Le 14 avril dernier, après un malaise au marché «Ocass » de Touba, Ibrahima Sène dit Baye Fall était déclaré positif au coronavirus. 15 jours après, ce militaire libéré en 2000 a été déclaré guéri, hier. Avec Libération quotidien dans son édition de ce 30 avril, il revient sur sa contamination non sans dénoncer le comportement du patient de Sédhiou et de M.N- avec qui il était à Darou Marnane-, qui ont osé faire des enregistrements audios pour nier l’existence de la maladie. Il revient aussi sur le comportement de son colocataire et de son employeur en plus de lancer un appel à ceux qui doutent encore de l’existence du coronavirus.
Libération : Monsieur Séne , comment avez-vous été contaminé ?
Ibrahima Séne : Permettez-moi d’abord de me présenter. Mon nom est Ibrahima Cissé mais on m’appelle «Baye Fall ». J’ai été interné au Centre de Darou Marnane après avoir été déclaré positif le 14 avril dernier. J’avais fait un malaise sur mon lieu de travail. C’est ce 29 avril que j’ai été déclaré guéri. J’étais, comme on dit, un cas communautaire. Mais sincèrement, je ne sais pas comment j’ai eu la maladie. Je portais un masque et j’avais toujours des gants car j’étais vigile dans un centre commercial. D’ailleurs, la première chose que j’ai faite, à ma sortie d’hôpital a été de démissionner de mes fonctions. Depuis que j’ai été testé positif, mon employeur m’a royalement ignoré. Il m’a appelé une fois au téléphone puis j’ai plus eu de nouvelles. Moi tu m’ignores, je t’ignore car je suis un militaire dans l’âme. Je suis de la classe 98-1, je suis allé à Bissau. J’ai été libéré en 2000 et, c’est en 2003 que je suis venu m’installer à Touba. J’ai une femme et deux enfants. Mais, pour vous dire que cette maladie est une vraie équation, je l’ai eu et pourtant je n’ai contaminé personne. Aucun membre de me famille n’a été testé positif. Et moi-même comme je l’ai dit j’ai beaucoup réfléchi, je ne sais pas comment j’ai été contaminé.
Comment s’est passé votre sortie d’hôpital ? Avez-vous été stigmatisé ?
Je me répète : je suis un militaire. Celui qui me fuit, je le fuis aussi. Quand je suis sorti, je marchais la tête haute car j’ai survécu à une terrible maladie. Cependant, j’ai été surpris par le comportement de mon colocataire. En effet, j’avais pris une chambre dans un appartement commun pour être prés de mon lieu de travail. Ma famille vit à Darou Salam. Mon colocataire donc m’a appelé pour dire que le propriétaire ne voulait plus de moi à cause du coronavirus. Mais après vérification, le propriétaire de la maison n’avait rien dit. C’est plutôt lui qui était méfiant. Que je sois stigmatisé ne me dérange pas. Je n’ai pas d’ami. Mes seuls vrais amis sont ma femme et mes deux enfants.
Pouvez-vous nous dire ce qui vous a le plus marqué lors de votre séjour dans le centre de traitement ?
Le comportement choquant de M.N (ndlr, il le cite). C’est celui qui a fait l’audio et la vidéo dont vous avez parlé. Ce dernier est un vrai problème pour les médecins car, quand il était arrivé déjà, il ne voulait même pas prendre les médicaments. Il disait qu’il n’a rien du tout. Moi je lui ai affirmé qu’il nous fatiguait et que s’il avait un problème, je peux lui montrer comment sortir du centre ; et tout le monde sera tranquille. Il a osé filmer les braves médecins pour discréditer leur travail. Il n’a fait que raconter des histoires avant de présenter des excuses. Il s’était rebellé avec un de ses amis qui était aussi interné là-bas. Cette maladie, ce n’est pas une petite affaire. Le tailleur qui avait pris la fuite, il est revenu. Car il sait que si on ne le soignait pas, il allait mourir. Ce que ces gens qui minimisent le coronavirus ne comprennent pas, c’est qu’il agit différemment selon les individus. Certains sont plus atteints, d’autres ont juste l’impression d’avoir une grippe. Mais cette maladie est une réalité, j’en suis la preuve vivante. Nous devons tous suivre la démarche exemplaire du khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké. Nous ne le remercierons jamais assez. C’est le premier à donner 200 millions de Fcfa après l’appel à la solidarité. Regardez, il a ordonné la fermeture de la grande mosquée et seuls ceux qui y travaillent prient là-bas. Le khalife général fait amener tout le temps à manger aux malades et aux membres du corps médical. Donc il a donné l’exemple. Maintenant, que voulez-vous qu’on dise à celui qui nie l’existence de cette maladie qui est en train de faire des ravages dans le monde entier ? Quand quelqu’un refuse de voir la réalité, vous voulez lui dire quoi ? Nous sommes en guerre. Il faut que tout le monde le sache. Quand j’étais au centre, en train de me battre contre cette maladie, et que j’entendais certains propos, j’étais choqué et en colère. Je me suis dit qu’il y’a des gens qui ne comprennent rien. Je remercie vivement tout le corps médical. Ils méritent tous des félicitations. Ils ne dorment plus, ils ne voient plus leurs familles. Ce sont des héros et nous devons faire certains sacrifices pour eux, comme rester chez nous, sauf en cas d’urgence. Le coronavirus existe et tue. Je viens d’écouter l’audio du patient de Sédhiou qui ose nier l’existence du virus après avoir contaminé, pour le moment, 25 personnes dont des enfants. Je pense que certains malades comme lui, où M.N, doivent être poursuivis après leur guérison. On n’a pas le droit de faire ça aux médecins qui sont en première ligne.
Je demande aux Sénégalais, j’ai envie de dire au monde entier, de respecter les mesures édictées par les professionnels de la santé. Le coronavirus est une terrible maladie. Je pèse bien mes mots car j’ai souffert. J’ai vraiment souffert. Et quand un militaire te dit ça, c’est parce que c’est sérieux.
Je fais aussi appel aux bonnes volontés. Comme je vous l’ai dit, je n’ai plus de travail alors que j’ai une attestation de bonne conduite et une formation en garde rapprochée.
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