«Au Dibi, on ne gagne pas de l’argent mais des amitiés
Comment est né le concept du Dibi ?
Tout d’abord, cela fait environ 15 ans que nous exerçons dans le 18e arrondissement. Le Dibi, c’est avant tout une aventure d’amis, d’étudiants qui se retrouvaient dans un appartement du 46 rue Polonceau (18e arrondissement). Il y en a qui venaient de Lille, de Reims, ou encore de Montpellier, et ce sont eux qui ont eu l’idée de ce restaurant. Parmi eux, il y avait Mansour Sy Djamil, le fils de Sérigne Moustapha Sy qui était là et qui nous faisait l’honneur de nous inviter tous les weekend chez lui où on faisait griller de la viande, des côtelettes, etc. En dessous de l’appartement, il y’avait la mère Aïda qui tenait un grand restaurant qui existe depuis 1974. Elle avait acquis un local juste à côté qui avait servi de librairie dans un premier temps, et de magasin de produits cosmétiques ensuite que je tenais d’ailleurs. Ça a continué ainsi jusqu’au jour où on a décidé de faire un produit qui manque aux Sénégalais. On a fait remarquer qu’il y en a qui font du Thiébou dieune, d’autres du yassa et d’autres encore du Souppou kandja, et dans chacune de ces spécialités il y avait un restaurant qui tenait la palme. Il y avait une sorte de distribution des médailles. On savait par exemple que quand tu allais chez Village, c’est du Thiébou dieune que tu allais manger, et chez Aïda c’était le Souppou kandja.
Il n’y avait donc pas de concurrence à l’époque entre les restaurants sénégalais ?
Non ?! Il n’y avait aucune concurrence entre les restaurants sénégalais. Mais malgré toute cette variété, il manquait aux Sénégalais de Paris le traditionnel dibi et le chawarma. On a alors commencé dans un premier temps à faire du dibi, c’est à dire la grillade de viande au feu de bois. Ensuite, un jour, il y a Habib Sy, le fils de Sérigne Abdoul Aziz Sy, qui venait de Lille où il étudiait pour nous dire qu’il manquait quelque chose dans le restaurant. Il proposa alors qu’on fasse du chawarma. On lui a rétorqué que ça ne marcherait jamais à Paris parce que partout où tu tournes il y a des sandwichs. Il a insisté en disant que les Sénégalais qui viendront au Dibi apprécieront le chawarma qu’on ferait. Et lorsqu’il est parti en vacances à Dakar, il nous a ramené la formule de la sauce blanche qui accompagne le chawarma et la manière avec laquelle les Libanais la préparaient. On a alors commencé à faire la publicité, et c’est ainsi que Le Dibi est né dans les années 95.
Décrivez-nous un peu l’évolution du Dibi.
A partir de ce moment on se retrouvait entre amis, entre étudiants. Ceux qui venaient de Lille, de Reims, de Strasbourg, de Montpellier, etc. se retrouvaient tous à Paris. Et il y avait forcément les éternelles discussions d’étudiants : la politique, la science, l’actualité. C’est resté informel jusqu’à ce que nous ayons institué ce qu’on appelle aujourd’hui le Forum démocratique. Moi-même qui vous parle, je suis un ancien militant du Parti démocratique sénégalais (Pds) que j’ai vu naître ici à Paris. Et j’ai également piloté pendant une bonne dizaine d’années l’Organisation des travailleurs sénégalais de France (Ots).? Je me suis un peu mis en retrait par la suite parce que mes occupations ne me permettaient plus d’être très actif sur le terrain. C’était notamment pour mieux me consacrer au Dibi. Voilà en gros comment Le Dibi est né. Et il y a plusieurs étudiants qui on eu à travailler ici et qui sont aujourd’hui des directeurs de projet sur le plan mondial. Il y a deux autres qui ont décroché leur Doctorat : l’un enseigne actuellement dans une université canadienne, l’autre à l’Université de Dakar.
Donc vos employés étaient généralement des étudiants ?
Au fait, au départ on n’avait pas beaucoup de moyens. Et ce sont des étudiants qui fréquentaient le lieu qui donnaient un coup de main. Et donc puisqu’ils nous aidaient, nous aussi on leur donnait des salaires d’étudiants.
