Idrissa Seck, le crash d’un ovni politique

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Le statut de l’opposition a été un des points focaux du dialogue politique. Mais des politiciens professionnels siégeant dans la commission du dialogue politique ont sciemment biaisé le débat en l’essentialisant sur le statut du chef de l’opposition. Pourtant, l’article 58 de la Constitution est sans équivoque sur la question : « la Constitution garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du gouvernement le droit de s’opposer. La Constitution garantit à l’opposition un statut qui lui permet de s’acquitter de ses missions. La loi définit ce statut et fixe les droits et devoirs y afférents ainsi que ceux du chef de l’opposition ».

Dès lors, pourquoi des politiciens stipendiés par on ne sait quel leader ou dealer du champ politique axent le débat exclusivement sur un trompeur statut du chef de l’opposition qui n’est que l’expression trahie de leur desiderata ? Ainsi, un quarteron de politiciens a, tout de go, désigné Idrissa Seck comme chef de file de l’opposition alors que la loi organique qui doit définir les droits de cette opposition n’est même pas à l’ordre du jour. Par conséquent, l’opposition collaborationniste, composée essentiellement de tous ces partis lilliputiens plus connus sous le nom escroqueur de non-alignés, des micros-partis « yobaléma » dont la seule activité est de se faire remorquer dans toutes les alternances par le parti au pouvoir ou par l’un des partis les plus significatifs de l’opposition, lâche la proie pour l’ombre en renonçant volontairement aux droits que lui offre la Constitution pour se faire le défenseur d’un statut du chef de l’opposition.

Depuis 2001, on attend l’adoption d’un cadre normatif pour définir les droits et devoirs de l’opposition ainsi que les prérogatives et les avantages pécuniaires dévolus à son chef ! Abdoulaye Wade a agité la question au début de la première alternance et il s’en est suivi une guéguerre entre Moustapha Niasse, leader de l’AFP arrivé 2e à la présidentielle de 2000, et Ousmane Tanor Dieng, Premier secrétaire du PS, ayant obtenu le plus de députés à l’Assemblée nationale. Le débat ne pouvait être tranché en l’absence d’une loi organique qui désigne le chef de file de l’opposition. D’ailleurs, Wade président, en fin politicien, s’est servi du statut du chef de l’opposition comme un gadget pour semer la discorde entre les deux partis les plus représentatifs de l’opposition et dont une éventuelle coalition constituerait un danger pour la longévité du PDS au pouvoir. Presque deux décennies après la constitutionnalisation du statut de l’opposition, le débat polémique afférent resurgit. Comme un os à ronger, le pouvoir de Macky Sall s’en sert avec sa 5e colonne tapie dans la commission du dialogue politique pour semer la discorde au sein d’une opposition dont une importante frange collabore en catimini avec le pouvoir. Tous ces aboyeurs qui crient à tue-tête que le leader de l’opposition est politiquement le deuxième de la dernière présidentielle, en l’occurrence Idrissa, ne sont motivés que par les centaines de millions liées au statut du chef de l’opposition. Dire de façon péremptoire que le leader de Rewmi est le chef de file de l’opposition, compte tenu de son score à la dernière présidentielle, n’est politiquement pas soutenable. Ce n’est pas parce qu’on est deuxième à une élection présidentielle qu’on doit prétendre être le chef de toute l’opposition si l’on sait qu’il est difficile de quantifier le poids réel et l’effectif d’un parti politique auquel s’est arrimée une palanquée de partis plus ou moins représentatifs. Etre le chef de file de l’opposition, c’est avoir cette carrure, ce charisme et cette volonté permanente à pouvoir diriger tout le temps l’opposition au lieu d’attendre une proximité électorale pour rassembler plusieurs micro-partis autour de soi.

Dans notre régime présidentialiste où la permanence monopolistique du même parti au pouvoir est établie en règle, où les tripatouillages constitutionnels sont érigés en règle pour ne point favoriser une alternance, ce serait une absurdité que de vouloir ériger constitutionnellement le statut d’un chef de l’opposition qui n’a aucun moyen démocratique pour accéder au pouvoir. D’ailleurs, dans nos démocraties tropicales, il siérait de conférer un statut au chef du principal parti d’opposition ou au chef du premier parti de l’opposition plutôt qu’au chef de toute l’opposition difficilement définissable. Dans les régimes parlementaires où le dualisme partisan est institutionnalisé et où l’alternance n’est qu’une question de temps, avoir un chef de l’opposition est une nécessité politique parce qu’il est avéré que le principal parti de l’opposition qui dispose de son shadow cabinet est prêt pour l’exercice du pouvoir. Mais un chef de l’opposition institutionnalisé dans notre pays où la démocratie est encore balbutiante, nonobstant notre expérience centenaire en matière de vote, ankyloserait l’opposition, la soumettrait à la corruption voire au chantage avec les centaines de millions que le pouvoir mettrait à la disposition de son leader.

