Faut-il limiter l’utilisation des moyens publics dans les tournées et visites présidentielles ? (Par Mouhamadou Ngouda MBOUP)

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La mobilisation des moyens publics dans les tournées et visites présidentielles est un problème sérieux. Les inconvénients de ces tournées et visites politiques sont
considérables. Elles créent des complications voire des risques de double prise en charge par l’Etat des activités officielles et des activités politiques. Compte tenu des dépenses publiques en jeu, l’utilisation des moyens publics à des fins électoralistes, de propagande et de campagne devrait conduire à repenser une meilleure réglementation de la question.
I-Les risques d’une mobilisation des moyens publics à des fins politiques
En vertu de l’article 38 de la Constitution, « La charge de Président de la République est incompatible avec l’appartenance à toute assemblée élective, Assemblée nationale ou assemblées locales, et avec l’exercice de toute autre fonction, publique ou privée, rémunérée. Toutefois, il a la faculté d’exercer des fonctions dans un parti politique ou d’être membre d’académies dans un des domaines du savoir ». Le constituant n’a pas eu le souci d’éviter que le Président de la République utilise les biens publics à des fins politiques. Au surplus, la législation ne précise ni le régime juridique applicable aux tournées et visites présidentielles, ni concernant le caractère électoraliste ou non de ces tournées ou visites. Pourtant, la mobilisation des moyens publics dans les tournées et visites présidentielles est un problème sérieux. Ce qui est désignée, par exemple, sous le nom de « campagne officielle » dans le Code électoral (ex : propagande, mobilisation des médias publics, mobilisation des foules, les dépenses liées aux impressions, des professions de foi, des affiches ainsi des frais d’affichage, etc.) peut facilement se retrouver dans le contenu de ces tournées et visites du chef de l’Etat. Elu du Peuple, le Président de la République ne tire, pourtant, ni de la Constitution, ni d’aucun autre texte
juridique en vigueur le pouvoir de mobiliser les moyens publics en qualité de chef de parti politique. La Constitution interdit, d’ailleurs, que les moyens publics soient mobilisés à des fins de propagande personnelle. En effet, en vertu de l’article 25-3 alinéa 3 de la Constitution «Tout citoyen a le devoir de respecter et de faire respecter le bien public ».
A ce propos, la Constitution étant la loi de sa fonction, le Président de la République est soumis au respect scrupuleux d’une telle disposition.
II-Les lacunes et les incohérences de la réglementation

