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Entretien exclusif: Angélique Manga se livre

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Ange Meeting

Journaliste de formation ayant capitalisé une quinzaine d’années d’expérience professionnelle à la télévision nationale où elle fut présentatrice du journal télévisée de 20 heures, Aminata Angélique Manga a décidé de plonger dans le marigot politique pour, dit-elle, mener le combat pour le développement de la Casamance, la région sud du Sénégal.  La native du village d’Enampor n’est presque pas en terrain inconnu. Diplômée du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) et ancienne pensionnaire de la Faculté de Droit de l’Ucad, elle a été active dans le mouvement estudiantin. Elle révèle aussi avoir côtoyé des hommes politiques et même coaché certains, mais elle ne perd pas de vue que les rapports avec ceux-ci vont changer avec sa nouvelle casquette. « Je sais qu’il y a beaucoup de coups dans ce monde. Et je suis armée pour en recevoir », lance-t-elle, le sourire aux lèvres. Dans cet entretien, la responsable de l’Alliance pour la République revient sur ses premiers pas en politique et ses ambitions.

Pourquoi vous avez décidé de vous engager en politique ?
C’est un vieil amour qui est revenu. Je m’engage en politique par conviction pour mon terroir. Mon engagement pour la Casamance.  Il faut que les fils de cette région s’engagent pour le Sénégal. Je crois pouvoir apporter un tout petit quelque chose dans la construction de mon pays. La politique de développement est le meilleur outil pour faire quelque chose de bien pour le bien-être des populations. Je veux contribuer à changer les mentalités en offrant un nouveau référentiel aux jeunes de la Casamance.  Avec le conflit, les gens en Casamance étaient un peu en retrait des initiatives. On a laissé l’initiative aux autres. Et à un moment donné, on a eu comme l’impression que nous sommes des Sénégalais à part. Ce qui n’est pas le cas. J’invite les jeunes à s’engager pour la République, parce que ce sont des Sénégalais. Ils doivent participer à la consolidation de la nation, aux prises de décision.  Chacun a sa vision, ses idées. En faisant le maillage de toutes ces idées, on peut trouver un très bel équilibre afin de réaliser quelque chose. Si les gens s’engagent pour construire le présent et le futur  de ce pays, on peut arriver à un idéal de projet de société. Je veux porter un combat. Le changement est une reconstruction à grande échelle. La construction ce n’est pas ce qu’on nous fait toujours croire. Construire une maison en banco et appeler quelques villageois pour tromper le monde devant les caméras ne peut pas développer une localité.

Sur quoi le changement doit être axé ?
Pour la Casamance, je voudrais un parc industriel. Je voudrais une mécanisation de l’agriculture, le balisage de l’embouchure du fleuve Casamance. L’ouverture du ciel à la concurrence afin qu’il y ait plus de vols. Je voudrais qu’il y ait au moins quatre bateaux pour le transport du frêt. Un réseau routier et ferroviaire.  Il y a un potentiel qui n’est pas bien exploité. Les gens ironisent souvent pour dire qu’en Casamance  mêmes les animaux choisissent les fruits qu’ils mangent. Ces fruits tombent à même le sol et finissent par pourrir. Si à Kolda, Sédhiou et Ziguinchor, on avait un parc industriel  avec une cinquantaine d’usines de traitement de fruits pour faire des jus et autres produits dérivés, des milliers d’emplois seraient crées. Cela va être un véritable outil de développement qui va rapprocher les positions. Ça permettra de faire comprendre à nos frères et sœurs qui sont dans le maquis que les armes ne constituent pas les seuls outils de revendications. Aujourd’hui, la meilleure arme pour défendre la Casamance est la lutte pour son développement. Si les gens sont dans le maquis, c’est parce qu’ils ont peur pour leur réinsertion. Si on leur offre des possibilités, ils vont sortir du maquis. Cela pourrait aider à la résolution du conflit. Dès qu’ils sortent, ils seront réinsérés.  Si tous les jeunes de la Casamance s’accordent à travailler, à faire de la Casamance un pôle de développement économique, ce serait une excellence chose. L’idéal est de faire de la Casamance une zone économique spéciale qui va faciliter l’arrivée des investisseurs nationaux et internationaux. Cela va permettre de sortir les populations de la pauvreté.