Etre opposant, c’est être en permanence sur le terrain politique et porter la contradiction au pouvoir en place. Aujourd’hui, dire qu’Idrissa Seck incarne le chef de l’opposition parce qu’il est arrivé deuxième à une présidentielle où le PDS et Taxawou Dakar ont été exclus, c’est ignorer que cette élection qui n’est pas un indicateur fiable ne reflète pas la véritable population électorale de Rewmi. Depuis la défaite électorale du 24 février 2019, le leader de Rewmi est engoncé dans une hibernation abyssale qui laisse croire qu’il est patho-politiquement atteint d’une presbyacousie et d’une myopie qui l’empêchent de voir les scandales du régime de Macky Sall et d’entendre la souffrance des Sénégalais. Son aphonie prolongée sur les vraies questions d’intérêt national accrédite la thèse de sa collusion souterraine avec le président Sall agitée depuis un certain temps. 

Etre le chef de l’opposition n’est pas fondé sur une simple désignation officielle ou sur un statut juridique mais sur une action permanente sur le terrain de la contradiction politique. Abdoulaye Wade du temps d’Abdou Diouf, n’avait pas besoin du statut du chef de l’opposition (même s’il l’a toujours revendiqué) pour incarner le vrai chef de l’opposition. Ses scores électoraux successifs, son investissement permanent sur le terrain politique faisaient légitimement de lui le chef de l’opposition. C’est d’ailleurs son rôle actif, dans l’opposition qui a contraint Abdou Diouf à lui ouvrir à deux reprises son gouvernement.

Aujourd’hui, Ousmane Sonko, arrivé troisième à la présidentielle de 2019, est l’un des rares chefs de parti qui s’oppose ardemment au régime du président Sall. A Taxawu Dakar, c’est Barthélemy Dias qu’on entend à la place de son leader Khalifa Sall dont la voix reste toujours emprisonnée à Rebeuss même s’il hume aujourd’hui l’air de la liberté depuis presque un an. Le triumvirat du Congrès pour la Renaissance démocratique (CRD) à savoir Thierno Alassane Sall (TAS), Abdoul Mbaye et Mamadou Lamine Diallo joue excellemment son rôle d’opposant au régime de Macky Sall. Alors pourquoi, au nom d’un trompeur statut de l’opposition, les leaders-dealers du dialogue politique voudraient imposer à ces authentiques opposants que les Sénégalais voient seuls sur le terrain de l’opposition politique, un chef invisible dont le score à la dernière présidentielle ne reflète pas réellement son poids politique ? Les prochains jours où l’on annonce un gouvernement élargi qui sera composé d’une certaine frange d’une opposition collaborationniste et de la majorité nous édifieront sur l’attitude de cet ovni disparu des radars de la politique depuis son crash électoral du 24 février 2019.

Serigne Saliou Gueye

Analyste politique

6 Commentaires

  1. Il est arrivé second aux élections récentes. Il a mené une campagne agressive et compétente. Son «silence», une restructuration intérieure de maturité, une étape supérieure, intrigue et dépasse les vulgaires effrayés qui toujours blasphèment devant la grandeur et l’élévation si habitués qu’ils sont aux bruits aux tumultes et à la cacophonie des casseroles tympanisâtes. Le bruit ne fait pas de bien. Le Bien ne fait pas de bruit. Quand la foret se densifie on n’entend rien. Quand un arbre tombe, c39est avec grand fracas. De grâce relevons notre niveau qualitativement. Seulement dans le silence, se cogite les grands destins

