La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, mise en cause dans les violences qui ont contraint à l’exode près de 370 000 musulmans rohingyas, ne participera pas à l’Assemblée générale des Nations unies qui s’est ouverte mardi à New York.
Aung San Suu Kyi, qui dirige de facto le gouvernement birman, a annulé son déplacement fin septembre pour l’Assemblée générale de l’ONU, a annoncé mercredi 13 septembre son porte-parole, alors que le pays est pointé du doigt pour sa gestion de la crise des Rohingya.
« La conseillère d’État n’assistera pas à l’assemblée générale de l’ONU », a déclaré mercredi à l’AFP Zaw Htay, son porte-parole. La « Dame de Rangoun » avait promis l’an passé à la tribune de l’ONU de soutenir les droits de la minorité musulmane des Rohingya, qui fuient le pays par centaines de milliers.
De son côté, l’ONU va réunir mercredi son Conseil de sécurité afin de discuter, à huis clos, de la crise des Rohingya, qui continuent d’affluer par milliers vers le Bangladesh, où plus de 370 000 personnes sont arrivées depuis fin août pour fuir les violences en Birmanie.
Nettoyage ethnique
À la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh, pendant que le dossier des Rohingya prenait de l’ampleur au niveau diplomatique, la crise humanitaire s’aggravait.
Des bateaux de Rohingya ont accosté toute la journée encore sur la rive bangladaise de la rivière Naf, a constaté une journaliste de l’AFP TV. De l’autre côté, les panaches de fumée de villages en feu montaient dans le ciel. Deux hommes transportaient une femme âgée dans un panier.
Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, avait évoqué lundi « un exemple classique de nettoyage ethnique ». « Nous avons reçu de multiples rapports et des images satellites montrant des forces de sécurité et des milices locales brûlant des villages rohingyas, et des informations cohérentes faisant état d’exécutions extrajudiciaires, y compris de tirs sur des civils en fuite », avait-il déclaré.
Le nombre exact de réfugiés de cette minorité musulmane persécutée pourrait être beaucoup plus élevé, ont précisé les Nations unies, qui estiment que de « nombreux arrivants sont encore en mouvement et restent au bord des routes, ce qui rend difficile de les inclure dans les calculs ».
Autorités locales et organisations internationales peinent à prendre en charge cette marée humaine, d’une ampleur sans précédent pour ce conflit. Malades, blessés pour certains, affaiblis et affamés, les Rohingya arrivent complètement démunis dans une zone où les camps miséreux sont déjà surpeuplés.
« La mort du prix Nobel de la paix »
La réunion du Conseil de sécurité s’annonce d’ores et déjà tendue : la Chine, premier investisseur étranger en Birmanie, a réitéré mardi son « soutien » à Naypyidaw et loué « ses efforts pour préserver la stabilité de son développement national ».
Human Rights Watch et Amnesty International ont regretté l’inaction du Conseil de sécurité de l’ONU dans le traitement de la crise. La réunion de mercredi doit se tenir à huis clos, comme une précédente rencontre, le 30 août, qui n’avait été suivie d’aucune communication.
La cause des Rohingya trouve aussi un écho particulier dans le monde musulman, où les images présentées comme montrant des exactions de l’armée birmane contre cette communauté sont largement partagées sur les réseaux sociaux. Mardi, le guide suprême iranien Ali Khamenei a estimé que le sort marquait « la mort du prix Nobel de la paix ». La tâche d’Aung San Suu Kyi est compliquée par la montée des bouddhistes extrémistes ces dernières années et par la grande autonomie de l’armée birmane, qui reste toute puissante dans cette zone de conflit.
Avec AFP