Hommage à un père exceptionnel (Par Abdoulaye Tassé NDIAYE)

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Le père dont il s’agit, est Papa Ndiaye homonyme de son grand-père, Tasset Keuth. Né en 1940, il fut unique pour moi par ses qualités humaines rares. Il le fut même davantage par sa profonde croyance en DIEU. Bref, il le fut tout simplement par les valeurs qu’il incarnait.

Déjà permettez-moi l’utilisation tantôt du « je », tantôt du « nous ». En effet, mon « je » n’est pas égoïste mais partagé et émane des nombreux témoignages que j’ai entendus sur mon père.

Mon père m’a éduqué et m’a tracé le bon chemin à suivre dans la vie. Nous n’avons jamais manqué de rien. Je n’ai jamais assisté à un repas non préparé ou non servi à la maison. Je ne l’ai jamais vu manger dehors, laissant sa famille à la maison. Il n’a jamais manqué le repas autour du bol familial. Il dira, dernièrement, au médecin qui lui demandait d’avoir un régime à part, qu’il n’était pas habitué à manger seul. Je ne l’ai jamais vu quémander. Il était crédible auprès des créanciers. Ceux-ci le prenaient d’ailleurs, comme garant face aux débiteurs. Il est resté digne et discret durant toute sa vie. Il était franc et apaisé, mais ferme dans ses croyances et ses idées. Il n’a jamais transigé.

Mon père était associable et sociable. Il a fait beaucoup de choses grandioses sans bruit ni trompette. De témoignages spontanés venus de deux personnes, alors qu’on parlait de mes activités politiques, je retiens tout le bien que mon père a eu à faire sans en faire état. Il a eu à recevoir, à connaitre et à orienter tant de gens avec plaisir et grand cœur. Quelqu’un m’a raconté qu’il a eu à recevoir un jeune élève expulsé de sa maison d’accueil pour qu’il puisse continuer ses études en études à la maison.

Mon père était un intellectuel averti et convaincu. Son niveau de langue et de langage était soutenu, tant dans sa langue maternelle que dans la langue officielle du pays. Il parlait couramment le sérère. Ses premières fonctions dans le Sine aidant, il a eu à compter dans cette contrée beaucoup d’amis qui l’ont réjoui mais qui le lui ont bien rendu. Lors de mon séjour à Niakhar en 2020, je m’en étais rendu compte. De Ngayokhém, à Tataguine en passant par Fatick, il aimait se rappeler le bon vieux temps. Il était très fidèle à ses amis de là-bas. Je ressentais la chair de poule qui l’habitait lorsqu’il entendait quelqu’un prononcer ces noms propres de villes ou lorsqu’il prenait au téléphone un de ses amis. Il en était ainsi aussi lors de mes séjours à Kaolack, à Saint-Louis, à Diourbel, à Kébémer où il comptait beaucoup d’amis.

Mon père était un combattant et un résistant. Il a connu le mouvement syndical enseignant du temps de la clandestinité et le militantisme politique de conviction avec le parti socialiste sans jamais réclamer ou demander quoi que ce soit. Ses positions de principes qui se raréfient lui ont valu le respect et la notoriété de ses pairs. Partout où il est passé, il a laissé des traces de travail bien fait, de loyauté et de professionnalisme.

Mon père était un pilier du mouvement associatif. Il fut président de l’ASC Brésil et président du Dahira mouride de Dahra. Ces responsabilités en disent longue sur sa capacité à gérer des forces centrifuges et de conviction commune. Il était un manageur sans être de ceux-là qui profitent des masses pour asseoir une popularité. Je m’étais toujours dit que mon père ne s’intéressait pas aux enjeux qui mobilisent aujourd’hui les personnes et leurs biens. C’était sans tenir compte, par ailleurs, de la pondération de la personne après tant d’expériences de vie.

Mon père était plein de valeurs comportementales. Correct et élégant dans le port, il m’a appris à nouer la cravate à bas âge. Il m’a appris comment s’asseoir, comment parler. Il m’a interdit d’insulter. Un jour, il me convoqua dans sa classe pour me « tendre par quatre » après qu’il m’a entendu prononcer un petit mot déplacé. Il m’a interdit de demander de l’argent. Il m’a rabroué lorsqu’il m’a vu en pleine rue en culotte.  Il m’a appris à rentrer à la maison avant la prière de crépuscule. Un jour, alors qu’une cérémonie de lutte nous captait à l’arène de Dahra, j’arrivais à la maison juste le voyant en train de faire la prière de « timis ». Il m’a fallu attendre qu’il s’inclina pour escalader le mur, puis d’un pas soutenu, venir me mettre derrière lui.

Mon père ne se mêlait jamais de choses qui ne le concernent pas, aussi bien dans la vie publique locale que nationale. Il n’est jamais revenu à la maison étaler ses activités qu’il a eu à mener ou à entretenir avec des tierces personnes. Je ne le connais pas racontars. Il était très réservé, très mesuré. D’ailleurs, il parlait à voix basse. Il nous interdisait d’élever la voix en discutant ou en échangeant. Un jour, après une séance d’observation de la lune, je lui posai la question de savoir qui a raison entre mouride et tidiane. Il me répondit d’un ton sec qu’un enfant ne pose jamais ce genre de question.

Mon père était le doyen, le Khalif des petits-fils de Tasset Keuth, depuis décembre 2015, dont il porte le nom et de Sidy Alboury. Il remplissait bien sa mission en tant que patriarche. Présent lors des grands évènements, il se faisait aussi représenter par ses frères lors d’autres cérémonies, notamment à Dakar. Depuis 1977, il n’a séjourné longtemps ailleurs qu’à Dahra d’où il fut le point focal de toutes les actions de la famille dans le Djolof. Il entretenait dans cette ville d’excellentes relations avec les gens. Très attaché à ses parents et à ses oncles maternels, il les accompagna et les assista jusqu’à son dernier souffle. Il leur était très fidèle, disponible et très loyal.

Mon père était un croyant et un fervent musulman de confrérie mouride. Notre maison faisait office de Dara coranique que fréquentaient beaucoup d’enfants de la ville. Il nous a appris à prier, à jeuner, et à faire la zakat. Son pèlerinage à la Mecque en 2010 a couronné une vie religieuse intense. Son attachement et sa fidélité au mouridisme résultent d’un héritage parental inébranlable, aussi paternel que maternel. Jusqu’à l’année dernière, il a assisté à toutes les éditions du grand magal de Touba. Son enterrement en ce lieu saint était son plus grand vœu. Que cette terre lui soit légère ! Amen

Pour toutes ces qualités d’un père exceptionnel, nous remercions le Bon Dieu qui nous l’a choisi parmi ses créatures.

Ton fils, Abdoulaye Tassé NDIAYE

Professeur d’Histoire et de Géographie

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