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Entretien avec le maire sortant de Dakar : Les vérités de Soham

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Soham El Wardini y croit fermement. A moins d’une semaine des élections locales, le maire sortante de la capitale affiche sa confiance et étale son bilan. La candidate de l’Union citoyenne/Bunt bi ne fait pas dans la polémique, comme elle le précise, mais accuse Barthélemy Dias, sans le citer, d’avoir «plagié» son programme. Abdoulaye Diouf Sarr en a également pris pour son grade, lui qui, selon Mme Wardini, ne s’est présenté qu’à 3 reprises en réunion du Conseil municipal de Dakar. Emprunt obligataire, budget de la Ville, caisse d’avance, charte de non-violence… Mme Wardini s’adresse aux électeurs de Dakar.

Pourquoi les électeurs doivent estimer que vous êtes le meilleur choix pour Dakar ?
(Rires) Cette question est très personnelle. «Le meilleur choix pour Dakar», c’est mon directoire qui l’a choisi comme slogan. Je pense qu’ils ont peut-être raison parce que je suis maire sortante, femme et que j’ai un bilan à défendre. C’est à cause de tous ces critères que les gens ont décidé de me qualifier comme étant le meilleur choix pour les Daka­rois.

Vous parlez souvent de votre bilan, mais on a l’impression, depuis le départ de votre prédécesseur Khalifa Sall, que la mairie est en léthargie et que vous gérez uniquement les affaires courantes.
Non ! Non ! Lorsque j’ai été élue, j’ai dit que j’allais faire dans la continuité. Cela ne veut pas dire que je ne fais rien et que je gère les affaires courantes. Ce sont des projets qu’on avait mis en place et qu’il fallait exécuter. Il y avait un début d’exécution et c’était à moi de terminer. C’est pourquoi j’avais parlé de continuité. Mais nous avons fait beaucoup de choses. Vous avez mon programme et tout est mis dedans.

Qu’est-ce que vous avez réellement fait de particulier et de remarquable ?
On a d’abord fait de l’éclairage public avec un gros montant. Nous avions déjà un prêt de l’Afd (Agence française de développement. Ndlr) de 6 milliards. Nous avons continué ce projet qui est important. Tout ce que vous voyez à Dakar comme lumière, c’est la Ville de Dakar, sauf pour le solaire que l’Etat est en train de faire. Nous-mêmes, nous faisons du solaire sur la Corniche. Donc, l’éclairage public, c’est la Ville de Dakar dans toutes les communes. Je fais remarquer que même pour l’entretien qui est dévolu aux communes, c’est la Ville qui s’en occupe. Parlant de la voirie, puisque c’est le plus gros montant, nous avions eu un financement de la Banque ouest-africaine de développement de 9 milliards pourrefaire toute la voirie dans les quartiers. Ce qui était constaté, c’est que ces voies n’avaient pas été refaites depuis les années 1960. Il fallait entrer dans les communes et quartiers pour re­prendre la voirie. Ce programme est terminé. En 2018, nous venons de reprendre encore la réfection de la voirie, toujours dans les quartiers et sur fonds propres. Nous avons un budget de 2 milliards et quelques pour ça. Nous avons déjà commencé l’exécution. Cela a été fait dans les communes de Dieuppeul, Hann Bel Air, Hlm et ça se poursuit. Nous avons essayé de faire la même chose un peu partout dans les 19 communes.

