Être ou ne pas être candidat, telle est la question !

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‘Il est permis de violer l’histoire à condition de lui faire un enfant’. Par cette phrase restée célèbre, Alexandre Dumas, un de mes maîtres, ne croyait pas si bien dire tant sa phrase de génie qui nous vient du fond des âges semble, aujourd’hui, garder toute sa pertinence. En effet, au lendemain de l’alternance, le président Wade, champion autoproclamé de la rupture, fut-il, est-il, porté par les zéphyrs de son état de grâce présidentiel, faisait tomber la défroque de la constitution d’alors qui vrillait dans le vermoulu. Et sur l’éboulis de ce que fut l’ancien testament, une nouvelle mouture constitutionnelle était soumise à l’appréciation du peuple sénégalais qui, dans la griserie d’une alternance politique encore fraîche, la plébiscitait à l’issue d’un historique yes or no référendaire. Cette constitution qui représentait toute notre histoire, des indépendances à l’alternance politique, devait ainsi céder à l’inéluctable évolution de notre peuple. La nation, par ce viol inédit de l’histoire, venait d’enfanter un nouveau testament beaucoup plus en phase avec nos idéaux de démocratie, de justice et de progrès.

De cette rade où, pendant presque quarante ans, était envasé notre navire national, on pouvait, au loin, entendre les échos de la rumeur océane. Elle appréciait à sa juste valeur le courage politique qui sous-tendait cette nécessaire révision constitutionnelle. Mais surtout, elle applaudissait des deux mains la réforme phare portant sur la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. En ces lendemains de doute mâtiné d’espoir consécutifs à l’alternance politique, les vents de cette réforme sortaient de sa torpeur un pays encalminé depuis des lustres dans les eaux dormantes du statu quo. Un vent nouveau soufflait. Une aube nouvelle poignait. Notre constitution opérait ainsi sa mue en se débarrassant de sa vieille peau qui avait fini de pourrir à l’air du temps.

Et voici qu’à l’orée du pancrace électoral de 2012 s’invite, au cœur du débat politique, comme un chien dans un jeu de quilles, la lancinante question de la candidature du président de la République. Cette question divise profondément l’opinion au point que même les juristes parmi les plus réputés de notre pays semblent être à hue et à dia entre la légalité ou non d’une telle candidature. C’est même à se demander si notre vol de l’histoire n’aurait pas accouché d’un prématuré. Dans cet embrouillamini juridique où l’on ne sait où donner de la tête, l’opposition, elle, semble unanime à juger la chose illégale. La voilà d’ailleurs qui claironne aux portes du pouvoir son indignation face à ce qu’elle appelle une violation inique et éhontée de la Constitution. Serait-ce une manière biaisée d’éliminer d’emblée un candidat beaucoup trop encombrant ? La question mérite d’être posée tant l’unanimisme politicien, dans cette affaire, est effarant. Pour ma part, je pense que notre Constitution mérite mieux que la criaillerie et le déchainement médiocre d’intérêts politiciens et de querelles carriéristes de juristes. Alors messieurs, prenez de la hauteur ! Ne laissons pas la chienlit envahir l’horizon. Le Sénégal de Valdiodio Ndiaye, celui des porteurs de pancartes qu’on célébrait ces derniers jours, ne mérite pas cela.

Regardons la situation sans nous payer de mots. Si, aux élections de 2012, le président se présente et gagne, alors, la volonté populaire ainsi exprimée par le vote lui aura donné une certaine légitimité qui, comme on le sait, doit toujours primer sur la légalité, fut-elle constitutionnelle. Si, par contre, il se présente et perd, cela voudrait dire que les aquilons de la volonté populaire auront brisé son élan et rendu bénigne sa candidature, qu’elle ait été constitutionnelle ou pas. Ce n’est pas tant que je veuille reléguer au second plan l’aspect juridique du débat. D’ailleurs, le camp du pouvoir semble, dans cette bataille juridique, bien armé puisqu’il fait état d’arguments que bon nombre de spécialistes jugent péremptoires à toute objection. Mais je pense que dans une démocratie comme la nôtre où la volonté populaire s’exprime librement, le résultat sorti des urnes est d’autant plus significatif que l’éventail de candidats désireux de briguer la présidence est le plus large possible. Alors oui, je pense que le président Wade peut et doit participer à ces joutes électorales de 2012 et ce, pour l’intérêt de notre démocratie.

