Indépendance et crédibilité. Voilà le credo de Radio France Internationale (Rfi), selon la directrice déléguée, Géneviève Goetzinger, qui revient dans cet entretien accordé à Sud Quotidien sur les tenants et aboutissants de la rencontre que la radio dite « mondiale » organise à Dakar avec ses correspondants. Dans le sillage, Mme Goetzinger évoque différentes autres questions dont la synergie entre « la troisième radio au Sénégal » et ses partenaires (France 24, TV5/Monde…) et le type de partenariat qu’elle peut tisser avec les médias locaux.
Pourquoi avez-vous choisi Dakar pour cette rencontre et surtout à cette période précise ?
Géneviève Goetzinger- Rfi a l’habitude, depuis 1997, de réunir ses correspondants d’un continent, dans une ville de ce continent. Ces correspondants se retrouvent et c’est là l’occasion d’échanges féconds entre eux-mêmes mais aussi avec nous. Ces retrouvailles sont à la fois des espaces et des moments de formation et de travail. Des espaces où on forme notamment aux nouvelles technologies, des moments qui permettent aux correspondants d’écrire ensemble des papiers et qui leur donnent l’opportunité de travailler ensemble. Cette année le centre d’intérêt de la rencontre est relatif à la thématique de la sécurité dans les zones de risques et en période de conflit. C’est important parce que c’est la marque d’un lien entre eux et nous, d’un lien qui se forge durablement parce qu’à Rfi, on se considère comme dans une famille. Pourquoi Dakar ? Parce que c’est un pays important pour l’Afrique, c’est un pays aussi assez accessible du point de vue des dessertes aériennes parce que les correspondants viennent de partout (de Madagascar, d’Afrique du Sud, du Kenya). Donc, c’est un pays bien desservi par les compagnies aériennes ; cela a été aussi un élément qui a guidé notre choix. Le Sénégal est par ailleurs un pays où notre radio est écoutée, où on a une forte notoriété, où Rfi demeure la troisième radio. Toutes ces raisons ont motivé notre choix d’organiser cette rencontre à Dakar.
L’autre question qui vient à l’esprit de tout Sénégalais ou de tout journaliste Sénégalais est que, par moment, on a remarqué le déroulement d’un plan media assez agressif par Rfi comme pour un peu marquer sa présence dans notre paysage audiovisuel, à l’instar de France 24. Au moment où la France est invitée à se désengager, est-ce qu’il n’y a pas là une certaine opacité ?
Cela n’a aucune relation. Rfi, c’est un media. C’est une radio internationale qui est totalement indépendante, dont les choix de développement n’obéissent pas à des considérations politiques. Rfi effectue une campagne de relance un peu partout, parce qu’on est dans un univers de plus en plus compétitif dans le domaine des medias. Ce sujet n’est pas politique, c’est un sujet à la rigueur industriel. On est vraiment dans une compétition avec un univers de plus en plus concurrentiel. Rfi est actuellement la troisième radio au Sénégal et ça, c’est quelque chose.
La perception que nous avions ici est que la radio était au service de l’Etat français ?
C’est une fausse perception. Si vous nous écoutez, vous vous apercevrez que la radio n’est au service de personne. Elle est plutôt au service de ses auditeurs. Ce sont eux qui nous écoutent ou qui ne nous écoutent pas. Si vous n’êtes plus crédible ou si un jour vous n’aviez plus de part de marché, il n’y aura pas de raison pour l’Etat français de continuer à payer pour que Rfi ne cesse d’émettre. A partir de là, ce qui nous préoccupe et nous intéresse, c’est d’apporter quelque chose de différent à ceux qui nous écoutent, de leur apporter une information toujours plus crédible. Cà, c’est la marque de fabrique de Rfi. On nous écoute pour notre indépendance et pour notre crédibilité. Si en nous écoutant, on a l’impression qu’on servait par intérêt, on ne nous écouterait plus. On nous écoute parce qu’on a une force de frappe extrêmement puissante dans le monde entier. On apporte notamment ici en Afrique toute l’information internationale, on apporte de l’information panafricaine et ce n’est pas du tout évident à avoir dans les autres medias. On nous écoute parce qu’on est crédible, parce qu’on est indépendant et parce qu’on donne la parole à tout le monde. Et on sait qu’au delà de l’actualité politique et autre, on essaie de donner la parole aux uns et aux autres et d’avoir une approche sociale et sociétale en faisant vivre tout ce qui bouge dans les sociétés africaines. C’est cela l’idée de la nouvelle grille. Rfi remplit jusqu’à présent et correctement comme elle l’a toujours fait sa mission d’information. En revanche, il lui est arrive peut-être de remplir un peu moins parfaitement les autres missions qu’on attend d’une grande radio qui sont des missions de divertissement et de pédagogie. On s’y attelle actuellement. Tout n’est pas seulement politique dans la vie, il y a aussi la musique, l’éducation, la santé qui vont prendre beaucoup plus de place dans notre grille de programme.
