Les démocrates ont engrangé une précieuse victoire mardi 6 novembre lors des élections de mi-mandat, en reprenant le contrôle de la Chambre des représentants. Mais les républicains ont conservé leur majorité au Sénat, évitant la « vague » anti-Trump un temps annoncée.
Avec notre envoyée spéciale à Washington, Anne Corpet
Dans son style caractéristique, Donald Trump a rapidement revendiqué un « succès extraordinaire ». Il faut dire que le président avait fait de ce scrutin un référendum autour de sa personne. Et il expliquera sans doute qu’il est normal de perdre des sièges à la Chambre. Et il est vrai que le parti au pouvoir perd traditionnellement les élections de mi-mandat, un scrutin dit « maudit ».
De fait, les résultats pourraient même l’enhardir, le pousser à réorganiser son équipe, faire taire les rares voix dissidentes dans son entourage ou au sein du parti. Après tout, le « style Trump » semble toujours fonctionner, comme l’ont prouvé les victoires emblématiques des républicains au Texas (Ted Cruz réélu au Sénat) ou en Floride (élection au poste de gouverneur du très pro-Trump Ron DeSantis), deux Etats où il s’était personnellement impliqué.
Les républicains gagnent trois sièges au Sénat
Au Sénat, les démocrates devaient défendre dix sièges dans des États ayant voté pour Donald Trump en 2016. C’était donc un pari extrêmement difficile. Ils ont cédé leur place dans le Dakota du Nord, dans le Missouri et dans l’Indiana. Trois États gagnés par Donald Trump. Ils ont en revanche sauvé leur siège en Virginie-Occidentale, l’État qui avait élu Donald Trump avec la marge la plus importante.
Une course attirait tous les regards cette nuit, celle qui s’est déroulée au Texas où concourrait un jeune espoir du parti démocrate, le charismatique Beto O’Rourke. Mais le sénateur sortant Ted Cruz, auquel Donald Trump était venu prêter main-forte, a été réélu à l’issue d’une course très serrée.
Majorité démocrate à la Chambre
Les démocrates ont donc emporté la Chambre des représentants. Ils ont arraché 26 sièges aux républicains, dont quatre en Pennsylvanie, mais aussi en Floride, dans le Colorado, le Kansas, le New Jersey, à New York ou en Virginie.
La chef de la nouvelle majorité, Nancy Pelosi, s’est exprimée ce soir. Elle entend être constructive, coopérer. « Demain sera un jour nouveau en Amérique », a-t-elle déclaré avant d’ajouter : « Aujourd’hui, ce ne sont pas juste les démocrates ou les républicains. C’est la restauration des pouvoirs et des contrepouvoirs constitutionnels face à l’administration Trump. Il s’agit de stopper les assauts du Parti républicain contre le système de santé de 130 millions d’Américains qui ont des antécédents médicaux. Il s’agit de stopper le règne sans limites des intérêts des plus riches à Washington. Mais avant tout, c’est ce que signifie une nouvelle majorité démocrate dans la vie des Américains qui travaillent dur. Nous avons une base bipartisane d’idées qui rend notre démocratie plus forte. »
Nouvelles têtes
Ces élections font également émerger de nouveaux visages, à la Chambre des représentants en particulier. Il s’agit de jeunes démocrates qui avaient déjà créé la surprise lors des primaires, comme Alexandria Ocasio-Cortez, élue à New York. Cette Hispanique de 29 ans devient la plus jeune membre du Congrès. Avec un programme résolument à gauche, elle risque de bousculer les caciques du parti. Elle est la figure de proue d’une nouvelle vague de femmes et de membres des minorités.
Il y a aussi Ayanna Pressley, la première femme noire à représenter le Massachusetts au Congrès. Elle aussi avait emporté aux primaires contre un vieux routier démocrate. Ilhan Omar et Rashida Tlaib deviennent pour leur part les deux premières femmes de confession musulmane à être élues au Congrès américain. Elles ont gagné dans le Minnesota et dans le Michigan.
Arrivées aussi de deux premières élues amérindiennes à la Chambre, une avocate férue d’arts martiaux et homosexuelle, et une mère célibataire. Et puis à noter chez les gouverneurs dans le Colorado, la victoire d’un gouverneur ouvertement homosexuel, une première aux États-Unis.
Revue de presse américaine
« Les démocrates s’emparent de la chambre » titre le Washington Post, pour qui c’est « un grand jour pour la démocratie américaine », un signe de sa « bonne santé ». Le quotidien estime qu’« au cours de ces deux dernières années, les majorités républicaines à la Chambre et au Sénat n’ont pas exercé un contrôle raisonnable sur l’exécutif. »
« Et maintenant ? » s’interroge de son côté, plus prudent peut-être, le New York Times, qui publie tout de même en Une des photos d’électeurs démocrates en liesse. « Les deux prochaines années vont donner aux démocrates l’occasion de montrer qu’il existe un meilleur modèle de législation, que le Congrès est capable de faire plus pour les Américains que de réduire les impôts des riches et de menacer la santé des autres ». Mais « comment éviter de tout foutre en l’air ? », s’interroge le New York Times ce matin.
Le quotidien conseille aux démocrates de « choisir judicieusement leurs batailles politiques ». Par exemple le combat pour la protection des « Dreamers », ces immigrés sans papiers entrés dans le pays quand étaient enfants. Pour le journal, les démocrates doivent surtout éviter de prononcer le mot qui commence par un I, comme impeachment. Destitution. Le journal new-yorkais croit savoir « même de nombreux Américains qui n’aiment pas Donald Trump regretteront, en l’absence de preuves accablantes, les efforts visant à destituer un président en exercice ».
Pour le très conservateur Washington Times, « Donald Trump sera forcément assailli d’enquêtes et d’assignations à comparaître ». Certes, « mais avec le Sénat toujours aux mains des républicains, le président aura un pare-feu contre les tentatives de défaire son programme ». Autre atout, renchérit le National Review : « l’emprise du parti républicain sur le Sénat permettra au chef de l’Etat de nommer facilement un plus grand nombre de juges fédéraux » conservateurs.
En tout cas, avec ces résultats, « les républicains écrivent l’histoire ». C’est la une de USA Today. Car « c’est la première fois depuis que le pays élit directement des sénateurs qu’un parti prend le contrôle de la Chambre sans gagner un seul siège au Sénat ».
Dernière remarque, piochée cette fois dans le Miami Herald. « Il faut reconnaitre quelque chose à Donald Trump, c’est qu’il n’a pas seulement inspiré sa base. Sa politique, son attitude belliqueuse ont motivé quasiment tout le monde, quel que soit son parti, à s’intéresser à la politique et à aller voter ».
Rfi