Comment s’est passée votre intégration sur le terrain politique ?
Mon intégration s’est bien passée. C’est vrai que le terrain politique est un gros marigot. On a comme l’impression que tout pique de part et d’autre. Que  c’est dans de l’eau qui boue en même temps, mais enfin tout est marigot. Il faut juste avoir une bonne pirogue et surtout ne pas se tromper d’objectifs et d’ambitions. C’est un engagement par conviction. J’ai été séduite par la notion de République que défend le chef de l’Etat. Le président m’a reçue. Nous avons discuté sur beaucoup de chose. Il m’a mis en rapport avec le ministre Benoit Sambou pour qu’on travaille à Ziguinchor pour la massification du parti. C’est progressivement à travers les meetings, les rencontres de l’Apr que j’ai pu intégrer le parti. Je n’ai pas connu de résistance. J’ai été très bien accueillie.

Quel regard les gens ont porté sur cette transition ? 
Un regard curieux avec beaucoup d’étonnement. Déjà les présentateurs de télé font l’objet de curiosité. Quand une présentatrice devient femme politique, ça va davantage renforcer la curiosité. Les hommes et les hommes  de télés ainsi que les personnes politiques ont un dénominateur commun : la scène publique. Du coup, ça n’a pas été trop facile. A un moment donné, le regard des autres pesait un tout petit peu sur moi. Mais j’ai su transcender cela rapidement. L’exercice qu’on fait en tant que journaliste, ce dialogue qu’on faisait avec le public est devenu beaucoup plus direct avec le terrain politique.

Etes-vous préparée à recevoir des coups ?
On est préparé à recevoir des coups. On sait qu’il y aura des coups. Les coups ne me surprendront pas. Ce qui me surprendra, c’est que je puisse donner des coups. Je m’attends à des coups. Je sais que ce sont deux mondes totalement différents, même si je sais qu’ils ont un dénominateur commun : l’espace public. Je sais que les réalités sont différentes. L’avantage que j’ai, c’est d’être déjà une personnalité publique et d’avoir  côtoyé des hommes politiques. Cela a beaucoup aidé  dans la compréhension de ce monde, mais ce qui est sûr et certain  on apprend chaque jour. Il y a encore beaucoup de leçons à apprendre, mais puisqu’on n’est pas né de la dernière pluie, je crois qu’avec la patience et la lucidité, on devrait pouvoir trouver le bon chemin.

Quels rapports entretenez-vous avec les responsables locaux ?
J’ai de bons rapports avec toutes les personnalités de Ziguinchor. Ce sont de bons contacts, des amis ou des connaissances. Ce sont des relations qui sont vraiment émaillées de respect et d’estime mutuels. Pour moi, l’intérêt pour tous ces responsables, c’est de travailler main dans la main  pour le développement de la Casamance, du Sénégal. La Casamance est incontestablement l’avenir de ce pays. Si on travaille à identifier les priorités en Casamance, nous pourrions dire aux générations futures que nous avons réussi à faire quelque chose pour la Casamance. Je n’ai aucun problème avec les responsables.

Ces responsables étaient des amis avant que vous ne vous engagiez en politique, maintenant vous êtes un adversaire… 
Le métier que j’exerçais m’a mis en contact avec ces personnes. Et nous avons su garder de bons rapports, même si certains parmi ces responsables m’ont attaquée. J’inscris ces attaques dans l’ordre normal des choses. Ce sont des attaques purement politiques. S’il y a des gens qui ont des conseils à donner autant les  donner en privé, mais pas en public.

