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[Enquête] La Centif suspecte Mdl l’exploitant de Sabodala: des orpailleurs blanchisseurs d’argent. Par Abdou Latif Coulibaly

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Quand la société de droit australien Mineral Deposits Limited (MDL) a été choisie par l’Etat du Sénégal pour prendre possession et exploiter la mine d’or de Sabadola, plusieurs voix s’étaient élevées dans le milieu des mines pour s’interroger sur l’opportunité d’un tel choix. Des spécialistes bien informés sur les politiques minières dans les pays en voie en développement et sur les activités des grandes multinationales intervenant dans l’exploitation aurifère doutaient des choix de notre pays. Ils s’en trouvaient même parmi eux pour faire observer que les choix arrêtés avaient été motivés par des raisons autres qu’économiques. Certains allaient même jusqu’à dire que la société MDL n’était qu’un parapluie pour réaliser d’autres opérations de type mafieux comme le blanchiment d’argent et autres. Aujourd’hui, les faits semblent leur avoir donné raison.

La Gazette est en mesure de prouver que la Cellule Nationale de Traitement de l’Information Financière du Sénégal (CENTIF) a conduit une enquête entre février 2004 et juin 2005, au terme de laquelle elle établit de façon formelle des indices de blanchiment d’argent de la part de la société MDL. Dans ce même rapport, les limiers de la Centif indiquent qu’il existe des transactions formelles entre la présidence de la République, par le biais de son Secrétariat et les personnes utilisées par MDL pour opérer les blanchiments suspectés.

La Gazette a conduit ses propres investigations pour rendre compte des résultats de l’enquête de la CENTIF et faire le point sur la présence économique de MDL dans la région de Kédougou. Les résultats auxquels ont abouti ces investigations sont désastreux pour l’image de cette société et pour celle du gouvernement qui, il y a moins de cinq ans, avait présenté les attributaires de la mine de Sabodala comme des faiseurs de révolution en la matière. Rien que de la propagande et des mensonges pour cacher les véritables intentions.

Au moment où le gouvernement de la République, rangé en ordre derrière le chef de l’Etat, lançant le démarrage officiel des activités de la société australienne qui exploite la mine d’or de Sabodala, le président Abdoulaye Wade avait entre ses mains un rapport accablant contre la société MDL qui laissait clairement entrevoir des indices de blanchiment d’argent dans la conduite de ses principaux responsables. Ce rapport a été transmis au procureur de la République au mois de juillet de l’année 2005. Les opérations à l’origine de la déclaration de soupçon de blanchiment concernaient deux chèques remis à l’encaissement aux guichets de la Banque Sénégalo-tunisienne (BST) par M. Abdou Khadre Mbacké dit Kader Mbacké et portant sur les sommes de cent millions (100 000 000) de francs CFA et de cent vingt cinq millions (125 000 000) de francs CFA tirés respectivement sur la Société Générale de Banque du Sénégal (SGBS) et la Compagnie Bancaire de l’Afrique de l’Ouest (CBAO). Les enquêteurs du Centif qui ont produit le rapport ont établi de façon formelle dans les transactions suspectées des indices de blanchiment. [xalima]

Le sieur Abdou Khadre Mbacké qui se prévaut du titre de conseiller du Chef de l’Etat et de la qualité de représentant à Dakar de l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote, a été au centre de l’enquête de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF). Il résulte de l’enquête faite, à la suite de la déclaration de soupçon du 14 juin 2005 reçue par la Cellule, des faits graves et concordants établissant des indices formels de blanchiment. Le rapport d’enquête révèle que le 2 juin 2005, la Banque Sénégalo-tunisienne (BST) a reçu de M. Abdoul Khadre deux chèques de 100 et 125 millions de francs Cfa tirés respectivement sur la SGBS et sur la CBAO. Les enquêteurs écrivent dans leur rapport : « Il est ressorti par la suite de l’analyse des relevés bancaires de M. Mbacké que celui-ci a reçu d’importantes sommes d’argent par le biais, notamment, de transferts de fonds internationaux et de remise de chèques ».

