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ENTRETIEN AVEC… El Hadji Ibrahima NDAO, président du Comité d’organisation du Prix Kéba Mbaye pour l’éthique : «L’Afrique a vraiment besoin de comportements éthiques dans tous les domaines de la vie»

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La Fondation Kéba Mbaye entend décerner un prix pour l’éthique tous les deux ans, à toute personne physique ou morale qui œuvre dans le domaine de l’éthique. Pour la première édition, c’est le Président malien, Amadou Toumany Touré qui en est le lauréat. La cérémonie est prévue le 16 avril prochain. El Hadji Ibrahima Ndao, président du Comité d’organisation du prix, revient dans cette interview sur la pertinence d’une telle initiative et le choix de Att.
La Fondation Kéba Mbaye en­tend décerner un prix pour l’éthique dont le premier nominé est le Président malien Amadou Toumany Touré. Pourquoi un prix pour l’éthique ?
Parce que nous voulons encourager des comportements éthiques qui entrent dans le cadre de la bonne gouvernance. Bien sûr, aussi dans le domaine de la solidarité, de la Justice, des droits de l’homme et surtout la défense de toutes les libertés. Il est donc décerné à toute personne physique ou morale qui respecte ses engagements vis-à-vis des populations, et qui joue un rôle d’assistance morale indéniable, que tout le monde reconnaît. Il faut savoir aussi que dans l’éthique, il y a la reconnaissance des pairs. Puis­qu’il n’y a pas de sanction pénale, c’est le sentiment que les autres ont de vous, et qui est largement partagé, qui est important. C’est ça qui fait que n’importe quelle Ong, autre organisation et personne physique que le jury trouvera digne de remporter le prix sera nominée. Aujourd’hui, c’est le Président Att. Il se peut que ça soit demain n’importe quelle organisation ou personne. L’objectif est donc de donner les lauréats en exemple, pour que les jeunes les prennent comme des modèles et que ça fasse tache d’huile auprès de nos sociétés, parce que l’Afrique a vraiment besoin de comportements éthiques dans tous les domaines de la vie. Nous avons besoin donc de donner en modèles des personnalités et des organisations qui, de par leur comportement et de par leurs activités, arrivent à favoriser la promotion de l’éthique.

Sur quels critères Att a-t-il été nominé ?
Le Président Att, qui est notre premier lauréat, a parfaitement rempli les critères, pour un raison bien simple : c’est que, le 26 mars 1991, il a pris le pouvoir pour diriger une transition en l’espace de 15 mois. Et au cours de cette transition, il a eu à jalonner ce parcours par une Con­férence nationale, une Consti­tution, des élections bien organisées. Tout cela au profit du Mali. Donc, il a rétabli l’Etat de droit au Mali. Après, il a élargi les libertés, telle que la liberté de presse. Il a donc contribué à asseoir une presse libre au Mali. En plus, il y a l’indépendance de la ma­gistrature. Donc, nous avons observé le parcours de l’homme ces dernières années. D’abord sa prise du pouvoir et la gestion de la transition, la façon dont les activités ont été menées pour le rétablissement de la démocratie et de l’Etat de droit. Ensuite, nous avons observé la période pendant laquelle il a quitté le pouvoir. Il s’est concentré sur deux activités chères au parrain de la Fondation, Kéba Mbaye : l’aide à l’enfance et la médiation, c’est-à-dire la recherche de la paix.
Pour l’enfance, il a constitué une Ong qui a été pratiquement consacrée à Dakar parce que c’est à Dakar qu’il a été nommé président de cette Ong des enfants de la rue. Et pour la médiation, c’est l’Union africaine, la Francophonie, l’Onu, qui ont fait appel à lui pour des actes de médiation dans la région des Grands lacs, au Rwanda notamment, en Guinée-Bissau, au Togo, quand il y a eu des problèmes après les élections. Pour tout ça, nous pensons qu’il a montré un certain sens de l’éthique dans son comportement vis-à-vis du pouvoir. Et il l’a fait avec la reconnaissance de ses pairs, sans frustrer quiconque ou léser les intérêts de certaines personnes. En plus de ça, il a suscité une grande satisfaction au Mali, grâce à la paix qu’il a réussit à restaurer malgré la rébellion du Nord. Militaire, il pouvait régler le problème militairement, mais il ne l’a pas fait ; il a préféré le dialogue. Et à l’issue des différentes actions, un traité de paix a été signé et les armes ont été brûlées.

