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Entre Me Wade et Me Mame Adama Guèye:le long contentieux entre deux avocats

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La colère du président de la République contre le Bâtonnier de l’ordre des avocats, Me Mame Adama Guèye le 13 janvier dernier n’est pas une première. Quelques éléments qui expliqueraient pourquoi Wade ne piffe pas l’avocat.

Assurément les acteurs de la justice et le corps diplomatique accrédité à Dakar ont assisté le 13 janvier dernier, dans les locaux de la Cour suprême à une audience assez particulière. Me Mame Adama Guèye, Bâtonnier de l’ordre des avocats et le président de la République Me Abdoulaye Wade, un autre avocat, se sont livrés à de véritables « plaidoiries ». Me Guèye qui ne pouvait pas taire les dysfonctionnements notés dans le système judicaire sénégalais a reçu une répartie de la « Défense » bien représentée par le chef de l’Etat. Autant dire un procès sur une affaire de corruption. Les charges du Bâtonnier sur l’Exécutif ont sûrement été acerbes pour provoquer la réplique présidentielle. « Corruption », « concussion », « pressions extérieures du exécutif », « une justice à plusieurs vitesses, selon la capacité d’influence et les moyens financiers des protagonistes ». Certains ont dû, sans doute, se promener sur les « Chantiers de Thiès » en suivant le raisonnement de Me Guèye ! Ces constats de l’avocat condamnaient inéluctablement, après le « réquisitoire » du Procureur général près la Cour suprême, un Etat au banc des accusés. Mais, le Président a plutôt vu une sentence prononcée contre son pouvoir et son immixtion permanente dans certaines décisions de justice. C’est là tout le sens des hochements de tête sévères de Wade contre les arguments de Me Mame Adama Guèye. « Je m’inscris en faux », « c’est inexact » ou encore « c’est insultant ». Pourtant, un membre du parti présidentiel, en l’occurrence Me Abdoulaye Babou, avocat de la cause wadienne, a confirmé, le 14 janvier sur Rfm, des interventions extérieures dans les dossiers pendant devant la justice. Il en a même donné des exemples indexant la Cour d’appel. C’est ce que dit, également, le bâtonnier en faisant remarquer que « le fonctionnement de la justice est perturbé par les pressions extérieures du pouvoir exécutif, du pouvoir religieux, du pouvoir de l’argent et par les contraintes sociales ». N’est-ce pas là une kyrielle de manquements au « Fonctionnement du service public de la justice et responsabilité de l’Etat », thème de la rentrée judicaire de cette année ?
Mais la colère du président donne à croire plus à un règlement de comptes personnel qu’à une simple contre-attaque sur les « chefs d’inculpation » retenus contre la justice dans son fonctionnement.

LE MOBILE DU CONTENTIEUX

« Nous sommes ici en séance solennelle et non dans un meeting politique », reprécise le chef de l’Etat à l’endroit de Me Mame Adama Guèye. Cette phrase a tout le sens d’un contentieux entre les deux personnes qui remonterait à la veille de la Présidentielle de 2007. Alors que l’ancien coordonnateur du Forum civil devait déclarer sa candidature, Wade lui aurait, indirectement, demandé de ne pas l’affronter. Lui, qui aimait préciser, lors de la présidentielle de 2007, qu’il est « candidat issu de la société civile, et non de la société civile » décida de briguer les suffrages en mettant au cœur de son programme la transparence et la bonne gouvernance. C’est fort justement de sa carrière d’homme de la société civile que ses discours sont souvent empreints de critiques contre les contrevenants à l’Etat de droit. Ce n’est pas pour rien qu’il avait pris part à la 9ème Conférence internationale anti-corruption organisée en octobre 1999 à Durban, en Afrique du Sud.

Le débat organisé par le Forum civil dont il était encore coordonnateur en 2001 avec le président Wade à la veille du référendum du 7 janvier a été magnifié par la classe politique. A cette occasion, le chef de l’Etat a violemment rabroué Babacar Justin Ndiaye qui demandait quel statut donnerait-on à la Casamance. Wade lui avait fait porter une veste de « rebelle » caché. C’est le même goût d’humiliation qu’il a servi au Bâtonnier. Ce n’est pas la première fois. Les vérités sèches de Me Guèye sur la justice n’ont pas changé. Le 23 janvier 2009, à la même occasion de la rentrée des cours et tribunaux qui avait pour thème « La responsabilité médicale au Sénégal », il avait élevé la voix devant le président de la République pour fustiger des « pressions de la France » sur la justice sénégalaise- Sarkozy avait exprimé en conseil des ministres son « émotion » et sa « préoccupation »- pour libérer les neuf homosexuels condamnés alors à huit ans de prison ferme. Le chef de l’Etat s’était dit « surpris » par ces « accusations graves » du Bâtonnier contre la France. (…) « Il n’y a eu aucune pression sur la justice sénégalaise et vous devriez le savoir en tant que Bâtonnier », lui avait-il signifié. C’est qu’on est loin d’avril 2008 lorsque, Me Wade, parti présenter ses condoléances à la famille du défunt député Abdou Latif Guèye, avait promis à l’avocat de le nommer à « de hautes responsabilités ».

Enfin, le président Wade n’a pas oublié la participation de Me Mame Adama Guèye aux Assises nationales. Porte-parole du comité national de pilotage desdites Assises, il s’occupait du financement de ces rencontres de la société civile et de l’opposition. On se rappelle que Wade avait déclaré à vive voix que quiconque participe aux Assises deviendrait son adversaire. Peut-être que Me Guèye est devenu un « ennemi » politique de Me Wade.

Hamath KANE

lagazette.sn

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