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En finir avec les nominations partisanes dans le service public

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La Constitution dispose en son article 44 que le Président de la République nomme aux emplois civils.

La Constitution dispose en son article 44 que le Président de la République nomme aux emplois civils. Ce droit conféré au chef de l’État n’est pas absolu.

Il doit s’exercer en tenant compte d’autres prescriptions d’ordre constitutionnel notamment celles qui exigent l’égalité de tous les citoyens ainsi que l’interdiction de toute forme de discrimination. Cela implique que la nomination des responsables des directions nationales de l’Administration centrale, des établissements publics, des sociétés de l’État, des sociétés nationales ou des sociétés à participation publique, doit se faire en dehors de toute forme de favoritisme pour que l’État puisse disposer de personnels compétents et efficaces recrutés ou promus selon le mérite de manière à obtenir la confiance des citoyens dans l’intégrité et l’impartialité des services publics. Sous le règne du Président Léopold Sédar Senghor, dans la majorité des cas, les nominations visaient des personnes au cursus professionnel remarquable dont la compétence n’était jamais mise en doute. Avec le Président Abdou Diouf, cette ligne tracée par son prédécesseur était suivie jusqu’à la mise en orbite de son homme de confiance, Ousmane Tanor Dieng. Ce dernier a profité de sa station pour faire nommer, à des postes clés, des personnes qui lui étaient acquises et sur lesquelles il pouvait compter dans une éventuelle lutte de succession. C’est avec l’arrivée du Président Abdoulaye Wade que les grands bouleversements sont notés en matière de nominations. En effet, le Président Wade a réussi la généralisation des nominations partisanes sans égard à la compétence ni au mérite. Il avait réinterprété l’article 44 de la Constitution comme une disposition qui lui conférait un droit absolu en disposant de la latitude de nommer « qui il veut » sans autres considérations. Tout semblait indiquer que cette époque était révolue avec l’avènement du Président Serigne Macky Sall, lequel présente le double avantage d’être né après les indépendances (jeunesse) et d’avoir fréquenté des instituts supérieurs, en France, qui enseignent des techniques et des méthodes évoluées de management (modernité) en plus d’avoir connu les États-Unis (ouverture). Si certaines de ses nominations ont été saluées pour la justesse de leur adéquation profil / emploi, d’autres, toutefois, ne s’inscrivaient pas dans la dynamique de rupture tant souhaitée et ardemment espérée qui avait favorisé son élection.

Certaines nominations aux relents partisans

Rien n’interdit aux responsables des directions nationales de l’Administration centrale, des établissements publics, des sociétés de l’État, des sociétés nationales et des sociétés à participation publique d’être membres d’un parti politique, d’assister à des activités politiques ou de contribuer, financièrement, au fonctionnement des partis politiques ni d’être candidats aux différentes élections. Toutefois, dans leurs comportements quotidiens, ils sont tenus par une double obligation : l’obligation de neutralité politique (s’abstenir de toute préférence ou parti pris indu au profit d’un parti politique et se montrer objectif dans l’exercice de leurs fonctions) et l’obligation de réserve (éviter de manifester, publiquement, leurs opinions et appartenances politiques). Ils doivent, à ce titre, se garder d’utiliser, à leur profit où à celui de leur parti politique, les biens de l’État ou de leur société. Ils sont censés se consacrer, principalement, à leurs fonctions qu’ils doivent exercer dans l’intérêt public avec honnêteté et impartialité. En effet, par rapport à la qualité et à la quantité de travail attendues, deux obligations pèsent sur eux : l’obligation d’assiduité (être toujours au travail et ne s’absenter que pour des motifs valables) et l’obligation de compétence (agir au mieux de ses compétences dans le respect des normes de qualité en vigueur).

