».
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