En vertu de l’article 38 de la Constitution, « La charge de Président de la République est incompatible avec l’appartenance à toute assemblée élective, Assemblée nationale ou assemblées locales, et avec l’exercice de toute autre fonction, publique ou privée, rémunérée. Toutefois, il a la faculté d’exercer des fonctions dans un parti politique (…)».
Cette disposition constitue une « bizarrerie constitutionnelle » et même une lacune regrettable. L’impossibilité de mettre en cause le caractère politique et électoraliste de ces tournées et visites présidentielles ainsi que les dépenses publiques qu’elles génèrent
déconcertent l’état du droit actuel. Souvent baptisées de tournées ou de visites économiques, le Président de la République s’affiche en principal soutien politique des candidats de son propre camp. Un tel appui de la part du Président de la République effectué spécialement pour soutenir des candidats de son propre camp présente à ce propos un geste électoraliste justifiant même l’inclusion de ces dépenses sur le compte de son parti politique. Un tel soutien a pour effet de créer une rupture d’égalité au détriment des candidats de circonscriptions lointaines notamment de l’opposition. Cette question accroit les amalgames et incertitudes dans un domaine essentiel pour la vie politique. Elle participe aussi à promouvoir les élus sortants issus du camp présidentiel pour un renouvellement de leurs mandats grâce aux privilèges que donne l’utilisation abusive des moyens publics.
III-Les améliorations nécessaires de la réglementation
Il ressort des dispositions des articles 2 à 5 de la loi n° 81-17 du 6 mai 1981, (modifiée par de la loi n°89-36 du 12 octobre 1989), qu’outre les formalités relatives au
fonctionnement des associations, prévues par le Code des obligations civiles et commerciales, il est fait obligation à chaque parti politique de déposer chaque année, au plus tard le 31 janvier, le compte financier de l’exercice écoulé ; ce compte doit faire apparaître que le parti politique ne bénéficie d’autres ressources que celles provenant des cotisations, dons et legs des adhérents et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations… Ces obligations déclaratives et de dépôts sont effectuées, sous peine de dissolution, auprès du Ministre de l’Intérieur qui est tenu d’en délivrer récépissé. S’il continue à exister quelques difficultés, appelant à des réformes ou, a tout le moins, des clarifications de cette loi, c’est sur la question de l’utilisation des moyens publics à l’occasion des visites et tournées présidentielles. Pour ce qui est du cout de ces tournées, se pose la question de l’absence de prise en compte dans le bilan
financier du parti présidentiel destiné au ministre de l’intérieur. En effet, ces factures sont souvent exclues des dépenses électorales du parti présidentiel. La facture réellement payée par le parti au pouvoir et le cout des dépenses doivent être inscrits dans le compte du parti présidentiel.
Nous sommes dans une situation de marasme économique sans précédent et il est temps d’exiger que le Président qui cumule sa fonction avec celle de chef de parti de payer lui-même ses dépenses de campagne ou de propagande et les voir considérées comme des dépenses personnelles de son parti politique. Le ministère de l’intérieur, la CENA et le CNRA devraient aussi pouvoir veiller à l’égalité entre les acteurs politiques.
En cas de saisine par un acteur politique, ils devraient pouvoir intervenir, le cas échéant, auprès des autorités compétentes pour que soient prises toutes les mesures
susceptibles d’assurer sans délai cette égalité. Le CNRA, organe en charge de la régulation des médias, doit assurer l’égalité entre les acteurs politiques dans l’utilisation des médias publics ; il devrait intervenir, le cas échéant, auprès des autorités compétentes pour que soient prises toutes mesures susceptibles d’assurer cette égalité nonobstant les sanctions prévues par les textes régissant l’organe de régulation.
L’opposition aussi doit jouer son rôle en provoquant des décisions de justice en ce sens pour clarifier le régime juridique de ces tournées et visites présidentielles. Il y va du progrès du système politique, institutionnel et étatique.
Proposition Est interdite, à l’ occasion des tournées et visites présidentielles, toute activité assimilable à une propagande ou campagne électorale dans les conditions définies par la loi.
Mouhamadou Ngouda MBOUP
Enseignant-chercheur de droit public FSJP/UCAD

2 Commentaires

  1. Enfin il ne signe plus Professeur…. Le niveau du débat est pathétique. Nous sommes loin du temps du Pr. Serigne Diop Sadakhta. C’est dommage quand les vrais prof fuient le débat

  2. Il n’y a même pas à se poser de questions, ce sont juste des colons qui font ce qu’on voit dans cette tournée. On se bat contre toute forme de colonisation mais on fait pire que le colon. Une tournée politique où on mobilise toute l’administration, tous les bouffons de la République avec un cortège de voitures de luxe pour aller visiter de pauvres gens qui n’auront rien à manger ni à se soigner le lendemain. Cela fait une semaine que ces gens ne travaillent pas, mais se permettent de consommer grassement l’argent du contribuable senegalais. On assiste à une forme d’esclavage des temps modernes, où on s’accapare des biens matériels et financiers du peuple pour se payer un luxe puis venir faire du coqueli à ses administrés. Une voiture d’un coup de un milliard de CFA pour un président d’un pays pauvre très endetté, il faut être au senegal pour le faire. Un président qui annonce une élection municipale dans 8 mois et qui devance les potentiels candidats sur le terrain pour sa campagne électorale, juste une grosse bassesse et de l’ingratitude.

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