Vous étiez dans la coalition Taxawu Dakar qui a décidé, pour cette élection, de miser sur Barthélemy Dias. Pourquoi vous avez tenu à présenter votre candidature ?
Je vous l’ai déjà dit. D’abord, je veux défendre mon bilan. La deuxième chose est qu’il y avait des règles mises en place, comme quoi les maires sortants devaient candidater à la candidature. Cela a été fait dans tout le département, sauf pour la Ville. Je trouve que c’est une injustice. La troisième raison, c’est que les femmes, une semaine avant, particulièrement le Caucus des femmes leaders, avaient organisé une marche pour soutenir toutes les femmes têtes de liste. Donc, elles avaient investi les femmes, dont moi pour la Ville de Dakar. Est-ce que j’ai le droit de décevoir ces femmes en leur disant :
«Non, je n’ai pas été choisie, je reste chez moi.» Rien que pour cela, je devais porter le combat des femmes. Voilà donc les 3 raisons pour lesquelles j’ai tenu à faire ma propre liste.
Vous parlez beaucoup de bilan alors que l’un de vos adversaires, en l’occurrence Abdoulaye Diouf Sarr, estime que le camp élu en 2014 n’a pas le courage d’assumer son bilan…

Ce candidat qui dit cela est un conseiller à la Ville de Dakar. Depuis 2014, il est venu 3 fois au Conseil municipal. Est-ce qu’il sait ce qui se passe à la Ville de Dakar ? Moi je ne veux parler que de mes réalisations et de mon programme. Je fais black-out sur les autres parce que j’ai un objectif à atteindre. Je ne suis pas dans la polémique, la rhétorique ou les discussions inutiles. Lui devrait pouvoir venir au Conseil municipal pour savoir exactement ce qui s’y passe. On a vérifié les listes et ce candidat dont vous parlez, n’est venu qu’à 3 reprises.
On a l’impression que vous allez à ces élections sans illusions, et que vous voulez juste marquer le coup parce que vous êtes une femme…

(Elle coupe) Non ! J’y crois ! Je crois que j’ai des chances. Je ne suis pas candidate pour être candidate. Il y a des raisons qi m’ont poussée à maintenir cette candidature.
Pour vous, réduire la compétition à Dakar entre Benno bokk yaakaar et Yewwi askan wi est une lecture biaisée ?
Bien sûr. Pourquoi Benno bokk yaakaar et Yewwi askan wi ? Je ne suis pas dans une coalition. Je suis sous la bannière de l’Union cito­yenne/Bunt bi qui est un parti politique. Je l’ai choisi parce que c’est un parti qui a un programme axé sur la citoyenneté et le civisme. C’est ça qui m’intéresse. Je veux travailler, changer les mentalités. J’es­saie, car je sais que c’est très difficile mais je me suis dit qu’en allant sous cette bannière, je trouverai des gens qui pourront m’accompagner dans cette campagne, au moins pour une première expérience avec eux. Je pense que ça colle parce que depuis le début de cette campagne, je vois que les gens adhèrent massivement à notre projet. Un griot a même dit : «Soham a lessivé Dakar et maintenant elle veut mettre du bleu dans son linge.» Je vois du bleu partout et donc, j’ai de l’espoir. On ne va pas dans un combat en disant qu’on va perdre. Je vais gagner et si je ne gagne pas, j’aurais fait ce que j’avais à faire.

Si vous gagnez, pensez-vous avoir une majorité au niveau du Conseil municipal pour bien administrer la Ville de Dakar ?
Même si je n’ai pas cette majorité, je pense que je pourrais me concerter avec les gens. Quand j’ai été élue, j’ai tendu la main à tout le monde. Je n’ai pas eu d’adversaire dans mon Conseil municipal. Depuis que je suis élue maire de Dakar, j’ai toujours eu mon quorum à la première convocation. Les gens parlent avec moi. Des gens qui ne sont pas du même bord que moi, m’appellent pour me donner des conseils. Même si je n’ai pas la majorité, je pense que je peux faire avec les membres du Conseil municipal. Je les appellerai autour de moi. Depuis que je suis à la Ville, je n’ai jamais pris une décision sans en avoir parlé avec les conseillers, d’abord au Bureau municipal et ensuite au Conseil municipal.

