Il ne manquait que cette pièce au puzzle pour faire tomber le château de cartes. En se vantant d’avoir décroché un prêt de 350 milliards de francs CFA auprès du Fonds monétaire international (FMI), le régime de Macky Sall a prouvé hier qu’il vit des moments les plus difficiles de sa survie.
Qui n’est pas en droit de s’étonner de le voir fêter ce qui n’est, après tout, qu’une nouvelle pile de dettes sur une montagne déjà intenable d’engagements financiers ayant probablement dépassé ses capacités de les résorber ?
Nécessité faisant loi, il n’avait pas d’autre option cependant que d’aller, sébile en mains, s’agenouiller devant le gendarme financier international pour obtenir ce prêt en se soumettant à toutes ses conditions, dont la première est la mise en œuvre immédiate d’une politique d’ajustement structurel impliquant une vérité des prix, leur hausse, alors qu’ils sont d’ores et déjà marqués par une tendance inflationniste mortelle.
La fin des subventions ou la libéralisation tous azimuts et l’augmentation prévisible des impôts, sans compter la réduction des dépenses publiques dans des secteurs essentiels, notamment l’éducation, la santé et l’agriculture en deviennent inévitables.
Pour un FMI en quête de clients désargentés pour étendre ses serres et tenter de reprendre des couleurs alors qu’il est accusé d’être inutile, n’ayant aucun acquis de réussite souveraine à son bilan, le fait de voir le Sénégal être contraint de se jeter dans ses bras, en désespoir de cause, est pain bénit. Cela est d’autant plus évident qu’au moment où son assistance financière, gagée sur les ressources naturelles du pays et la sortie prochaine du premier gaz et pétrole en plus des impôts qu’elle impose, survient alors que le régime, aux abois, venait juste de passer un autre appel pour la mobilisation de 55 milliards de francs Cfa en emprunts obligataires sur le marché Ouest-africain.
Au rythme où il va, chaque mois, sur un tel espace, tendre la main, on pouvait déjà déduire qu’il n’avait plus rien dans les caisses publiques. C’est la résultante de ses légèretés et de son gaspillage, de sa gestion corrompue du pays. Qui le laisse nu, au milieu des intempéries. Et donc à crier secours.
C’était trop prévisible tant il est vrai qu’à trop faire la fête, on finit par se retrouver avec des poches vides. Pour devenir un mendiant souverain, comme c’est son cas…
Qu’il est loin le temps, pourtant guère distant, quand, en décembre 2018, Macky Sall, revenu du deuxième Groupe consultatif de Paris avec les bailleurs du Sénégal claironnait que le Sénégal allait être inondé par un océan d’investissements-financements. Le peuple, mine épanouie, pouvait s’attendre, lui avait-il dit, à recevoir une manne de 7000 milliards de francs CFA.
Aucune de ces promesses n’a été tenu par des partenaires financiers plus prudents quant à la crédibilité de la gestion de Sall. Tous sont réticents à placer leurs billes dans un pays snobé pour ses violations des droits de l’homme, son mépris des règles de droit, comme les décisions de la Cour de Justice de la Cedeao, ou encore sa corruption massive et documentée dans toutes les chancelleries, sans oublier son illégitimité désormais frappée d’un arrêt de justice.
En se résignant à retourner, queue basse, vers un cynique FMI pour colmater les brèches de ses déficits et de ses contraintes financières, de son insoutenabilité, l’Etat du Sénégal prouve à la face du monde entier qu’il est dos au mur. Il n’ose même plus évoquer la perspective d’une annulation de ses dettes sur laquelle le naîf Macky, après avoir détourné avec ses acolytes une grosse partie à des fins privées, escomptait pour se donner un bol d’oxygène. L’illusion n’a duré que le temps d’une rose. Même ceux qu’ils considèrent comme ses amis, les Chinois, qui ont transféré leurs prêts sous des entités bancaires échappant de facto à la souveraineté d’Etat, lui ont joué le pire des tours. Pour lui signifier qu’il devra payer les dettes dues. En économie, il n’y a rien de gratuit (no free lunch, dit le Nobel d’Economie, Paul Krugman).
Le prêt d’hier auprès du FMI est, dit l’instance financière internationale, destiné à aider le Sénégal à relancer son économie pour faire face aux effets négatifs de la pandémie du Covid. On se pince. Depuis quand est-elle devenue, si soudainement, une mère Térésa, portée par son coeur pour voler au secours d’entités étatiques situées aux antipodes? Le mensonge masque mal les coups tordus qu’il promet aux récipiendaires des fonds qui vont s’ajouter aux dettes sénégalaises.
Ce prêt est, disons-le sans ambages, destructurant, à tous points de vue, d’une souveraineté déjà mal en point et annonciateur d’une vie plus difficile, avec une hausse de la pression fiscale et la perte des retombées de l’exploitation des ressources en hydrocarbures qui faisaient rêver les Sénégalais, n’est donc que l’ultime coup de poignard sur une nation à l’agonie.
Que nul ne s’y trompe donc : les hourras qui ont salué hier l’annonce de son octroi par le Fmi traduisent la honte d’un gouvernement qui célébrait les derniers instants de la maigre liberté qui lui restait. Désormais, il est sous tutelle. Indépendance vendangée…
Adama Gaye* est un opposant en exil du régime de Macky Sall.
Ps : Le FMI qui n’a jamais développé un seul pays prouve par son cynisme à capturer l’Etat crapuleux du Sénégal qu’il ne se soucie guère de ses reculs démocratiques ou de son immoralité économique à l’origine des maux qui ont fini de faire d’un pays riche de toutes sortes de ressources en Etat failli. Qui e ressemblent s’assemblent, c’est un tango de salauds au détriment du peuple Sénégalais qui débute.