Comme d’habitude, une affaire d’escroquerie a été jugée hier au Tribunal des flagrants délits. Mais, ce dossier s’est révélé tout particulier, dans la mesure où le prévenu s’est prévalu d’être l’ami du procureur Ousmane Diagne, pour «aider» les parties civiles qui avaient des difficultés avec la Justice.
Comme d’habitude, une affaire d’escroquerie a été jugée hier au Tribunal des flagrants délits. Mais, ce dossier s’est révélé tout particulier, dans la mesure où le prévenu s’est prévalu d’être l’ami du procureur Ousmane Diagne, pour «aider» les parties civiles qui avaient des difficultés avec la Justice. Jugeant que c’est l’image de la Justice qui est écornée, le procureur a requis 6 mois ferme.
Par Binta NDONG
ImageCheikh Guèye a comparu hier pour le délit d’escroquerie portant sur 4 millions de francs au préjudice des sieurs Moussa Ndiaye et Abdou Aziz Ndiaye. Tout a commencé lorsque ces derniers ont eu maille à partir avec la Justice. Impliqués dans une affaire d’argent portant sur 512 millions de francs, MM. Ndiaye étaient poursuivis par la section de recherches de la Gendarmerie nationale. De peur d’être déférés au Parquet, ils s’en sont ouverts à un de leurs oncles, qui les a mis en contact avec le prévenu, afin qu’il leur trouve des avocats. Toutefois, après avoir été appréhendés, ils ont pu bénéficier d’une liberté provisoire et réussi à obtenir une médiation pénale au Parquet, qui leur avait même fixé un moratoire pour le paiement.
Donc, sur ces entrefaites, Cheikh Guèye réussit à leur soutirer chacun 2 millions en arguant que le procureur de la République Ousmane Diagne a sollicité le «prix de la cola».
A la barre, l’une des parties civiles a confirmé avoir accompagné le prévenu jusque devant le bureau du procureur, pour rencontrer le major Fall, qui devait servir d’intermédiaire, pour remettre l’argent à M. Diagne. Mais arrivés devant le bureau, Moussa Ndiaye a laissé M. Guèye s’entretenir avec le major, tout en ignorant le contenu de leur conversation, parce qu’étant à l’écart. Lorsqu’il est ressorti du bureau de M. Fall, Cheikh Guèye lui avait dit qu’il venait de verser l’argent.
Ainsi, c’est lors de leur rencontre avec le procureur de la République dans le cadre de leur médiation pénale, que Moussa Ndiaye et Abdou Aziz Ndiaye ont fait savoir au représentant du ministère public qu’un certain Cheikh Guèye s’était proposé de leur trouver des avocats et aussi de les aider à résoudre le problème. Car, il «est l’ami du procureur Ousmane Diagne». C’est à partir de ce moment que le procureur a fait des diligences et Cheikh Guèye fut recherché. Devant le tribunal, le prévenu a maintenu ses dénégations et a soutenu n’avoir jamais prononcé le nom du procureur Diagne.
«L’IMAGE DE LA JUSTICE EST ECORNEE»
Dans son réquisitoire, le procureur Saliou Dicko a qualifié cette affaire «d’escroquerie toute particulière». Il a incriminé aussi bien les parties civiles que la défense. Car, pour le représentant du ministère public, c’est par peur d’être déférées au Parquet, que les parties civiles ont contacté leur oncle, afin qu’il les aide à résoudre leur problème.
Pour M. Dicko, la remise des 4 millions est constante et les faits sont avérés. Il soutient que Cheikh Guèye a bien traîné Moussa Ndiaye jusqu’au bureau du major Fall, «pour lui faire croire que l’argent sera versé au procureur». Donc, pour le procureur Dicko, la culpabilité de M. Guèye est «incontestable», mais le drame est qu’«ils ont jeté un discrédit incommensurable sur la Justice», se désole-t-il.
Pour le Parquet, cette affaire met en évidence des actes reprochés à une haute autorité, «dans le but de le nuire». Le procureur souligne que dans ce procès, «c’est l’image de la Justice qui vient d’être écornée». C’est la raison pour laquelle, il a demandé au tribunal de sanctionner le prévenu «à la mesure des faits», en le condamnant à 6 mois de prison.
«AUCUNE JUSTICE C’EST PARFAITE»
De leur côté, les avocats de la défense ont affirmé qu’ils s’attendaient à un réquisitoire sévère du Parquet. Selon eux, «la Justice dans aucun pays du monde ne peut être parfaite», puisqu’étant administrée par des hommes. Malheureusement soutiennent-ils, c’est seulement parce qu’on a utilisé le nom du procureur que ce dossier a été «dramatisé». Mais, ils restent convaincus que les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas établis. La défense dit ne pas être du même avis que le Parquet car, «Dame justice est belle et n’a pas besoin de scarifications». Elle soutient que la Justice n’a pas besoin de crier haut son crédit ou son image car, «celle-ci se construit tous les jours». Pour ces avocats, l’ombre «d’un prétendu destinataire a plané sur cette audience», c’est juste un corps qui se sent «attaqué, fragilisé», mais c’est un simple dossier. Et que même si «par extraordinaire» leur client a dit que les 4 millions représentaient le prix de la cola, et sont destinés au procureur, «c’est un simple mensonge».
Pour les Conseils de M. Guèye, ce sont les parties civiles qui auraient dû comparaitre à la place du prévenu, mais aussi le major Fall aurait dû être entendu. C’est ainsi que les trois avocats ont demandé à ce que «le cœur soit mis de côté», et d’écarter l’infraction car ,«le mensonge n’est pas constitutif du délit d’escroquerie». Pour terminer, ils ont demandé à titre principal la relaxe pure et simple des fins de la poursuite et à défaut, subsidiairement, la relaxe au bénéfice du doute.
Reprenant la parole, le président du tribunal a tenu à préciser que «quelle que soit l’ombre de la personne qui plane sur cette audience, nous appliquerons uniquement la loi». La décision sera connue aujourd’hui.
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