Y a-t-il eu une évolution au niveau du menu ?
On a gardé le même menu, parce que c’est cela l’esprit du Dibi. On a le thiakri qui coûte 2 euros, le chawarma 5 euros, il y a aussi le bissap, etc.
Ce qui est frappant quand on entre au Dibi, c’est ce cadre informel qui n’a rien d’un restaurant classique. Pourquoi ne voulez-vous pas moderniser le cadre, améliorer l’accueil ?
C’est nous qui l’avons voulu comme cela. Au fait, nous avons voulu créer un cadre convivial sénégalais entre la petite bicotte du Maure qui fait de la grillade au feu de bois et le Grand-place. C’est pourquoi vous avez des gens qui discutent d’un côté, de l’autre il y en a qui passent prendre leur chawarma et s’en vont ou le mangent sur place. C’est un Grand-place où les discussions sont permanentes.
Ça compte pour les Sénégalais qui viennent vous voir ?
Ah oui?! Cela compte beaucoup pour eux. (Il interrompt l’entretien quelques minutes, le temps de couper de la viande et revenir). Vous savez, Le Dibi est un creuset de ressources humaines. Vous avez à votre côté Mass Sy qui un éminent sociologue, Me Diallo qui est avocat à la Cour de Paris, etc. Nous avons eu beaucoup de cadres qui passent. Cela ne les gêne pas du tout, cette ambiance. Croyez-moi, si j’avais un peu plus de clients, Me Diallo, Mass Sy… se lèveraient pour me filer un coup de main. Ils nettoieraient les tables, ils serviraient, couperaient de la viande. C’est cette même forme de camaraderie qui a été à l’origine de la naissance du Dibi.
Tous ces gens qui viennent ici palabrer ne gênent-ils pas votre clientèle ?
Là vous êtes en train de toucher la particularité même du Dibi. Je vous rappelle que Le Dibi est né de ça, parce qu’on avait l’habitude de se retrouver ici pour discuter. C’est à l’époque où on faisait les produits cosmétiques. En 1988, Abdoulaye Wade était venu faire campagne ici, il avait tenu un discours. Il était ensuite allé voir les tailleurs à gauche et à droite, avec énormément de promesses. Pour répondre à votre question, cette ambiance ne gêne pas du tout les clients. Parfois quand je demande aux débatteurs de parler doucement, certains clients me disent «laissez-les, on savait bien qu’en venant ici on allait trouver ce bruit». Donc c’est pour vous dire que c’est notre griffe en quelque sorte, notre identité, notre marque de fabrique. Mais quelquefois aussi il y a des gens qui ne sont pas très amicaux et qui râlent en disant que nous sommes dans un restaurant et que ce n’est pas normal de parler de politique. A quoi nous répondons qu’on n’y peut absolument rien.
Votre clientèle est-elle essentiellement sénégalaise ?
Non ?! Pas du tout. Il y a énormément d’Africains qui viennent nous voir. Après avoir bien mangé de la viande grillée, certains nous disent qu’ils aimeraient bien consommer de l’alcool. Nous leur disons qu’on ne sert pas d’alcool ici.
On sait que généralement, des hommes politiques de passage à Paris font souvent un saut au Dibi. Qui sont les grands habitués des lieux ?
On a reçu Abdoulaye Wade, à l’époque où il n’était pas encore Président?; et pratiquement tout le groupe du Pds dont vous entendez parler aujourd’hui est passé ici. On a également eu l’honneur d’avoir la visite de Bathily, Dansokho, Landing Savané, Mamadou Diop Decroix. Talla Sylla on n’en parle pas, c’est d’ailleurs un ami personnel. Il était même là quand on discutait de la création du Dibi. Il était étudiant à Grenoble. Quasiment tous les hommes politiques actuels sont passés ici au moins une fois. Ceux qui ne sont pas déjà passés, je leur demande d’essayer de le faire. Parce qu’on a des étudiants qui les attendent avec des questions. Tout dernièrement on a reçu Moustapha Cissé Lo. Il y a aussi El Hadj Diouf qui fait un saut à chaque fois qu’il est à Paris. Lui c’est un frère. C’est cela Le Dibi. Et de là aussi est parti de grands évènements. Amadou Sow (présent au moment de l’entretien, Ndlr) ne me démentira pas, lui qui a lancé ici son mouvement de soutien à Abdoulaye Wade (Arc-en-ciel) en 2006.? Il a fait un tabac ici, et il est un des rares à avoir réuni plus de 2 000 personnes au Bataclan pour la réélection de Adoulaye Wade. Lui aussi est un grand habitué des lieux, et à chaque fois qu’un homme politique qu’il connaît est à Paris, il le fait venir ici.