Les sommes en cause sont plus importantes que le montant total des deux premiers chèques encaissés. Comme l’indique le rapport : « le 24 juin, M. Mbacké a bénéficié de quatre nouveaux chèques de banques tirés sur la SGBS d’un montant global d’un milliard de francs Cfa émis par Sabadola Mining Compagny, sous la signature du nommé Cheikh Faye, gérant de la dite société ». Le même Abdoul Khadre Mbacke, indiquent les enquêteurs de la CENTIF, a également bénéficié de trois chèques CBAO d’un montant de cent soixante (160) millions chacun versé dans un compte à la SGBS. Il a ensuite reçu deux autres chèques de vingt cinq (25) et cent vingt cinq (125) millions tous versés dans un compte ouvert à la BST. Cet argent a été versé dans le compte du sieur Mbacké par la société Mineral Deposits Limited (MDL Sénégal SARL) et signés tous par le même Cheikh Faye procurataire sur le compte de la dite société.

M. Mbacké est une personne importante dans le dispositif mis en place par la société MDL pour réaliser les opérations qui sont suspectées au Sénégal par la CENTIF. En effet, après avoir encaissé plusieurs chèques établis en son nom par Cheikh Faye, le sieur Abdou Khadre Mbacké a été également sollicité pour recevoir des virements d’argent substantiels. Il y a eu au moins deux transferts : « M. Mbacké a enfin bénéficié de deux transferts par Swift de l’ordre de trois cent vingt cinq (325) millions francs Cfa émis par Energerm Treasury Ltd ; Owen House ; Count Row CB-St Peter Guernesey Gy12 Pd par le biais d’une banque suisse (Bank Hoffman AG Zurich CH) ». Les enquêteurs de la CENTIF ont vérifié tous les liens juridiques mettant en rapport les différentes personnes identifiées dans les circuits des transactions. C’est ainsi qu’ils indiquent dans leur rapport : « qu’il ressort des documents versés au dossier que c’est Mineral Deposits Limited société de droit australien qui détient la totalité des parts sociales. La société est gérée par M. Jeffrey Wayne Williams qui a donné procuration à M. Cheikh Faye sur le compte de la société ».

Et le rapport d’ajouter : « A ce titre, tous les chèques émis sur le compte bancaire de MDL Sénégal SARL en faveur de M. Abdoul Khadre Mbacké, ont été signés par M. Cheikh Faye qui, par ailleurs, est gérant de la Sabodala Mining Company ». Les enquêteurs de la CENTIF clarifient davantage les rapports qui lient les différentes sociétés suspectées, en particulier, les relations que la société MDL à qui le gouvernement du Sénégal a concédé la mine de Sabodala et qui se trouve au centre des transactions douteuses, entretient avec les différents acteurs du puzzle du blanchiment suspecté. Tout ce qui précède, indique le rapport d’enquête, révèle que les différentes entités impliquées dans les opérations appartiennent à un même groupe de sociétés dont la maison mère est Mineral Deposit Limited, par le biais de participations croisées Sabodala Mining Company appartient au groupe Mineral Deposits Limited.

Ainsi, précisent les enquêteurs de la CENTIF : « De février 2004 à juin 2005, ces différentes sociétés à savoir Mineral Deposits Limited (MDL) Sénégal et Sabodala Mining Company (SMC) SARL Sénégal ont initié des virements de sommes très importantes dont le montant global se chiffre à un milliard cinq cent cinquante huit millions (1,558 milliards CFA), en faveur de M. Abdou Khadre Mbacké ». Les différents chèques reçus ont été signés par la même et seule personne, M. Cheikh Faye pour le compte des sociétés Sabodala Mining Company (SMC) et Mineral Deposits Limited (MDL) dont il est respectivement gérant et procurataire. Ces deux sociétés ont la même adresse à Thiès, sise à la Rue 14, villa N° 179 quartier Carrière et les actes de constitution laissent apparaître qu’elles appartiennent aux mêmes personnes, expliquent les enquêteurs.

Le rapport de la CENTIF a établi l’absence de liens juridiques et économiques entre le sieur Abdoul Khadre Mbacké, principal bénéficiaire des transactions et différentes personnes morales qui les ont effectuées. Ainsi, indique la CENTIF : « Aucune relation d’affaire pouvant justifier les chèques émis et les virements effectués n’a été relevée. En effet, les investigations menées n’ont pas permis de mettre en évidence des liens juridiques ou économiques entre M. Mbacké et les différentes sociétés impliquées dans les mouvements de fonds initiés. Il n’existe aucun lien entre le sieur Mbacké et les différentes sociétés qui lui font parvenir des fonds. Aucun contrat de cession de droits ou de services. M. Mbacké n’est également actionnaire dans aucune des sociétés émettrices des chèques ».