En dehors de l’aspect formation, vous avez besoin de rencontrer les correspondants. Est-ce que cela veut dire qu’aujourd’hui, les difficultés d’il y a quelque temps au sein de la boite relèvent du passé ?
J’espère que les difficultés relevant du passé sont derrière nous. La situation économique était difficile l’année dernière. C’est vrai qu’il y a eu le départ d’un certain nombre de collaborateurs qui visaient à remettre l’entreprise dans les normes de l’équilibre budgétaire. Mais la rencontre présente avec les correspondants ne vise pas cela. La rencontre veut qu’on s’écoute les uns les autres, à ce qu’on s’apporte quelque chose, qu’on travaille toujours mieux ensemble. Là, on est autour de la notion de sécurité. Quand on travaille pour Rfi sur le terrain, ce n’est pas toujours facile parce que quand on écoute Rfi, les pouvoirs établis comme les oppositions savent qu’ils écoutent une radio indépendante et crédible. Cela ne plait pas forcément et cela peut occasionner des pressions sur nos correspondants. Des pressions physiques comme pour le cas de Moussa Kaka par exemple. Cette année d’ailleurs, notre correspondant à Conakry, Moctar Bâ, a failli mourir dans un stade (Ndlr- Evénements du 28 septembre) et il a été contraint de se réfugier ici, à Dakar. Donc, c’est important de se dire comment faire pour se protéger. Il n’y a pas quelque chose de plus important que la sécurité de nos correspondants. Aucune information au monde ne vaut qu’on donne sa vie.
Combien de temps va durer le séminaire ?
Le séminaire dure encore une semaine. Vous avez deux groupes, un premier groupe qui dure deux semaines, séparé en deux groupes et pendant le week-end la direction vient et c’est plus un espace d’échanges, un espace d’idées, un espace d’informations sur ce qui se passe à Paris et dans d’autres pays, sur la stratégie et sur les objectifs de Rfi pour que ceux qui travaillent au quotidien sur le terrain soient au courant de tout cela.
Il y a de plus en plus de travail de synergie avec France 24. Est ce qu’on peut s’attendre à des collaborations plus poussées avec les radios locales ?
Il n’y aura pas de collaboration avec les radios locales mais il peut y avoir de manière ponctuelle des journalistes de radio ou médias locaux qui interviennent sur Rfi. Cela peut se faire de cette manière là mais il ne va pas y avoir de synergie proprement dite entre des radios africaines et Rfi. Rfi appartient à un groupe aujourd’hui avec France 24, avec Monté Carlo qui est la radio en arabe de Rfi et avec Tv5/monde qui est partenaire du groupe. Les synergies s’exercent avec ces médias-là.
Donc, on ne peut pas s’attendre à une collaboration, en dépit du fait que dans les pays où vous êtes passé, il existe un besoin évident de soutien et de solidarité ?
Cette collaboration s’exprime d’une autre manière, elle ne s’exprime pas sur le plan éditorial. Elle s’exprime par de la formation et d’autres formes de coopération. Les médias locaux bénéficient de certains programmes de Rfi comme de la musique qu’ils peuvent utiliser comme ils le veulent. Bien sûr donc qu’il y a de la coopération et de la collaboration mais ce n’est pas de la synergie dans le traitement de l’information.
EXERGUES :
1- On apporte notamment ici en Afrique toute l’information internationale, on apporte de l’information panafricaine et ce n’est pas du tout évident à avoir dans les autres medias.
2-Rfi n’est au service de personne. Elle est plutôt au service de ses auditeurs.
3- Aucune information au monde ne vaut qu’on donne sa vie.
sudonline.sn