Mon très cher Moctar, certes, tu étais petit de taille, mais tu as abattu au cours de ta vie, un travail titanesque pour conscientiser tes concitoyens à pouvoir faire face aux défis qui les interpelaient. Et tu as, depuis ton jeune âge, sous l’ombre des 23 signataires du manifeste du P A I, commencé à te battre pour la justice, le progrès social et d’être au service des masses laborieuses et tout particulièrement, des exploités et déshérités.
Notre première rencontre qui a donné naissance à notre amitié date de plus de cinquante ans. Elle a été scellée à Bamako, un mois d’avril 1963. Nous étions étudiants militants clandestins du PAI en route pour Moscou. À l’époque Modibo et Senghor étaient à couteaux tirés. Mais avant la fin de nos
études, les relations entre le Sénégal et le Mali s’étaient rétablies et redevenues normales, ce qui posait un sérieux problème à notre retour au pays. Dans la mesure où notre pied-à-terre à Bamako n’existait plus. Et l’escale pour prendre obligatoirement l’express était de 72 heures après notre arrivée à Bamako. C’est ainsi que tous les étudiants PAI qui revenaient de Moscou étaient recueillis à Kidira par la police des frontières pour être acheminés de force à la police centrale de Dakar où nous
avons subi un interrogatoire musclé avec torture, avant d’être conduits finalement à la prison centrale de Reubeuss pour un séjour de 4 mois. Et tout cela avait renforcé nos relations amicales et consolidé notre camaraderie. À notre libération de prison, nous avons poursuivi nos activités militantes dans le PAI et puis le PIT. Depuis lors, nous ne nous sommes plus quittés jusqu’à ce 20 mars 2021. Donc, précisément, notre compagnonnage a duré, de manière ininterrompue 58 ans. Et
Moctar a renforcé davantage nos liens d’amitié en faisant porter à un de ses enfants mon prénom, Mandiaye Niang.
Merci Moctar ! tu as bien et utilement servi ton pays, au mieux que tu pouvais, avec courage détermination et abnégation, en prenant largement part, à toutes les luttes qui en valaient la peine tant au Sénégal qu’en Afrique. Tes nombreux sacrifices et risques au prix de ta vie, pour défendre des causes justes à travers le P A I et le P I T, en témoignent. Ce que, certains de tes camarades et amis ne savent certainement pas. Par exemple, ta posture d’inspecteur de l’OCA et puis la SONADIS avait, beaucoup, bénéficié au PAI clandestin. Oui, parce que cette fonction lui avait permis d’assurer un certain nombre de tâches en faveur de son parti, à savoir la distribution du courrier et la liaison politique entre les régions. Mais Moctar a assumé, une telle tâche qui comportait de gros risques
pour son emploi, dans une totale discrétion aussi bien pour le PAI que le PIT. Moctar, tu as été de tous les combats progressistes de ton pays aussi bien au plan politique, syndical, social que culturel. En patriote conséquent incontestable, tout ce qui touchait à la vie de ton peuple te concernait, t’intéressait au plus haut point et te mettait toujours en mouvement. Moctar était un militant pragmatique, pluridisciplinaire et toujours présent sur tous les terrains et théâtres
d’opérations où les luttes utiles et importantes se mènent et cela en dépit de ses faibles moyens et son état de santé très fragile avec un diabète sévère. Cette affirmation est loin de moi une vue de l’esprit, mais elle est facilement vérifiable et peut être attestée par des témoins acteurs comme lui encore vivants. Moctar était aussi un penseur et un chercheur qui s’intéressait beaucoup à l’histoire politique et syndicale de son pays et notamment, toutes les luttes sur le passé politique de notre pays. La preuve est attestée par ses deux importants ouvrages qu’il nous a laissés en héritage. En l’occurrence : « Trajectoire et documents du Parti africain de l’indépendance (P.A.I.) au Sénégal.
Front Cover. Moctar Fofana Niang. Les éditions de la Brousse, 2015 – Political … »
Comme beaucoup de camarades du PIT se le rappellent encore, Moctar Fofana NIANG s’est toujours sacrifié à l’extrême. La preuve, lors du Congrès Constitutif du PIT d’août 1981, au cours duquel il s’était investi au-delà des limites d’efforts humains permis. Moctar, avec son
ambition et sa détermination à tout faire pour que le congrès soit au top-niveau, n’avait plus ménagé ni sa santé ni son temps et moins encore son argent, pour que le Congrès soit une réussite totale. Moctar, au terme de cette journée intense, sans le sentir, était épuisé physiquement et mentalement ce qui l’a conduit à un surmenage dont il n’était pas conscient.
Et c’est au cours de cette nuit-là, dans un état d’inconscience totale, il a fait un cauchemar en chutant du premier étage de l’immeuble aux allées du centenaire au sol. À l’époque, il était le
responsable du PIT de la région de Dakar. Ce grave accident pouvait bien lui être fatal, mais malgré cela, il n’a en rien influé sur son engagement et, pourtant cet accident a laissé des séquelles handicapantes sur sa personne. Mais il avait fait fi de tout cela en quittant l’hôpital clandestinement pour venir superviser les derniers travaux de préparation du congrès.
Pour lui, le retour d’exil de Seydou CISSOKHO devait être célébré avec réussite donc, sans aucune fausse note. Il fallait donc offrir à Seydou une tribune digne de ce nom pour lui permettre de s’adresser directement à son peuple à partir du cinéma EL MANSOUR. Moctar a donné par là, une leçon magistrale à tous ses concitoyens un exemple concret d’un engagement militant et de défense de causes justes. Et au-delà, il y a aussi cette grande leçon de courage, d’humilité, de militantisme, qu’il donne à nous tous, mais aussi de Don de soi qu’il semble être doté naturellement.
Avec Moctar, nous avons effectivement plusieurs leçons à apprendre. Moctar Fofana Niang est militant de multiples organisations à caractère politique et social dans lesquelles, il est actif, assidu et assume convenablement les tâches qui lui sont confiées. Il en est ainsi au PAI, PIT, à l’UNTS, la CNTS, YAW, au CNP/50 e qu’il présidait, à UNITRA, Histoire générale du Sénégal et dans tant d’autres organisations. Moctar Fofana Niang a pleinement rempli sa tâche envers son pays, son peuple, sa génération, la présente et, celle à venir par son exemplarité dans l’exécution des tâches et les leçons pertinentes qu’il nous a laissées. Comme
dirait l’autre, Moctar a bien labouré sa part du champ collectif le Sénégal. Et, si tous les Sénégalais, en l’occurrence, les forces vives, progressistes de la nation et patriotiques prenaient concrètement exemple sur lui, notre champ le Sénégal aurait été entièrement et, sans doute, bien labouré. Mon très cher Moctar, tu étais, certes, en grandeur nature, un petit bout d’homme, mais tu as bâti une oeuvre colossale qui est inversement proportionnelle à ta taille qui restera à jamais, gravée dans la mémoire de beaucoup de tes amis, camarades et concitoyens qui t’ont connu.
Adieu Moctar ! repose camarade en paix dans le plus élevé des paradis, Firdawsi. Et que la terre de Sangalkam que tu as aimée et préférée parmi toutes te soit légère.
Mandiaye Gaye
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