Interrogé par les enquêteurs de la CENTIF, le sieur Mbacké a tenté de se justifier en évoquant des arguments très vite balayés par les limiers de la Cellule. Ces deniers indiquent dans leur rapport : « La justification donnée par M. Mbacké quant aux transferts de fonds qui représenteraient une partie du paiement des frais de consultance et le rachat de 30% d’actions détenues par des nationaux dans le capital de la Sabodala Mining Company ne sauraient prospérer, puisque des actes notariés établis le 17 août 2005 et versés au dossier, il résulte que SMCS SARL est une société unipersonnelle créée par la société Nimbus Gold Limited (société de droit australien) qui a cédé la totalité de ses parts à la société Ausind Sand Limited (société de droit mauricien) ». Ces opérations et toutes les données qui en résultent aujourd’hui laissent croire que l’attribution de la mine d’or de Sabodala à la société MDL n’a été, entre autres, qu’un moyen de blanchiment d’argent.

Pourtant, cette attribution fait beaucoup de bruit, car le gouvernement de la République a tenté de faire croire aux Sénégalais qu’il venait d’initier par cette opération une véritable politique minière digne des ambitions publiquement affichées en la matière. En tout état de cause, de nombreux spécialistes, y compris les enquêteurs de la CENTIF, croient savoir qu’en réalité qu’il s’est agi dans certaines opérations réalisées par MDL de maquillage entretenu pour couvrir parfois de sordides transactions financières présentant tous les indices de blanchiment. C’est ce que les enquêteurs de la CENTIF disent en d’autres termes, quand ils écrivent dans leur rapport que : « Les deux transferts de fonds par Swift d’un montant global de trois cent vingt cinq millions au profit de M. Abdoul Khadre Mbacké en provenance du territoire de Guernesey, réputé paradis fiscal où le secret bancaire est très renforcé, font peser des doutes sur le caractère licite de l’origine des fonds d’autant plus que le nom du donneur d’ordre effectif n’a pas été mentionné ».

La presidence sur la liste des invites du festin

Abdou Khadre Mbacké, principal bénéficiaire des chèques et virements suspectés dépensait presque au fur et à mesure que l’argent lui a été remis. Les limiers de la CENTIF ont suivi les traces des sommes décaissées afin d’établir la liste des personnes qui ont reçu leur part. C’est avec surprise que l’on apprend dans leur rapport que la présidence de la République, plus précisément le Secrétariat général de la Présidence, a reçu des mains de Abdou Khadre Mbacké un chèque d’un montant total de cent (100) millions de francs Cfa tiré sur le compte CBAO n°K213 682 0351127. Il y a d’autres bénéficiaires qui n’ont pas été identifiés de façon formelle. Car les opérations effectuées ont été conduites sous le couvert de noms de personnes morales parfois difficilement identifiables.

Ainsi, trois chèques de cent millions chaque ont été émis pour le compte de Général immobilier (GIM) SA (Km 4,5, Avenue Cheikh Anta Diop), une société immobilière dont l’existence physique est douteuse. Comme le souligne le rapport de la CENTIF, « Aucun élément du dossier ne permet de justifier les opérations financières, il existe un flou total sur les relations entre Abdou Khadre Mbacké et les personnes bénéficiaires de l’argent. D’ailleurs les recherches effectuées auprès des bureaux de la Conservation foncière de Dakar et de Diourbel n’ont permis d’identifier aucun immeuble enregistré au nom de M. Abdou Khadre Mbacké et qui aurait pu justifier le versement de trois chèques (SGBS N° 3880218 et BST N° 235 5330 et N°2355 331), tous émis en faveur de la société GIM SA.