Cette question de la candidature de Wade qui, depuis des semaines, occupe le cœur du débat politique, éclipse à l’excès celle cruciale portant sur les réels enjeux de la désignation du président de la République dans ces élections à venir. 2012 se profile à l’horizon et nous serons bientôt happés dans une compétition haletante par des candidats prisonniers du système panoptique des médias, d’où dégringolent des promesses fluctuantes. Dans ces joutes électorales, il convient que le peuple ne se laisse pas emberlificoter par l’habituelle démagogie éhontée des politicards. A leurs discours enchanteurs, le peuple devra afficher sa reluctance. Car bientôt, nous serons conviés au port et convoqués sans échappatoire devant l’arche où nous devrons embarquer. Il convient, par le choix de son commandant, que nous n’en fassions pas un vaisseau fantôme. Dans son éphémère magistère électoral, le peuple sénégalais sera l’objet de toutes les attentions. Œillades et cours assidues lui seront faites par des candidats si prompts à se ruer, au gré de l’actualité, vers la satisfaction de la moindre foucade de l’opinion. Un jour, une grève du corps enseignant relance le débat sur la revalorisation des salaires. Le lendemain, une violente agression d’un citoyen à la gare de Colobane propulse au premier plan le débat sur la question sécuritaire. Les candidats s’épuisent ainsi à des jeux de séduction éphémère. Plus le peuple les déplume, plus ils ramagent pour lui plaire. On dirait qu’ils ne savent ce qu’ils pensent qu’après avoir entendu ce qu’ils disent. Une telle soumission démagogique risque de ruiner, après les élections, la capacité exécutive du pouvoir.

Le président qui sera élu en 2012, quel qu’il soit, aura fort à faire. Il devra, dès sa prise de fonction, s’atteler à réduire la primauté présidentielle tout en restaurant le nécessaire contrepoids parlementaire. Dans notre pays, un pouvoir vertical et centralisé confisque et domine tout le jeu démocratique. En effet, depuis les indépendances, la République s’adonne au culte archaïque d’un centre omnipotent. L’Etat se résume au seul président de la République. Or une bonne pratique présidentialiste nécessite, comme à l’américaine, un vrai contrepoint parlementaire. Le président de 2012 devra aussi apprendre à ne pas reculer devant le pouvoir religieux. Ce dernier est, certes, d’une importance capitale puisqu’il a la charge d’ouvrir nos paupières lourdes à la lumière de la foi. Mais lorsque, devant lui, recule le pouvoir élu, c’est le président qui supporte le discrédit de cette infirmité. Ce président élu sera aussi appelé à s’engager sur le terrain scabreux de la réforme à laquelle notre pays, on le sait, est génétiquement rétif. Aussi devra-t-il apprendre à ne pas céder à la rogne et à la grogne populaire. A ce titre, je salue la mesure courageuse prise par le président de la République portant sur l’interdiction de la mendicité sur la voie publique et son confinement dans les lieux de culte. J’ai beaucoup apprécié le ton ferme dans le discours du Premier ministre à l’annonce de l’adoption d’une telle mesure. C’est trop beau, mon cher Jules, n’en jetez plus !

De façon plus générale, il s’agira, pour le président qui sera élu en 2012, de renforcer les acquis non négligeables de ce quinquennat en cours et d’en rectifier les embardées. Du pain sur la planche !

El Hadji Malick SALL Ingénieur [email protected]

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