Concernant les programmes de campagne, il y a beaucoup de similitudes entre le vôtre et ceux des autres candidats…
Il ne faut pas les citer parce qu’ils ont tous plagié mon programme. Je ne veux pas citer de nom. Le bilan est là, couché dans un document. Vous avez entendu et ce bilan est prêt depuis une semaine. Vous verrez vous-mêmes.
Un hôpital aux Parcelles Assainies et une maternité à Grand-Yoff, on le voit dans le programme du candidat Barthélemy Dias, présenté mercredi dernier…

C’est pourquoi je vous dis qu’on l’a plagié. Pour l’hôpital des Parcelles, nous avons déjà le terrain et nous avons lancé l’appel d’offres. C’est un hôpital qui va coûter 800 millions. Ils ont parlé de beaucoup de choses. La Maison des cultures urbaines, je l’ai inaugurée à Ouakam en 2018. On parle d’une Maison de la culture, quand même !

Même le candidat Diouf Sarr promet un hôpital aux Parcelles Assainies…
Vous voyez (rires) ? En tout cas, tout se trouve dans le bilan. Vous avez le document. Puisque c’est une interview, on ne peut pas entrer dans les détails. Pour mon bilan, tout est écrit et vous pouvez le vérifier, à savoir le compte administratif, le document, les délibérations à la Ville. Parler pour parler ou aller dans la polémique, je ne suis pas dans ça.
D’aucuns pensent que vous êtes tellement con­sensuelle que vous seriez le cheval de Troie du pouvoir pour disperser les voix de l’opposition…

Vous savez, on aura tout entendu. Que je suis la candidate du président de la République, que je veux prendre la mairie pour l’amener au pouvoir… Je ne suis pas dans ça. Quiconque dit que lorsqu’il sera maire, il ne va pas travailler avec l’Etat, il raconte des histoires. Ce seront les premiers à collaborer avec l’Etat parce que sans ce dernier, ils ne peuvent rien faire. Moi je ne me cache pas : j’ai eu à rencontrer le président de la République 3 ou 4 fois. Je lui ai posé des problèmes qui ont été résolus. Peut-être pas entièrement mais la plupart du temps, les 3/4 ont été résolus. Si je n’avais pas cette approche, comment j’aurais pu avoir ces résultats qui font mon bilan. Si je suis réélue, jecontinue à travailler avec l’Etat parce que je suis démembrement de l’Etat. Je suis étonnée d’être attaquée de tous bords mais je continue à faire mon travail. Je ne suis pas dans la politique politicienne. Quand j’ai été élue maire, j’ai travaillé pour les populations qui m’ont élue. La politique, c’est en dehors de la mairie.
Est-ce que pour vous, la caisse d’avance de la Ville de Dakar doit revenir ?
Si elle revenait, ce serait une bonne chose parce que cette caisse était utilisée par exemple pour les grands malades. Il s’agit des évacuations sanitaires quand il fallait le faire. Mais je rappelle que cette caisse d’avance dont on parle, et qui a créé la polémique, a été supprimée depuis 2016. Elle n’existe plus. Il y a la rubrique «Dé­penses diverses» qui est votée par le Conseil municipal et qui m’autorise à l’utiliser. La polémique notéedernièrement, disant que j’ai utilisé la caisse d’avance, c’est que le président de la République a pris un décret pour dire qu’il faut réaménager les budgets afin de faire face aux dépenses liées au Covid-19. J’ai utilisé ces ressources pour l’achat de denrées alimentaires, de produits sanitaires… C’est là où on y a touché, pas auparavant. Néan­moins, on votait cette rubrique. J’ai insisté pour qu’on la remette à chaque fois dans le budget. Mais quand il faut salir son adversaire, tous les moyens sont bons.
Allez-vous réactualiser l’emprunt obligataire de 20 milliards bloqué par l’Etat en 2015 ?

