Et si on parlait des suicides ?

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« Le suicide n’est pas la solution à nos problèmes. Au contraire, il cause plus de problèmes à la communauté. Ce n’est pas une solution mais un problème ajouté à un autre problème.
Il y a vraiment de quoi être très inquiet, en cette année 2022, du nombre récurent de suicides et de meurtres abominables en cours, depuis quelque temps, au Sénégal. Toutes les tranches d’âge, toutes les catégories sociales : enseignants, imams, médecins, etc., sont touchées. Il est temps de prendre ce phénomène très au sérieux. Récemment, l’imam Dame Niang de la mosquée du village de Ndiobène Mbatar, à Louga, s’est suicidé sur le minaret. Un ancien émigré âgé de 30 ans, M. Lô, est mort par pendaison dans sa chambre. Un enseignant, B. Th, 28 ans, a été retrouvé pendu à un arbre à Djidinky Manjacque. A Jaxaay, Keur-Massar, Souleye Biaye âgé de 23 ans, a été retrouvé pendu à côté des escaliers … Face à cette situation, nous faisons comme si de rien n’était alors que la situation empire.
Qu’est-il arrivé à nos cercles familiaux de confidence et d’écoute où les détresses humaines trouvaient toujours une oreille attentive et acceptée pour ne pas devenir traumatisme ?
Les causes de ces suicides ne peuvent pas passer à pertes et profits. Si une personne se suicide dans une localité, c’est que des signes avant-coureurs ont échappé à toute une communauté ! Que nous est-il arrivé ? Comment en sommes-nous arrivé à ne plus faire attention à ces signes sociaux qui jadis étaient décelés très tôt et pris en charge par le groupe ? Est-ce le résultat de notre nouvel individualisme exacerbé ? Est-ce une perte de repère face au nouveau type de classement économique des personnes ? Est-ce l’écho de cette violence sociale marquée par le voyeurisme et la révélation des secrets jadis bien gardés ? Qui sait ?
Il nous faut assumer collectivement cette détérioration de nos états mentaux et mettre en place de nouveaux dispositifs pour contrecarrer ces nouvelles tendances. « Liy raam ci ñag bi la jëm. Ku xeeb xal, mu lakk sa dàgga. » (La petite étincelle qu’on néglige brûle le grenier).
Que sont devenus nos lieux de confidences ? Que sont devenus les cercles nocturnes du « deyoo » (confession) thérapeutique ? Ces lieux où la Parole et l’Oreille s’échangeaient des secrets essentiels qu’on gardait au fond de l’âme et de la poitrine pour ne pas toucher la lame de fond du désespoir ? Que sont devenues nos espaces partagés entre personnes d’un même groupe d’initiation ? Que sont devenus ces espaces où, en toute confiance, on déposait les secrets de nos âmes tourmentées dans le creux de l’oreille des personnes dignes de confiance qui nous en soulageaient ? Que sont devenus les leçons sages pour que les oreilles confidentielles soient devenues des yeux inquisiteurs ? Que sont devenus les espaces permissifs de dialogue autour du bol de « maccaat » du Ceebu jën ? Que sont devenus les chemins des puits où l’on confiait les douleurs du couple aux autres femmes concernées pour trouver solution par des paroles sociales médiatrices ? Que sont devenus les chemins des champs le long desquels on partageait les peurs et les déceptions humaines avec les aînés qui en prenaient la charge ? Que sont devenus les lieux ritualisés? Sont-ils si ringards aujourd’hui que les émissions médiatiques, « xalaas » ou « tës » entre autres soient les meilleurs espaces de complainte, de plainte, d’écoute et de dévoilement de l’intimité familiale ?
Le mal s’ancre dans notre communauté et la politique de l’autriche ne fera que faire empirer les choses. Stoppons cette tendance suicidaire et meurtrière avant qu’il ne soit trop tard. Un peu plus d’écoute et d’humanisme dans les relations sociales serait un lubrifiant dans les cœurs asséchés et les esprits perdus dans la solitude. »

Dakar, ce 13 mars 2022.
Dr Massamba GUEYE LBA
Directeur de la Maison de l’Oralité et du Patrimoine KËR LEYTI

nayrafet

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