    • Anonyme tu es insipide. Tes métaphores ou comparaisons avec leurs champs lexicaux soporifiques (tumultes,bruits,silence,forêt…)ne sont qu’une rhétorique spécieuse et oiseuse.La rhétorique,sous peine de n’etre que rhétorique,doit etre subordonnée à la recherche
      de la vérité, à défaut la faire éclater si on en est convaincu.Vos grosses abstractions sont un indice de démagogie typique de ton mentor Idy,que Bakka et Makka n »ont pas fini de flageller des chicottes imprecatoires.Son mutisme n’est pas celui d’un sage,mais celui d’un dealer défait qui ourdit encore des complots contre le peuple sénégalais. Serigne Saliou parle de faits,il n’est pas dans les élucubrations partisanes.Idrissa Seck est une calamité, il serait même pire que Macky,disent ceux qui le connaissent, si jamais il prenait le pouvoir.Politiquement,il pense pas plus lourd qu »une plume de moineau. La realpolitik démontre tous les jours que le parti en action et en expansion est Pastef.Idrissa entouré d’anciens premiers ministres,de milliardaires…n’a eu son score que grâce à ce conglomérat hétéroclite de politiciens dont la plupart sont dans le deal avec Macky.Idy dou TOUSS sinon un indigne entrepreneur politique,opportuniste etnocif pour tout progrès politique au Senegal.

      • Comme Tocqueville nous y invite, cherchons davantage comme lui, une image de la démocratie qui réduit ses vices et augmente ses avantages. Nous devrions à cette fin élevée admettre, que l’autre puisse avoir un point de vue différent du nôtre, exclure la haine, la fougue des passions, et le lynchage médiatique de quiconque, bref tout excès et abus qui peuvent mener au désordre social et par conséquent à une perte partielle collective de notre marge de liberté d’expression, source admirable de partage et d’enrichissement de nos pensées.. La sympathie et l’antipathie doivent rester dans la mesure, les proportions balises, et des limites raisonnables. L’espace public et les réseaux sociaux doivent davantage servir à de plus nobles et sains dialogues. Par-dessus tout, nous sommes entre adversaires et partisans politiques, absolument non entre ennemis. L’amour entre nous, n’est-ce pas concilier nos différences pour la construction intelligente d’un destin commun?

  2. Analyse très objective, il est évident que pour ceux qui savent observer et cogitent bien, ce dialogue politique n’est qu’un tissu de vils complots, sur fond d’une toile de manipulations politiciennes. Encore une fois c’est une stratégie de plus visant à réduire l’opposition à sa plus simple expression, comme chantée par ailleurs au préalable par Macky Sall. Il est clair que la force de l’opposition actuelle réside dans sa capacité à taire ses divergences et à agir dans une dynamique unitaire, afin de régler les questions électorales de fond telles que le fichier, le processus électoral, la transparence des élections. C’est préférable pour eux que de se livrer à un débat futile portant sur le chef de l’opposition, qui constitue un cadeau empoisonné visant à appâter et à diviser cette opposition, déjà sujette à une certaine dispersion.
    En tout les cas il est grand temps pour nos opposants de descendre sur le terrain politique, porter les combats pour les revendications citoyennes et la défense des valeurs républicaines. Ce faisant ils gagneront à coup sur la sympathie d’une frange importante de la population, décidée à tourner le dos à ce régime de faussaires. C’est là tout l’intérêt de leur combat, gage de victoires probantes sur un adversaire commun.

  3. droit de réponse:
    SERIGNE SALIOU GUEYE : Ne vous déplaise !
    Quittez le bal masqué, vous vous êtes démasqué !