Oui parce que les budgets qu’on a ne suffisent pas pour faire certaines réalisations. De plus en plus, partout les mairies font des opérations de ce genre pour faire de gros investissements. Je rappelle que l’emprunt obligataire qu’on avait, c’était pour les équipements marchands. Malheureu­sement, la politique étant ce qu’elle est, on n’a pas pu réussir cette opération.
L’Etat avait bloqué ce projet pour des raisons politiques selon vous ?
Oui. Il faut le reconnaître parce qu’il n’y avait pas autre chose. Tout avait été bien fait. Nous avions eu toutes les autorisations. C’est à la dernière minute que cela a été bloqué.
Avez-vous l’impression que le mandat a été saboté par l’Etat ?

Saboté ? On peut le dire. Mais la politique étant ce qu’elle est, chacun a sa façon de voir les choses. J’aurais été là, j’aurais été plus conciliante, essayé de négocier mais chacun a sa manière de faire de la politique. Mon prédécesseur est un homme politique qui aspire à être président de la Répu­blique. Il a sa façon de faire.
Justement quelles sont vos relations avec Khalifa Sall ?
Nos relations personnelles restent intactes.
Et sur le plan politique ?
La politique étant ce qu’elle est, il y a une rupture.

Est-ce qu’il y a une rupture totale entre Taxawu Dakar et Soham El Wardini ?
Rupture totale ? En tout cas, il y a rupture pour ces élections locales. Ce qui va arriver demain, je ne peux pas vous le dire. J’attends de voir mais il y a une rupture. Ce qui s’est passé, il n’y a que lui qui peut vous l’expliquer.
Vous aviez eu un accord pour qu’il soutienne votre candidature ?
Oui je pense qu’il a soutenu ma candidature. Ce qui est arrivé après, je ne sais pas.

A-t-il subi des pressions ?
Il vous dira. Posez-lui la question ! (Rires)
Le budget de la Ville de Dakar tourne-t-il potentiellement entre 80 et 100 milliards comme le dit Barthélemy Dias ?
Bon, nous avons voté un budget de 53 milliards. Il est vrai qu’on peut avoir plus. Cette année, nous avons convenu d’aider la perception municipale au recouvrement et il y a des niches qui sont inexploitées. Depuis qu’on a eu cet accord avec la perception, on a recouvré quand même un peu plus que d’habitude. Ça commence à rentrer. Vous le savez tous, au Sénégal, tout le monde ne paie pas l’impôt. Quand on sort les rôles d’impôt, il y en a qui demandent des dégrèvements, d’autres ne paient pas. Tout ça fait qu’il y a une perte énorme dans le recouvrement des im­pôts. En faisant plus d’effort, on peut arriver à plus de 60 mil­liards. 100 milliards ? Je ne sais pas. Peut-être d’ici 4 ou 5 ans.

La campagne électorale est émaillée de violences et vous avez déjà signé la charte de non-violence. Est-ce qu’une charte peut éradiquer ce phénomène sur la scène politique ? La signature de la charte de non-violence, c’est pour prévenir la violence qui se profile à l’horizon. Ça ne me gêne pas de signer une charte. Je ne dis pas que cette charte va pousser les gens à ne pas abuser de la violence. Mais qu’est-ce que ça coûte de signer ? C’est un exemple, une prévention qui veut dire : «Arrêtez ! Faites attention !» Toute cette violence, c’est parce qu’il n’y a pas eu de consensus dans les investitures. Toutes ces personnes qui sont frustrées, fâchées, deviennent violentes. Je pense que signer cette charte ne fait qu’apaiser le climat social. Nous allons vers des élections et si on ne fait pas attention… (Elle ne termine pas la phrase) J’ai déjà dit à mes jeunes que je ne veux pas de violence et qu’ils ne répondent pas à la provocation. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu ces problèmes. Mais, si jamais on nous attaque, je retourne à ma base et on s’organise autrement. Jamais, je ne demanderai à ces enfants de se battre ou de répondre à la provocation.

Le quotidien

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