La conférence mondiale sur l’intelligence artificielle se tient du 29 au 31 août à Shanghai. Si les principales avancées dans le domaine viennent des États-Unis, de la Chine et de l’Europe, le continent africain ne veut plus rester à la traîne et entend aussi embrasser la quatrième révolution industrielle.
Partout dans le monde, l’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus prisée. La science-fiction d’hier est devenue la réalité d’aujourd’hui avec des machines capables de réaliser des tâches que l’homme accomplit, comme ce robot présentant le journal à la télévision chinoise. Mais alors que les États-Unis, la Chine et l’Europe ont pris une avance dans le domaine, l’Afrique accuse toujours un sérieux retard.
En décembre dernier, l’Unesco a d’ailleurs organisé le premier forum en Afrique consacré à l’intelligence artificielle, à l’Université polytechnique de Benguérir au Maroc. L’objectif était de développer une réflexion avec et par les acteurs africains pour faire de l’intelligence artificielle un levier de développement sur le continent.
Des applications en agriculture, santé…
Selon une étude du cabinet Deloitte de 2018, l’Afrique comptera 660 millions d’Africains connectés grâce à un smartphone en 2020, soit le double par rapport à 2016 (336 millions). Cela signifie plus de données à collecter, permettant à l’IA d’occuper une place plus importante : « L’Afrique est en retard mais il y a une dynamique forte, avec beaucoup de start-up. Il y a un vrai enjeu dans le domaine de la santé, pour faciliter l’accès aux soins. Au Kenya par exemple, il y a une start-up qui, grâce à l’IA, peut détecter les cancers de la peau à l’aide de photos prises sur smartphone », détaille Karim Koundi, associé à Deloitte Afrique francophone, responsable des activités TMT (technologies, médias et télécommunications).
Outre la santé, d’autres domaines font appel à cette technologie : « Dans le domaine de l’agriculture, il y a aussi des applications utilisant l’IA pour optimiser la quantité d’eau. Celle-ci est aussi présente dans le secteur de l’énergie. Le solaire est la principale énergie qui va se développer en Afrique sur les prochaines années et il y a beaucoup d’applications utilisant l’IA qui sont en train d’émerger. »
Facebook est aussi de la partie. Avec l’aide de chercheurs du Center for International Earth Science Information Network (CIESIN) de l’Université de Colombia, la société a notamment cartographié la densité de la population africaine, en avril dernier. Un travail de haute précision grâce à des algorithmes qui ont passé au crible plus de 11 milliards d’images. Ces données peuvent se révéler précieuses pour les organisations humanitaires, comme en cas de catastrophe naturelle.
Un marché prometteur pour les géants du numérique
Car si des initiatives locales et indépendantes existent, le développement de l’IA en Afrique passera par les GAFA, disposant de moyens considérables. Pour les géants du numérique, le continent africain constitue un immense marché. Le 13 avril dernier, le centre de Google sur l’IA a ouvert ses portes à Accra, au Ghana. Une première en Afrique pour la firme de Mountain View qui possède d’autres centres dédiés à l’IA dans le monde (Amérique du Nord, Europe, Asie, Israël). Grâce à l’IA, Google espère, entre autres, améliorer ses moyens de traduction, les langues africaines étant mal représentées sur Translate, son service de traduction automatique. L’IA pourrait alors constituer un moyen pour faciliter l’accès à l’information entre les pays du continent.
Afin de développer de nouveaux projets reposant sur l’IA, l’Afrique doit nécessairement pouvoir tirer avantage des big data (mégadonnées). En mars dernier, Microsoft a ainsi ouvert deux data centers en Afrique du Sud (au Cap et à Johannesburg). IBM y avait déjà ouvert son premier data center Cloud en Afrique, en 2016. Amazon prévoit également d’en ouvrir un dans le pays, d’ici à 2020. Ces data centers sont essentiels car ils permettent de réduire les distances que doivent parcourir les données.
« Le continent est de plus en plus connecté, c’est un marché immense pour les GAFA en termes de consommation. S’installer en Afrique leur permet de développer leur propre écosystème, et développer des applications et contenus spécifiques aux besoins africains », explique Karim Koundi.
« L’intérêt pour eux est aussi de mettre la main sur ces nouveaux types d’application, il y a une fuite de la valeur. Mais ils font attention, en contrepartie, ils ouvrent un écosystème et permettent aux développeurs locaux de développer leurs applis, les compétences. Le point clé est de dynamiser le système d’innovation, développer les compétences. Les gouvernements doivent investir sur cet axe », ajoute-t-il.
« On a intérêt à investir dans la recherche pour explorer de nouvelles applications liées à l’intelligence artificielle […] On va essayer de réduire la fracture numérique pour que tout le monde puisse bénéficier au même niveau des retombées de l’intelligence artificielle », déclarait d’ailleurs en février dernier Chérif Diallo, directeur des technologies de l’information et de la communication au ministère de l’Économie numérique et des Télécommunication au Sénégal, à l’occasion des travaux de l’UNESCO sur l’IA.
De nouvelles formations en IA sur le continent
Si une grande partie des étudiants africains en IA partent se former à l’étranger, de nouvelles formations commencent à émerger sur le continent. En octobre dernier, l’Institut africain des sciences mathématiques (Aims) de Kigali a lancé un master en intelligence artificielle sur son campus de la capitale rwandaise. Le fondateur et directeur du programme n’est autre que le professeur sénégalais Moustapha Cissé, directeur du Centre Google d’IA au Ghana. La formation est réalisée en partenariat avec Facebook et Google, et une extension du programme dans d’autres pays africains est prévue.
Dès le mois de septembre prochain, une école d’intelligence artificielle ouvrira également au Maroc : l’École Euromed d’Ingénierie digitale et d’Intelligence artificielle (EIDIA), nouveau pôle de l’Université Euromed de Fès (UEMF).
Cette école, qui se veut « la première du genre au Maroc et en Afrique », proposera des cours de robotique, big data, cyber-sécurité… Le diplôme d’ingénieur sera validé en cinq ans. Un accord de coopération a été signé le 12 juillet dernier avec la prestigieuse École Poytechnique (l’X) en France qui contribuera au développement de l’EIDIA.
Source: RFI