    Depuis quelques temps, des insinuations malsaines et des allusions mesquines, laissent croire que des négociations secrètes seraient en cours, entre Idrissa Seck (IDY) et Macky Sall pour soit-disant l’attribution du poste de chef de l’opposition ou soit-disant l’entrée de Rewmi dans un Gouvernement d’union nationale. Je devrais dire des calomnies, tant qu’elles sont infondées parce que dépourvues de toute réalité motivée par des faits irréfutables. Aucun iota de preuves ne vient justifier de telles allégations pour le moins mensongères.
    Monsieur Gueye, je vous savais observateur politique mais pas chroniqueur patenté, relayeur d’informations politiciennes servies par des politiques aux ambitions prétentieuses.
    Dans votre texte, vous avez planté le décor constitutionnel au sujet du statut de l’opposition : Article 58 de la Constitution : « La Constitution garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du Gouvernement le droit de s’opposer. La Constitution garantit à l’opposition un statut qui lui permet de s’acquitter de ses missions. La Loi définit ce statut et fixe les droits et devoirs y afférents ainsi que ceux du chef de l’opposition ». Vous admettez à raison que la Loi organique qui doit définir les droits de cette opposition n’est même pas encore à l’ordre du jour. Mais vous vous insinuez que le clan favorable à Idrissa Seck se focalise sur le statut de chef de l’opposition, uniquement dans le but de bénéficier « des avantages pécuniaires dévolus à son chef ». Et vous leur accolez le terme abject de « opposition collaborationniste », visant sournoisement Idrissa Seck, dont la stratégie du silence vous intrigue, vous impressionne et finit par vous désarçonner au point de perdre pied dans les boues mouvantes de la calomnie. Son mutisme répond à une méthodologie dans sa façon de communiquer, inspirée de la mythologie coranique. On sait que les versets du Coran sont descendus sur le Prophète SAW de manière graduelle, fragmentaire et circonstancielle. C’est donc la meilleure stratégie de communication qui soit, selon IDY. Une vision respectable qui ne mérite pas votre jugement hautain. Ce silence radio ne l’a pas empêché d’être arrivé 2e des dernières présidentielles contestées et d’être désigné chef de l’opposition, par une forte majorité de partis d’opposition et d’observateurs politiques que votre mépris ne saurait disqualifier. Ces partis n’étaient pas les chevaux qui tiraient le carrosse IDY2019, mais c’est la locomotive IDY qui tirait les wagons de « micro-partis Yobaléma » dans ces élections. Vos leçons en matière de pratique d’opposant ou de minière de s’opposer, seraient plus utiles aux novices qui étaient dans les bancs de l’école quand IDY propulsait Wade au Palais en tant que Directeur de campagne.
    Dans le « crash », attentat constitutionnel et électoral du Macky, les nains politiques que vous adoubez et qui donnent dans l’agitation et l’activisme sans résultats notables, étaient pourtant à bord de «l’ovni » ; Votre acronyme dédaigneux « ovni » par lequel vous désignez IDY est irrespectueux, pour un des hommes politiques le plus « identifié » dans la sphère politique sénégalaise. C’est l’homme politique dont le palmarès politique est le plus étoffé et le plus éloquent dans l’opposition (hormis Abdoulaye Wade). Pourquoi faites-vous abstraction à dessein de son itinéraire politique ? Vous voulez peut-être, à la suite des journalistes du « Messager » et de « Il est Midi » d’antan, en faire un « enterré-vivant » dans l’opinion. Faites-vous partie de ces plumes mercenaires, à la solde de politiciens encagoulés qui vous utilisent comme bras armé pour abattre l’adversaire ? Accusation peut-être injustifiée qui pourrait vous offusquer, mais qui répond à vos indélicates fautes de goût par des termes dégoûtants. « Collabo et 5e colonne» avez-vous dit à l’endroit des partis qui soutiennent Rewmi et son leader dans le dialogue politique. Que dites-vous de celui qui a signé un « armistice pétainiste » avec Macky à Massalikul Jinaan et au palais, après l’avoir traité de tous les noms de Djinns ? Cette fois-ci, il y a plus que des preuves, le poids des mots et le choc des photos faisant allégrement foi dans la presse. Un fin analyste politique aurait décrypté « l’appel au boycott » des présidentielles de Wade comme un refus de soutenir IDY et sa réconciliation avec Macky comme un espoir d’obtenir pour le prince Karim une éventuelle amnistie. Cela dépasse la hauteur de vos « analysettes », néologisme volontaire pour répondre à vos mots méprisants.
    Prenez garde, car la sortie politique inéluctable d’IDY, par ses dénégations et ses réfutations de certaines de vos théories complotistes, pourrait vous confondre et vous morfondre de honte. Rappelez-vous, IDY est dans l’opposition depuis 2004 après sa séparation avec Wade. Il est resté sourd à tous les chants de sirène et de réconciliation entonnés par le régime Macky et autres. Il avait participé à toutes les luttes, en avant-gardiste, contre le 3e mandat de Wade et le dauphinat dynastique. Le premier à quitter BENNO refusant avantages et privilèges, pour ne considérer que les principes républicains et démocratiques qui font avancer le modèle sénégalais et non ses propres intérêts. Le terrain de la contradiction politique lui est familier et pour l’activisme politique, il a déjà tant donné avant tous ces apprentis dont vous faites référence. Pour appuyer votre raisonnement, il faudrait en la matière donner le statut de chef de l’opposition à Guy Marius Sagna qui dame le pion à tout le monde. Convenons- en !
    Pourquoi alors après tant d’endurance et de sacrifices, IDY devrait-il aujourd’hui accepter le baiser de la mort avec Macky et qu’il a toujours refusé à Wade ? Je vous suggère d’orienter vos réflexions sur cette question, pour soigner votre cécité intellectuelle dans vos leçons de stratégie politique en ce qui concerne Idy. Et dorénavant vous avez tombé le masque, cher « Mascaradeur » !
    Chérif Ben Amar Ndiaye
    Rewmi France et RDS.
    [email protected]

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