Est-ce que le regard qu’ils portaient sur votre personne a changé ?
Le regard pourrait changer, mais je ne serai pas surpris. Tout le monde a le droit d’avoir des ambitions. La mairie de Ziguinchor n’est pas une chasse gardée. Il n’est pas un legs paternel. Il n’ y a pas de personnes désignées pour occuper telle ou telle autre responsabilité. Il faut que les gens comprennent que c’est un travail à la base qui doit se faire. Et puis, c’est le mérite qui sera récompensé. Si une personne pense pouvoir faire mieux que l’autre, elle  n’a qu’à y aller. Tout le monde a le droit de s’engager et la base décidera. Le chef de l’Etat se prononcera également. Pour moi, le regard des uns et des autres ne m’empêchera pas de redoubler d’efforts et d’aller de l’avant par rapport à mes objectifs.

Etes-vous candidate à la mairie de Ziguinchor ?
C’est la question que tout le monde me pose. Je ne dirai pas non. Je ne dirai pas oui. Tout ce que je sais, c’est que je ne me suis engagée pas pour jouer les seconds rôles. Aujourd’hui, je crois surtout qu’il faut une gestion concertée de la mairie de Ziguinchor. Il faut une équipe commune pour diriger. Il faut un leadership pluriel. Une seule personne ne peut pas avoir la prétention de réussir tout le travail à la base. Il n’y a pas de messie. Il faut que les gens pensent à un moment donné à l’intérêt du parti, mais surtout des populations. Il y a beaucoup de travail à faire. Le moment venu, le président va trancher.

Quels conseils donneriez-vous aux journalistes qui veulent s’engager sur le terrain politique ?
Ils peuvent venir.  La profession ne nous interdit pas de faire de la politique. Mais la déontologie nous empêche d’utiliser notre télé, notre radio pour travestir les relations politiques ou régler des comptes. Ce n’est pas juste. La politique par essence est noble. C’est un ilot de sacrifices. Je suis en train de m’en rendre compte. Je salue l’engagement de tous les hommes politiques qui se sont battus sur le terrain politique. Ce terrain est un ilot de sacrifices. C’est  un combat permanent. Vous donnez sans compter et parfois vous récoltez des jets de pierres. C’est un véritable sacerdoce. Le terrain politique est une école de la vie. S’il y a des journalistes qui ont envie de venir, ils n’ont qu’à s’engager. Ce qu’il faudrait éviter, c’est qu’on nous surprenne dans des caniveaux en train de débattre de choses inutiles. Si les journalistes, les médecins, les ingénieurs et les autres cadres s’activent pleinement en politique, cela va contribuer à rendre à la politique ses lettres de noblesse. Je ne vois aucun mal.  Si je suis là, c’est parce que je suis consciente des enjeux. La politique peut nous permettre de faire du bien  pour la communauté.

Quel bilan tirez-vous de votre rentrée politique ?
Un bilan positif pour la simple et unique raison que la mobilisation était au rendez-vous. Les populations de Ziguinchor sont sorties spontanément. Des gens sont venus de Bignona. D’autres de mon royaume, Enampor. Durant la cérémonie, les populations ont exécuté la danse royale. C’est une danse qu’on convoque deux fois l’année ou sur convocation du roi. Les femmes ont exécuté cette danse en mon honneur, puisque je suis une fille de ce royaume.  Cette sorte de soutien m’a particulièrement émue. Je voudrais remercier toutes les populations d’Enampor, les Pcr  des cinq communautés rurales, les citoyens de Ziguinchor. Toutes les tendances du parti étaient représentées. L’Apr s’est retrouvée lors de ce meeting. C’est un succès qu’il faut chercher à consolider pour l’intérêt du parti. Le président a beaucoup d’ambitions pour la  Casamance. Il est conscient que l’avenir de ce pays se fera avec la Casamance. Il y a de gros investissements qui sont attendus en Casamance qui sera une zone économique. Il faudra donc beaucoup d’unité pour capter ces investissements.  Il faut consolider l’unité au sein de l’Apr. Il ne faut pas que nous nous trompions d’adversaires. Notre adversaire est l’opposition. Si les responsables sont en conflits, c’est le parti qui perd. Il faut aller vers un leadership pluriel.

lesoleil.sn

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