Envisagez-vous un jour d’adapter vos locaux pour que Le Dibi soit plus rentable ?
Je ne le crois pas, parce que nous avons notre particularité : on ne gagne pas de l’argent mais on a des amitiés. A un moment, on était confrontés ici à un problème avec la mairie de Paris qui nous demandait de réaménager les lieux parce qu’il y avait des infiltrations d’eau. Et tout le monde a réagi en mettant la main à la poche pour aider Le Dibi. Ça, c’est quelque chose d’irremplaçable. Parfois il y a même des clients qui me disent qu’il y a des gens importants qui voudraient venir manger ici, mais ils ne peuvent pas parce qu’il y a trop de bruit. Moi, je leur dis toujours que c’est cela la particularité du Dibi.
Que ressentez-vous à travers votre rôle de «rassembleur» de la communauté sénégalaise de Paris ?
Il y en a beaucoup d’autres qui les rassemblent. Si on les rassemble, c’est parce que déjà nous faisons un produit qui est bon, et on essaye de le rendre meilleur et à un tarif abordable. Et quand les gens viennent, ils discutent bien. Parfois quand tu rentres le soir tu as la tête qui est pleine, mais le lendemain tu es pressé de revenir parce que c’est un contact humain qui n’est pas négociable. C’est de l’amitié, de la fraternité entre des gens qui ont quitté leur pays et qui se retrouvent de manière communautaire. Cela fait du bien.
De la propreté, un souci d’hygiène ne gâcherait rien à l’affaire. L’homme est trop sensible aux différentes bactéries et autres germes colportés des transports en commun de grande ville comme Paris. Un article est paru sur le web sénégalais pour parler de la saleté. Il démontrait sans dénigrer l’habitude que Nous sénégalais avons à cohabiter avec la crasse (et je me mets dedans). Soyons vigilant et presque maniaque avec la propreté. Les toilettes…. la semaine dernière j’ai mangé chez Aïda. J’ai commandé du djinger qui m’a été servi dans un verre. Dans la restauration (qui se respecte), cela ne se fait pas. Aux USA dans la 116è le djinger est servi en bouteille. Les services américains ne badinent pas avec au risque de vous retirer votre licence. Une bouteille doit être décapsulée devant le client etc…. Le problème avec le dibi à Paris comme le dit cet entretien, c’est d’être fait par des amateurs en bande de copains. La restauration est un métier. On peut se former en exerçant, cela ne fait qu’enrichir l’accueil. Souleymane Jules Diop a eu une intoxication alimentaire à Paris (je crois, mais ça pouvait être à NY aussi) avec de la cuisine sénégalaise. Chez Aïda et au Dibi, vous avez toujours un excellent accueil. Le sénégalais est de nature gentil et moqueur dans le sens convivial du terme. Mais soyons exigeant et incollable sur les problèmes de propreté et d’hygiène mes frères. La semaine prochaine j’y retournerais…..
LI NGEU WOKH KI THI YOK DARA TIOGN YALLA…DEUG BOU VER PING ..WEROU KOR BOU SEL MBOKA YI
Pa Lamine je suis a 6 heures d’avion mais je suis nostalgique du Dibi. Depuis deux ans je suis pas venu au Dibi mais je pense souvent a toi et j’en parle avec N’deye fatou. Le Dibi sera ce qu’il a toujours ete parce que tu est tres gentil et l’ambiance est typiquement senegalaise. Salut a Sow, j’espere qu’aux prochaines elections il n’ira pas avec Wade parce que ce bonhomme n’a pa tenu les promesses promesses qu’il lui avait faites. Notre vieux est un MENTEUR