Depuis bientôt une année, de nombreuses nominations sont faites, sans égards aux compétences exigées par les postes pourvus, sur la base du militantisme politique ou de la proximité (familiale, confrérique ou autre) avec les principaux responsables de l’État. La presse et plusieurs blogs ont rapporté, avec moult détails, la faiblesse du profil de certaines personnes nommées ainsi que leurs liens avec les dirigeants actuels du pays. De telles pratiques violent les principes rappelés ci-dessus et contribuent à créer un environnement fertile au développement de la gabegie. En effet, comment peut-on justifier, par exemple, l’attribution de subventions par la Direction générale du Port Autonome de Dakar (PAD) aux imams de la ville de Fatick (10 millions de francs CFA), aux femmes de l’APR (10 millions de francs CFA), à l’école de lutte de Fatick (4 millions de francs CFA), à l’Association Bour Sine (5 millions de francs CFA) ? Aucune, sinon que ce sont des opérations de clientélisme politique qui, au-delà de leur caractère absurde (Fatick ne se trouve pas dans l’environnement professionnel ni dans les visées de développement du PAD), prouvent la légèreté avec laquelle certains responsables, récemment nommés, gèrent les deniers publics. Ces faits montrent jusqu’où ces responsables sont capables d’aller pour plaire à celui qui détient le pouvoir de nomination et qui les a mis à ces stations. Ce cas est loin d’être isolé et ira s’amplifiant si les propos attribués au chef de l’État sont exacts. En effet, la presse a largement fait écho, ces dernières semaines, d’une rencontre tenue le 07 janvier 2013 au palais de la République entre le maître des lieux et une centaine de Directeurs d’entités publiques. Au cours de cette rencontre, le chef de l’État aurait décrété, d’après plusieurs articles de presse non démentis, que « celui qui perd sa localité lors des prochaines locales, perd son poste ». Traduction du message : désertez vos bureaux et allez sur le terrain, trouvez les ressources (moyens) nécessaires à la fidélisation d’une clientèle politique qui vous permettra de gagner, etc. Cette situation nous l’avons déjà connue et nous ne souhaiterions plus la revoir. Elle transforme les Directeurs, Administrateurs et autres responsables nommés en éternel absents à leurs bureaux et qui amène leurs collaborateurs à courir après eux pour une petite signature. Elle favorise le trucage des marchés publics et la conclusion de marchés de gré à gré dans le simple but d’obtenir des ressources indues en vue de financer des activités politiques. Elle installe un système de recrutement népotique où certains thuriféraires sont embauchés et payés par l’argent public pour faire, sur le terrain, la politique de proximité au profit de leur patron. Elle entraîne un maquillage permanent des comptes publics et des réalisations de l’État avec un système de reddition théoriquement bon, mais non fiable dans la réalité. Bref, elle transforme les Directeurs nommés en grabataires et prébendiers à leur profit personnel, mais aussi au bénéfice de leur parti politique. Cette situation-là, plus personne n’en veut en dehors d’une petite minorité obnubilée par un enrichissement, rapide et sans effort, même au prix de la malhonnêteté. Cette situation-là va à l’encontre des intérêts du pays et compromet, voire annihile son développement. D’où l’urgence de procéder à des changements dans la façon de faire les nominations à l’instar de tous les pays qui se préoccupent réellement de leur développement.

Changements et encadrement du processus : une exigence devenue incontournable

Dans les pays anglo-saxons, les nominations de responsables d’une majorité d’emplois supérieurs sont faites par de voie de concours. Seul un certain nombre de postes déroge à cette règle notamment ceux relatifs aux fonctions de Directeur de cabinet, de Secrétaire général (Présidence, Gouvernement, ministère), etc. Le respect de ce principe général impose l’établissement et la diffusion des conditions d’admission aux concours à organiser visant à combler un ou plusieurs emplois supérieurs de manière à garantir que tous les citoyens éligibles aient une chance raisonnable de poser leur candidature. Les exceptions à ce principe sont, généralement, bien encadrées par la loi et ne concernent que certaines situations particulières notamment les cas de promotion automatique lorsque l’emploi occupé est réévalué à un niveau supérieur et que l’occupant satisfait toutes les conditions d’admission et jugé apte (exemples : un service qui passe en Direction, une Direction qui est érigée en Direction générale, etc.). Des exceptions peuvent, également, être permises dans les situations de pénurie de candidats ou en cas de besoins urgents et spécifiques dictés par la nature des emplois à pourvoir. Ce processus général est, pour l’essentiel, mis à l’abri des possibilités d’influence de patronage, de favoritisme ou d’implication des responsables politiques. Dans la plupart de ces pays anglo-saxons, des services ou secrétariats permanents sont institués auprès des chefs de l’Exécutif dans le but de les aider dans la gestion du processus de nomination et de renouvellement des mandats aux postes de responsables des directions nationales de l’Administration centrale, des établissements publics, des sociétés de l’État, des sociétés nationales ou des sociétés à participation publique. Ces instances sont chargées notamment d’évaluer et de recommander les candidatures qui se révèlent être les meilleures. Dans le cas du Sénégal, la Délégation à la réforme de l’État et à l’assistance technique (DREAT) née des cendres du Bureau organisation et méthodes (BOM) et anciennement Délégation au management public (DMP) pourrait efficacement jouer ce rôle si on lui en donne la responsabilité et les moyens.

La France, de qui nous avons hérité notre modèle administratif actuel, a beaucoup évolué dans ses façons de faire en tendant vers le modèle de ses partenaires anglo-saxons au sein de l’OCDE, alors que notre organisation administrative reste quasiment figée depuis un peu plus de cinquante ans. En effet, dans ce pays aujourd’hui, plusieurs postes de Directeurs doivent être pourvus selon un processus rigoureux et transparent avec un avis de vacance publié au Journal officiel de la République française et par voie électronique sur le site internet de la bourse interministérielle de l’emploi public du ministère chargé de la fonction publique. De plus, comme dans les pays anglo-saxons, certains postes de Directeurs ou d’Administrateurs sont pourvus avec un mandat d’une durée limitée (généralement 5 ans) pour éviter que les personnes s’éternisent à leur poste et favoriser ainsi le renouvellement des compétences. C’est le cas, par exemple, des postes de Directeurs des services administratifs (DIRECCTE) qui intègrent plusieurs entités étatiques comme le commerce extérieur, le tourisme, le commerce et l’artisanat, l’intelligence économique, l’industrie, le travail et l’emploi ainsi que la concurrence et la consommation. Les exigences d’un État démocratique rendent, aujourd’hui, plus que nécessaires des changements importants dans le processus des nominations grâce à un meilleur encadrement.

SENENEWS

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