Le football ouvre les frontières pour de jeunes joueurs africains. Mais nombreux sont ceux qui, repérés en Afrique, déchantent une fois arrivés en Europe, où ils sont traités comme des esclaves.
Le Centre d’études et de lutte contre l’illettrisme en Afrique (Celcia), une association centrafricaine, a organisé une table ronde autour du thème «La protection des joueurs africains d’ici et de là-bas» le 9 mars dernier, au Parlement européen de Strasbourg —une première dans l’histoire de cette institution, souligne Afrik.com.
Un député européen et un représentant du Conseil de l’Europe ainsi que des personnes issues des milieux sportifs associatifs ont participé aux débats. Parmi elles, Maryse Ewanjé-Epée, qui avait récemment présenté son livre Les négriers du foot sur RFI.
En revanche, les représentants des instances internationales du ballon rond, notamment l’Union des associations européennes de football (Uefa) et la Fédération internationale de Football Association (Fifa), ont décliné l’invitation.
L’Europe du ballon rond est au courant du problème, à l’instar d’un Michel Platini, président de l’Uefa, qui évoquait déjà le sujet en 2008. Mais parmi les jeunes joueurs africains victimes d’un véritable commerce de leurs talents, la question est taboue.
L’ex-attaquant centrafricain Ibrahim Bohari, 36 ans, s’est néanmoins confié à Afrik.com. Il estime avoir été victime d’un entourage et d’agents peu scrupuleux. Repéré en 1994 lors d’un match de la Ligue des Champions d’Afrique, Bohari a débarqué en deuxième division belge, à Mouscron. Tout s’est effondré quand son nouvel entraîneur l’a vendu en Turquie contre son gré pour financer l’achat d’un gardien. Truffé d’intermédiaires véreux, le système est quasi-mafieux.
«Les joueurs ont peur d’engager des procédures contre ces gens-là. Je n’en ai jamais parlé, j’ai toujours gardé ça pour moi. A un moment je voulais le faire, il fallait que ça se sache. J’étais plutôt isolé et je n’en ai parlé qu’à des amis.»
Ibrahim Bhari fait partie du Celcia, lui qui est devenu représentant de la Fédération centrafricaine de football pour le recrutement de joueurs évoluant dans les championnats européens. Depuis 2006, l’association s’est fixé une nouvelle mission en faveur des jeunes africains. Pour sa présidente et fondatrice Cécilia Dossin N’Gaibino:
«Le football en Afrique fonctionne comme la prostitution. On leur promet une meilleure vie et au final, on leur prend leurs papiers, leur identité.»
Parmi les gardes-fous envisagés au niveau européen, l’interdiction d’acheter des joueurs mineurs et le renforcement de la traçabilité des jeunes. La réflexion a également porté sur la difficulté de reconversion des anciens footballeurs, mais aussi la responsabilité des Africains. Bohari concède d’ailleurs que les joueurs du continent «sont naïfs».
Lu sur Afrik.com, RFI