Y a-t-il des similitudes entre le Président Att et le juge qu’a été Kéba Mbaye ?
Oui ! Kéba Mbaye a toujours eu le souci de mener ses actions dans la Justice. Dans ses relations avec les individus, il mettait toujours en avant l’éthique. Et le Président Att l’a montré amplement. Il s’était engagé de rester au pouvoir juste le temps de la transition ; donc, juste le temps de rétablir l’Etat de droit. Il l’a fait ; il est parti. Il est revenu et a pris un certain nombre d’engagements dont la création d’un poste de vérificateur général pour assainir les com­portements. La constitution malienne a dit que le mandat présidentiel est renouvelable une fois. Il va bientôt terminer son deuxième mandat et il a dit qu’il ne va pas se présenter. Jusque-là, il a respecté ses engagements. C’est donc une parole d’honneur.

Comment se fera la cérémonie de remise du prix ?
La cérémonie de remise de prix au Président Att sera une cérémonie solennelle qui aura lieu donc au Théâtre national Daniel Sorano, le samedi 16 avril à partir de 10h. Le prix est composé d’une médaille, d’un diplôme et d’un chèque de 10 000 euros. Au cours de cette cérémonie, il y aura donc une remise officielle de ces attributs. Il y aura des discours pour présenter le lauréat et donner les critères sur lesquels la Fondation s’est penchée pour le lui attribuer. Le prix lui sera remis par le Président Abdoulaye Wade en personne qui est aussi parrain de la Fondation. Et pour joindre l’utile à l’agréable, il y aura, la veille, une soirée de gala, le vendredi soir. Ce qui permettra d’offrir un dîner au Président Amadou Toumany Touré au Méridien-Président pour lui permettre d’apprécier la téranga (hospitalité) sénégalaise.

La création de ce prix ne signifie-t-elle pas que l’éthique n’est pas la chose la mieux partagée aujourd’hui ?
L’éthique n’est pas la chose la mieux partagée, mais il faut savoir que c’est ce qu’on recherche ; c’est un idéal, quelque chose qu’on souhaiterait tous voir rétablir dans les relations entre les hommes, dans les relations d’affaires, entre les gouvernants et les gouvernés. Si l’éthique s’installait, d’après le juge Kéba Mbaye, ce serait le gage d’un développement durable. La morale est à la société, ce que l’environnement est à l’économie ; ce sont ces mê­mes rapports que l’éthique a avec la société. Tant qu’on met en avant tout ce qui relève du droit de la reconnaissance de la personne humaine, avec des actes qui ne remettent pas en cause la dignité humaine, dans ce cadre-là, ce comportement est digne d’être souligné, magnifié, donné en exemple à la génération future et surtout aux jeunes d’aujourd’hui qui ont perdu des repères. Ce qui se passe actuellement dans le monde est la parfaite illustration d’un problème d’éthique. S’il n’y avait pas un problème d’éthique, on n’allait pas aboutir à des déchirements et à la situation que l’on con­naît actuellement, et qui se font au détriment des populations tout à fait innocentes et qui ne sont pas partie prenante au conflit. Si l’éthique est mise en avant dans toutes nos ac­tions, nous pouvons réellement améliorer nos sociétés et les conditions de vie de nos populations.
Propos recueillis par Babacar WILLANE

lequotidien.sn

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