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Et si le suicide moral se situait ailleurs ! Par Birahime SECK

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L’obligation de neutralité comme principe à valeur constitutionnelle, exige de l’agent public, qu’il exerce ses activités dans l’intérêt du service public et non pour ses convictions religieuses ou personnelles (Conseil d’Etat, 10 mai 1912, Abbé Bouteyre ; Cour D’Appel Administratif, 23 février 2006, Rachida E c/Commune de Guyancourt).
Lors de leurs différentes sorties, par voie de presse écrite ou télévisuelle, ni Ousmane Sonko, ni Mody Niang ou encore Mamadou Sy Tounkara, n’ont fait de dénonciations de mauvaise gestion des ressources financières et des ressources naturelles du pays en fonction leurs convictions religieuses ou personnelles, ni pour leur appartenance à une organisation ou entreprise quelconque. Elles ont été faites pour permettre à l’Etat de disposer des ressources financières nécessaires afin de faire fonctionner les services publics de l’Education, de la Santé, de l’Energie, de la Sécurité etc. Pourquoi nos gouvernants sont-ils réfractaires au rappel à l’ordre alors qu’ils font subir au citoyen une forte pression fiscale?
Tout récemment, le Directeur Général des Impôts et Domaines s’est étonné « de la promptitude des Sénégalais à toujours donner « la addiya » alors que ces derniers marquent toujours le pas pour s’acquitter convenablement de leurs obligations fiscales ». Beaucoup de Sénégalais ont jugé cette sortie malheureuse, n’ont pas partagé cet avis mais n’ont pas versé dans l’invective et les insultes. Pourtant, c’est leur foi qui était mise en cause.
En tout état de cause, le communiqué du 23 mai 2016 de l’Assemblée nationale fait apparaitre un suicide matériel certain car l’impôt des députés n’était pas reversé à temps. Ensuite, rien ne peut justifier un ordonnancement en cours pour des montants aussi importants relativement à des retenues sur salaires. Le communiqué confirme clairement que les impôts n’étaient pas reversés. Où passait l’argent ? Pourquoi attendre les dénonciations pour ordonnancer des paiements ?
De plus, seule, une vision de l’esprit, dictée par les « délices » du pouvoir peut pousser à croire que le principe de neutralité est un élément de l’obligation de réserve. Loin sans faut ! L’obligation de réserve peut être opposée à un agent public s’il met gravement en cause l’administration, son fonctionnement et/ou sa hiérarchie. Donc, le fait de demander que les impôts soient payés et reversés ne constitue en rien d’injurieux à l’égard de la hiérarchie ni une remise en cause de sa compétence. En plus, aucun acte n’a été posé pour inciter à une grève à caractère politique. A cet effet, aucune obligation de réserve ne peut être soulevée, dans le cadre de la dénonciation du non reversement des impôts des députés, à plus forte raison, une obligation de discrétion professionnelle et le secret professionnel, elle, plus stricte. Il faut éviter de verser dans des lectures partisanes des textes juridiques.
Par ailleurs, que vaut l’obligation de réserve (une création prétorienne) et l’obligation de discrétion professionnelle et de secret professionnel devant le principe constitutionnel de l’obligation d’agir du citoyen ? En effet, depuis le référendum du 20 mars 2016, il est fait obligation à « tout citoyen…de contribuer à la lutte contre la corruption et la concussion ». Les réformes constitutionnelles du 20 mars 2016 fait aussi obligation à « tout citoyen de respecter et de faire respecter le bien public ». Que je sache, les impôts font partie du bien public. Si leur gestion vertueuse n’est pas assurée par un dirigeant, qu’il soit politique ou non, rien n’empêche à l’agent public (citoyen) de la dénoncer. C’est pourquoi ceux qui s’attaquent aux fonctionnaires qui dénoncent la mauvaise gestion des deniers publics sont en marge de l’histoire constitutionnelle du Sénégal, même s’ils en sont les initiateurs.
Dans le contexte actuel, l’obligation de neutralité, l’obligation de réserve, l’obligation de discrétion et le secret professionnel sont souvent agités par les dirigeants pour étouffer la mauvaise gestion des deniers publics. Dans un système où l’enrichissement illicite, le népotisme, le gaspillage et la corruption sont encouragés par la pratique présidentielle («de dossiers mis sous le coude»), l’observation d’obligation de réserve par l’agent public devient un acte de complicité. Cette obligation de réserve est une forme de conspiration contre le peuple.
Pour éviter, cependant, toutes ces dénonciations, il incombe à l’Assemblée nationale d’assumer son rôle de pouvoir de contrôle de l’action gouvernementale car la nature a horreur du vide. Il faut aussi rendre la magistrature indépendante au-delà du discours de la rupture.. L’adoption et la promulgation d’une loi sur l’accès à l’information devient une nécessité absolue. Depuis 1960, le peuple sénégalais subit les répercussions de lois anti bonne gouvernance. D’où la nécessité de refonder notre système administratif, avec un chef de l’administration débarrassé de tout statut de chef de parti, car l’affaissement d’un Etat et l’accentuation de la pauvreté sont surtout provoqués par la dilapidation des ressources financières et des ressources naturelles. Dans ce contexte, il est problématique de demander à un agent public patriote de se taire sinon, il devient complice de la décadence de son pays.
Birahime SECK,
Membre du Conseil d’Administration du Forum Civil

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