Pour épouser la doctrine néolibérale qui les constitue, le Fmi et la Banque mondiale se trouvent face à deux plus gros défis de leur existence : celui de restaurer une confiance perdue au fur et à mesure des scandales qui les secouent et lever la circonspection par rapport à des politiques approximatives.
C’est vrai, les hommes partent, les institutions demeurent. Et c’est tant mieux. Imaginons un instant que les déboires actuels de Dsk avec la justice américaine bloquent le fonctionnement normal du Fmi notamment les programmes et autres engagements pris avec les économies. Tiens, prenons la Côte d’ivoire où une mission du Fonds monétaire international (FMI) était attendue ce mardi.
Il est clair que ce pays phare de l’Afrique de l’Ouest dont les économies de la sous-région notamment sont tributaires de la santé économique, a besoin d’un programme d’urgence de reconstruction dans plusieurs secteurs vitaux. Or, ce pays tente de se relever d’une crise postélectorale marquée notamment par des pillages sans précédent au sein de son administration publique. Pourrait-elle voguer au rythme de scandales et autres « affaires » touchant les boss du Fonds ?
Cependant, l’arrestation et l’inculpation du directeur général du Fmi, Dominique Strauss-Kahn, met dans une situation très délicate une institution qui lui avait déjà pardonné une relation avec une subordonnée. Mais surtout, une institution frappée, ô paradoxe !… d’une crise d’autorité, de bonne gouvernance. Bref, une crise d’image.
Créés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour assurer la stabilité
financière internationale et lutter contre la pauvreté, le FMI et même la BM, sont depuis toujours perçus par leurs détracteurs comme les outils des Etats-Unis pour généraliser les préceptes de l’économie de marché.
Le chômage ne cesse d’augmenter, l’instabilité économique règne et partout où sévit le FMI, la pauvreté atteint des sommets. Le constat est flagrant, le FMI échoue sur toute la ligne, à commencer par les objectifs affichés dans l’article 1 de ses statuts : « Faciliter l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce international et contribuer ainsi à l’instauration et au maintien de niveaux élevés d’emploi et de revenu réel et au développement des ressources productives de tous les États membres, objectifs premiers de la politique économique. »
Décrié par les mouvements sociaux et décrédibilisé par ses histoires de corruption, le FMI connaît un manque de liquidité au déclenchement de l’actuelle crise : ses créances ont fondu, passant de 106,8 milliards de dollars fin 2003 à 15,5 milliards fin 2007. L’ironie est notable pour une institution qui prêche l’orthodoxie budgétaire. On aurait alors pu espérer une autocritique de l’institution débouchant sur une nouvelle orientation politique vers plus de régulation. C’est méconnaitre la raison d’être du Fonds qui, incapable de s’écarter de la doctrine néolibérale qui le constitue, est, quoi qu’en dise son désormais ex-Directeur général Dominique Strauss Kahn, vouée à la continuité sans véritable changement structurel.
En avril 2009, les Etats occidentaux, pourtant en difficulté, décident de renflouer le FMI par l’entremise du G20 afin d’aider l’institution financière à reprendre son rôle de pompier pyromane momentanément ralentit. Celui-ci voit ses ressources tripler, de 250 à 750 milliards de dollars. Les réactions ne se sont pas fait attendre de la part des mouvements sociaux mais aussi de certains gouvernements progressistes.
Parallèlement, Dominique Strauss Kahn, lui-même, répondant à un rapport du Bureau indépendant d’évaluation (Bie) de l’institution qu’il dirigeait et intitulé (le rapport) « Performance du Fmi dans la période menant à la crise financière et économique : la surveillance du Fmi de 2004 à 2007 », admettait que son institution avait vu ses prévisions économiques et financières mises en échec par la crise mondiale. C’est dire…
Mais ce qui retient surtout l’attention depuis quelques années, ce sont sans doute les « affaires » qui s’enchaînent au sein de ces deux institutions. Il y a eu les accusations de népotisme visant Paul Wolfowitz et la décision du Venezuela de se retirer de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), illustrent la crise de crédibilité qui frappe ces deux institutions.
A la Banque mondiale, le président de l’institution Paul Wolfowitz est décrédibilisé et pourrait même devoir démissionner, car il avait accordé des des augmentations de salaires conséquentes à sa compagne, également salariée de l’institution. Plusieurs Etats membres et cadres dirigeants de la Banque avaient réclamé son départ.
Plus grave encore, la campagne de lutte contre la corruption dans les pays en développement qu’il avait lancé depuis son arrivée à la présidence, en juin 2005, s’est attiré aujourd’hui des commentaires acerbes.
Pour les deux institutions, le résultat est une perte d’autorité, comme le fait observer Devesh Kapur, professeur à l’Université de Pennsylvanie (nord-est) et auteur d’une histoire du FMI. »Une partie de l’autorité est celle qui vient avec l’argent et leur discours revient à dire « si vous voulez de l’argent, il faut m’écouter »’, souligne-t-il. Mais ce monopole n’existe plus, tant pour la Banque que pour le Fonds. Il suffit de voir le Zimbabwe, où sont maintenant présents les Chinois. Même dans les pires cas, la Banque et le Fonds n’ont plus le monopole de l’aide internationale, estime Devesh Kapur.
L’institution impose un code de conduite à ses fonctionnaires internationaux qui leur demande de respecter les lois, mais aussi de « suivre les normes les plus élevées de comportement éthique, conforme aux valeurs d’intégrité, d’impartialité et de discrétion ». Ce code de conduite prévoit le licenciement en cas de « violation grave ».
Que nenni ! Alex Segura est encore là pour démontrer sans coup férir, qu’on peut très bien s’en sortir, même au Fmi. Voir un de ses représentants se retrouver au cœur d’un scandale, d’une corruption, constitue pourtant un sérieux revers alors que le Fonds tente de devenir le régulateur de la finance internationale, c’est-à-dire sa moralisation. Cela fait désordre! Pourtant…
Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler un certain Etat sénégalais dont les méthodes qui jurent sérieusement avec l’orthodoxie prônée à hue et à dia, font plutôt l’apologie de la promotion par la gestion scabreuse dévoilée dans les différents audits de l’Agence de régulation des marchés publics(Armp).
Cette « affaire »Strauss Kahn vient en tout cas confirmer qu’il y a un réel défi qui se pose aux institutions de Bretton woods : celui de restaurer une image qui reflète véritablement l’écharpe de la Gouvernance sans cesse brandie par l’institution. C’est une question de confiance, celle-là même qui régule les marchés dans la doctrine néolibérale du Fmi.
Par Malick Ndaw
sudonline.sn