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INFANTICIDE : Ces femmes qui tuent pour sauver un “honneur” perdu

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Après les « confessions » d’une dame qui a séjourné en prison pour infanticide (voir l’édition du week-end dernier), nous vous plongeons dans l’univers de ce crime qui coûte la vie à des êtres sans défense. Dans ce dossier, l’homme de la rue explique et condamne, l’expert décortique les raisons poussant à l’infanticide, un acte répréhensible qui laisse des traces dans l’organisme de la femme facilement décelables par la sage-femme ou le gynécologue.

Peur du déshonneur, pauvreté et égoïsme au pilori

Qu’est ce qui pousse nos femmes à abréger la vie de leur enfant qu’elles ont porté pendant neuf mois dans leur ventre ? Pauvreté ? Honte ? Peur de jeter l’opprobre sur la famille ? Rejet de leur partenaire en refusant d’assumer leur responsabilité ? Un tour dans les artères de la capitale sénégalaise nous a permis de lever un coin du voile.

DRAME récurrent au Sénégal, l’infanticide est devenu un phénomène fort traumatisant dans nos sociétés. La fréquence avec laquelle les médias relaient les faits d’infanticide montre à suffisance que le phénomène prend de l’ampleur. Les raisons avancées pour justifier un tel acte sont multiples. Pour certains, c’est surtout le refus des hommes à assumer leur responsabilités qui poussent la femme à commettre l’infanticide. D’autres par contre, ont évoqué, la pauvreté, le viol, les coutumes, la tradition sénégalaise et le manque de soutien familial comme principales causes de l’infanticide.

Selon Ayo Bâ, jeune étudiante à la faculté de lettres moderne à l’université de Dakar, c’est la pauvreté et surtout les réalités sénégalaises qui obligent la femme ou la jeune fille à commettre un infanticide. « La tradition sénégalaise voit d’un mauvais œil la conception d’enfant hors mariage. Les filles qui en sont victimes sont considérées comme des femmes de petite vertu. D’où une prise de panique de la part de la jeune fille, la peur d’assumer. Elles se disent que ‘’vont dire les parents, la famille, les voisins’’. Bref, autant de questions dont ils pensent que la solution finale est d’avorter ou d’éliminer le nouveau-né pour éviter l’opprobre sur la famille », indique-t-elle.

Alimatou Dimé, habitante de la Sicap Liberté 3 pense que c’est le fait de ne pas tolérer dans l’échelle des valeurs un enfant né hors mariage et surtout l’égoïsme des hommes « qui veulent tirer leur coup sur la copine alors que quand il s’agit de se marier, ils chercheront une fille vierge », que l’infanticide est commis par certaines femmes. « Là, l’infanticide devient un raccourci vers la renaissance, la seconde vie, un contournement d’un obstacle sur lequel on a buté accidentellement », dit-elle. Même son de cloche chez Famara Diatta qui soutient que la récurrence de l’infanticide au Sénégal est dû aux pesanteurs sociales. Mariama Sané évoque la pauvreté comme une des raisons fondamentales de l’infanticide. Elle fait partie des rares personnes qui pensent que seule la situation sociale difficile pousse certaines femmes à commettre l’infanticide. Pour elle, ces femmes choisissent de mettre fin à la vie de leurs bébés car ne pouvant pas subvenir à leurs propres besoins, elles se disent ne pas être prête à supporter d’autres dépenses inhérentes à l’entretien d’un enfant.

Le viol débouchant sur une grossesse peut pousser à l’infanticide, explique Seydou Tamba, délégué médical. Selon, M. Tamba, les femmes qui ont été victimes de viol ne veulent pas garder l’enfant pour éviter de se faire un cas de conscience. Salimata Sène, la trentaine d’âge entamée, trouve que certaines femmes commettent l’infanticide par simple égoïsme. « Elles ne veulent pas que le nouveau-né soit une entrave à leur vie future et ne sont pas encore prêtes à trimbaler avec elles un enfant », estime-t-elle. Prenant l’exemple sur les femmes de « modou-modou » (’immigrés), Salimata explique que souvent celles qui n’ont pas pu s’abstenir et ont fini par tomber enceintes commettent l’infanticide par peur de nuire à leur mariage. Un acte qu’elle déplore vivement. « Leur honneur l’emporte sur la vie du bébé et c’est malheureux », regrette-t-elle.

Toutefois nos interlocuteurs reconnaissent que les raisons évoquées ne sont pas des excuses valables pour commettre de tels actes. « Ces actes sont inhumains et regrettables », argue Famara Diatta qui préconise plutôt l’abandon du nouveau-né dans un endroit où il sera récupérable vivant. A défaut de pouvoir s’abstenir, Mme Sall indique que la jeune fille tout comme l’homme auteur de la grossesse doivent assumer leur responsabilité, quelque soit la situation sociale traversée. Salimata pense qu’il faut sensibiliser les jeunes filles à prendre des précautions pour ne pas tomber enceintes et surtout les parents pour qu’ils soutiennent leurs enfants tombées enceintes. « Ceci pourra apaiser le désarroi et le désespoir de la fille et lui éviter de commettre l’infanticide », pense-t-elle. La solution n’est pas de répudier la jeune fille en état de grossesse comme beaucoup de parents ont l’habitude de faire, dit-elle. « Quand le vin est tiré il faut le boire », ajoute Salimata. « Les parents doivent accompagner moralement leurs jeunes filles jusqu’à ce qu’elles accouchent dans de bonnes conditions, quitte à ce qu’ils confient à la naissance le bébé à une garderie d’enfants lorsqu’ils ne disposent pas de moyens de le nourrir l’enfant », rétorque une autre dame qui a requis l’anonymat.

Quand à Mariama Sané, elle pense que la prévention de l’infanticide nécessite une meilleure éducation et une information sur les textes de loi. Mais encore une meilleure sensibilisation et une conscientisation des femmes ou des filles coupables d’infanticides. Elle va jusqu’à proposer une dénonciation des auteurs de grossesse et une poursuite judiciaire de ces derniers, pour lutter contre le fléau.

Maguette GUEYE DIEDHIOU

LESOLEIL.SN

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