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En filigrane – Mère et célibataire

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Ils/elles sont presque tous sommé(e)s de présenter publiquement leur Cv, de désigner un ou deux camarades de promotion pour attester de leur passage dans tel lycée, telle université parce qu’ils ont désormais l’insigne honneur de s’asseoir à la table où, chaque semaine, on décide des affaires de tout un peuple. Voilà qu’ils ou elles sont maintenant à la merci de ceux qui, corbeaux et/ou adversaires politiques, offrent gracieusement à la presse la possibilité de bitumer dans leur jardin secret et, suprême indélicatesse, de publier quelques bonnes feuilles qui seraient malodorantes.

Ce qui est intéressant ici, ce n’est pas la relation qu’a faite récemment la presse sur le destin (singulier ?) d’une mère-célibataire qui siégerait dans une auguste assemblée. La presse, dans un contexte de liberté d’expression encadrée par les lois et les normes d’une profession, a collecté l’information ; celle-ci a été apparemment recoupée ; des sources crédibles ont été sollicitées et, selon sa ligne éditoriale, la nouvelle a été publiée. Ce qui est frappant, c’est, au-delà de l’information, cette projection subite d’une jeune femme au devant de la scène et le dévoilement de sa vie privée.

On dit volontiers que la vie d’un homme ou d’une femme politique intéresse tous les citoyens. C’est vrai. Quand on choisit librement de s’installer dans l’espace public, de s’afficher comme un leader, de professer le respect de certaines valeurs, de s’adosser à une éthique dans tout ce qu’on fait, on ne s’appartient plus. L’espace privé se rétrécit et, parfois, il se confond avec l’espace public. Tant que cela valorise le leader public, celui-ci, dans bien des cas, reconnaissons-le, s’en accommode fort bien, en tire le plus grand profit quand, par exemple, la presse s’en fait largement écho.

La politique est, dit-on, en principe, un noble exercice, fait d’altruisme, de don de soi et, parfois, d’élégance. L’autre face de la médaille est moins glorieuse. Pour beaucoup, sous nos cieux et ailleurs dans le monde, faire de la politique, c’est aussi plonger dans la fange, recevoir des coups, savoir les encaisser, en donner sans retenue et s’attendre, chaque matin, à être traîné dans la boue. C’est ainsi, semble-t-il, depuis que les hommes sont ensemble. Ça l’est encore plus quand l’ivresse du pouvoir s’empare de certains et, une fois leurs ambitions contrariées, ils n’hésitent pas à fouiller dans les poubelles, à calomnier leurs adversaires en usant, entre autres, de cette arme de destruction…sociale qu’est la rumeur, etc. Cela, c’est l’univers impitoyable des politiciens où les dagues sont en permanence aiguisées, les propos mielleux avant d’être fielleux, les trahisons de toutes les saisons, les alliances volatiles, les amitiés sans lendemain.

Une mère-célibataire qui s’occupe, au plus haut niveau, des d’affaires publiques. C’est l’histoire banale d’une femme comme on en compte des milliers dans ce pays qu’une auguste signature a sortie de l’anonymat. Cette histoire, aucun producteur de soap-opéra (ou théâtre télévisé du mardi) n’aurait l’audace de la mettre en scène. La presse parle d’elle parce qu’elle est dans l’espace public, parce que ce qu’elle dit sur elle a été apparemment recoupé, vérifié. Dire pour informer juste et vrai ou taire des faits et peut-être ne pas davantage éclairer la lanterne du citoyen sur ceux qui nous parlent et décident en notre nom : tel est le drame shakespearien que vit tout journaliste professionnel, en tout lieu et à tout moment, dans un système démocratique.

Ceux qui ont mis la presse sur cette piste de la mère-célibataire ont sans doute, eux, d’autres motivations.

Pourtant, dans un pays où un vrai imam est un présumé pédophile, où de doctes et dévots croyants ont cinq femmes, plus que ne le leur recommande leur religion, où des adultes s’adonnent à des jeux érotiques sur deux fragiles jumelles, où des agresseurs étripent des passants, au coin de bien de rues éclairées et animées, etc., une mère-célibataire qui mène une vie ordinaire est d’une telle banalité.

Pourquoi diable devrions-nous parler d’un « enfant caché », de mère-célibataire comme si c’était la pire des infamies dans une République de surcroît laïque, passablement « ceddo » et si syncrétique sous la couche de religiosité ? Pourquoi diantre ne parle-t-on jamais de ces hommes qui, avant de s’assagir, ont bien ensemencé plein de ventres de femmes avec à la…clé des enfants ? Pourquoi diable ces hommes, anciens pères-célibataires, ne sont-ils presque jamais indexés, avec leur jardin secret ouvert aux quatre vents, leurs enfants cachés tirés de l’anonymat ? Pourquoi les mères-célibataires devraient-elles, elles seules, s’expliquer sur leur histoire de vie ?

Trèves d’interrogations. Les droits humains, particulièrement les droits de la femme, malgré tout le blabla, ne se portent pas comme un charme. Y a vraiment du boulot pour moderniser les infrastructures…sociales de ce pays.

Ps : Dans un pays qui a opté pour le système démocratique, on n’agresse pas les journalistes. On n’organise pas d’expéditions punitives contre eux. On leur oppose la vérité des faits ou, à l’occasion, les affronte à la barre des tribunaux pour que le droit soit dit et la vérité s’impose à tous. Y compris le grand public.

Par El Bachir SOW
LESOELIL.SN

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