La « générosité » de l’instrument principal du blanchiment que la société MDL a souvent utilisé, en l’occurrence Abdou Khadre Mbacké, a été sans limite. C’est ainsi qu’on apprend dans le rapport de la CENTIF que le sieur Mbacké a effectué des opérations en faveur de certaines personnes ainsi identifiées : Moustapha N. Sèye (deux chèques de 25 millions chaque), Ibrahima Mendy a bénéficié d’un retrait de 51 millions (retrait espèces), deux autres transferts d’un montant global de 102 millions (51 millions chaque) ont été réalisés en faveur de la société « l’International Amori », pour l’acquisition de véhicule. Un autre transfert a été ordonné pour le bénéfice de André Balard (8 millions neuf cent mille). Le festin des blanchisseurs suspectés n’aurait pas trop choqué si les « braves » n’avaient pas réussi à embarquer dans la spirale de fête, sans fin presque, la présidence de la République, par le biais de son Secrétariat général, du temps où l’actuel ministre d’Etat, ministre des Forces armées, Abdoulaye Baldé était à sa tête. Ce n’est pas la seule prouesse que l’on peut mettre à l’actif des suspects. Ces derniers ont réussi des coups souvent inspirés par les pratiques du grand banditisme financier international et devant lesquels les limiers de la CENTIF avouent leur impuissance à démêler l’écheveau.

Il n’empêche, les conclusions générales du rapport de la CENTIF ne laissent aucun doute, quant aux pratiques avérées de blanchiment d’argent. Les enquêteurs écrivent pour boucler leur travail : « En seize mois (février 2004 juin 2005), environ 1,5 milliard de francs Cfa ont été portés au crédit du compte de M. Abdoul Khadre Mbacké. Ces virements ont été faits sous la signature d’une seule et même personne à savoir M. Cheikh Faye, gérant d’une des sociétés, procurataire dans l’autre.

Pendant cette période, 1,2 milliard ont été systématiquement débités dans les comptes de M. Mbacké au profit de différentes personnes. L’enquête subséquente n’a pas permis de déterminer d’abord la cause des versements de sommes très importantes dans le compte de M. Mbacké, ensuite le lien entre les intervenants ». Les enquêteurs ajoutent : « En outre, l’analyse des opérations portées aussi bien au crédit qu’au débit de M. Mbacké a révélé un fonctionnement atypique et non orthodoxe : des montants très importants retirés, des manipulations d’espèces, des cadences rapprochées de retraits, absence totale de justifications des différentes opérations ». Le rapport d’enquête de préciser : « M. Abdoul Khadre Mbacké n’exerce aucune activité connue pouvant justifier ces flux importants de capitaux, sans commune mesure avec ses revenus. Il résulte des documents produits par la SGBS que M. Mbacké était comptable à la Lonase et qu’il a bénéficié d’un départ négocié ». Les conclusions finales du rapport envoyé par la CENTIF au procureur de la République, expliquent que : « Les transactions financières sont susceptibles de constituer des faits de blanchiment… ».

Rappelons qu’au courant du mois de juillet Ameth Khalifa Niasse et deux de ses enfants ont été convoqués et entendus par la police pour des faits de blanchiment. Les faits pour lesquels ils ont été convoqués remontent, à en croire les intéressés et selon les informations de la presse à l’année 2007. Si en convoquant Ahmet Khalifa et ses enfants, la volonté de l’Etat était réellement de combattre les faits de blanchiment, sans faiblesse ni parti pris, le sieur Abdou Khadre Mbacké et ses acolytes qui ont été épinglés depuis juin 2005, auraient dû passer devant la justice avant les Niasse.

Abdou Latif COULIBALY

lagazette.sn

5 Commentaires

  1. Merci Mr Coulibaly une fois de plus pour votre travail.
    Mais Mr Mbacke pourra tjour se justifier en disant que c’est du « adiya » vu qu’il appartient a une de ces grandes familles du senegal qui peuvent vivre dans le luxe sans besoin de se bouger. Remarquez que l’autre famille inquietee fait partie de cette caste de fils de « soxna ». Ce systeme maraboutique a besoin d’etre regule.
    L’article nous donne aussi une piste probable pour comprendre les declarations surprenantes de Abdoulaye Balde,qui justifiait sa fortune subite par des dons octroyes par des amis.
    C’est absolument delirant ce qui se passe dans ce pays. On comprend enfin ce que le liberalisme version tropicale de Abdoulaye Wade voulait dire: enrichissement sans cause, prendre tout ce qui devait revenir a l’Etat et le mettre dans des poches priveses.

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