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«J’ai choisi de donner ma fille en mariage de peur qu’elle ne contracte une grossesse».

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Awa Dandio, une écolière âgée de seulement 12 ans, a été sauvée de justesse des affres du mariage précoce. Cueillie de force dans sa classe de CM1 à l’école de (village) Koulinto, contre la volonté de son maître, ses camarades de classe et tout le personnel de l’établissement, elle a été livrée pieds et mains joints (elle a été ligotée) à son bourreau de mari dans le village de Tabassaye, près de la commune de Dabo. Cela s’est passé dans le département de Médina Yoro Foula, région de Kolda.

Heureusement, ce mariage ne sera pas consommé, puisque cassé à temps. La gendarmerie est intervenue pour parer au pire. Aux dernières nouvelles, la jeune orpheline de père et de mère a été remise à sa famille, mais cette fois-ci placée sous la coresponsabilité de son oncle (adoptif) et du président du Conseil rural.
Awa Dandio qui est toujours première de sa classe, peut désormais batailler ferme pour la réalisation de son rêve: «Son seul objectif est de devenir une docteur gynécologue», selon ses camarades. La mobilisation du monde de l’éducation, de la presse et autres défenseurs de la scolarisation des filles (sco-fille), des droits de l’homme et la promptitude des autorités sont passées par là.

Quelle chance ! Serait-on tenté de dire si l’on sait que dans cette région, l’une des plus pauvres du Sénégal, tout comme des zones périphériques, le phénomène des mariages précoces, pourtant puni par la loi, et des grossesses précoces, restent d’actualité et constituent un frein au maintien des filles à l’écoles. Les combats des associations Ong et autres mouvements qui s’activent pour la scolarisation et le maintien des filles à l’école n’y feront rien.

Rares sont les écolières qui dépassent la classe de CM2 ou le niveau du BFM, pour les plus chanceuses, sans être mariées de force, contre même leur volonté. Et, gare à celle qui osera tenir tête, au risque non seulement de déshonorer les siens, mais aussi bannie par les siens, tout comme sa mère, si jamais cette dernière manifeste le moindre soutien à sa fille. Pourtant, à l’image de Awa Dandio, elles bénéficient toutes ou presque du même témoignage de la part de leur enseignants et camarades de classe: ce sont des élèves brillantes, qui ont un bon niveau.

Le mal est plus profond
Restons dans la région de Kolda car ce phénomène a toujours été préoccupant au Fouladou où des centaines voire des milliers de jeunes filles ont vu leur carrière scolaire brisé brusquement par la volonté d’ascendants peu soucieux des droits de l’enfant et de la loi. Ces dernières, n’ayant pas eu la même chance que Awa Dandio, ont porté seules leurs combats en vain. Des fois, pour l’essentiel, les inspections départementales et d’académies n’en sont même pas informées. Malheureusement elles finissent très tôt par devenir des fillettes-mères.

A titre d’exemple, déjà en 2007, Mme Taïbu Baldé, le point focal du FAWE, une des membres actifs d’organisations qui militent également pour la scolarité des filles, déplorait 111 cas de grossesses précoces et 58 de mariages forcés recensés dans les établissements scolaires de la région, rien que pour le premier semestre de cette année-là. Il s’agit ici de cas officiellement déclarés et ne prenant pas en compte ceux non déclarés et étouffés par les parents des jeunes filles.

Les victimes sont principalement des élèves âgées de 12 à 17 ans, dont certains cas enregistrés dans le cycle élémentaire. D’ailleurs, certaines filles en classe d’examen dont les mariages sont célébrées pendant les grandes vacances réussissent (à leur examen), mais n’ont plus la possibilité d’en jouir, puisque désormais «femme au foyer».

Conséquence, ces mariages précoces ont des incidences particulièrement graves sur la santé physique des victimes (accouchement difficile, mortalité maternelle, etc.), mentale (troubles psychologiques, dépressions, etc.), déperdition scolaire, etc. Pis, vue son ampleur, le phénomène aboutit à des cas de suicides de plus en plus récurrents chez les jeunes écolières. Non seulement des victimes de grossesses précoces mettent fin à leur vie, mais aussi celles mariées de force à bas âges se donnent souvent la mort plutôt que de consommer le mariage, regrettait Taïbou Baldé.

Des enseignants véreux
Cette tournure tragique des choses ne semble en rien entamer la détermination de parents pour, disent-ils, sauver l’honneur de leur famille. Bref, les mobiles des mariages précoces résultent de l’inquiétude permanente des parents de voir leur fille victime de grossesse au cours de leur célibat. Donc le mariage précoce pour prévenir la grossesse. En atteste, cette sortie d’un quinquagénaire, lors d’un atelier sur les mariages et grossesses précoces tenu à Vélingara l’année dernière: «J’ai choisi de donner ma fille en mariage de peur qu’elle ne contracte une grossesse». Car, « ce serait une honte pour ma famille et pour toute ma lignée».

Cette «justification», même si elle ne peut tenir la route, mérite que l’on s’y attarde. Dans bon nombre de zones périphériques, des enseignants censés servir d’exemple, de modèle, inculquer les valeurs et vertus, sont souvent mis en cause dans des cas de grossesses non désirées sur des gamines, fussent-elles au collège. Ces éducateurs restent impunis parce que la pauvreté aidant, ils réussissent à corrompre les parents de la pauvre petite pour étouffer l’affaire.

Aussi, pour ce qui est des rares cas de mariages forcés ou de grossesses précoces qui arrivent au tribunal, par la même complicité des parents avec les auteurs de ces actes «ignobles», Taïbou Baldé déplore la complicité des parents avec les auteurs de ces actes « ignobles ». Ils n’hésitent pas à proposer de l’argent aux parents de la jeune fille pour étouffer le problème ou retirer tout bonnement la plainte. Car ces derniers n’hésitent pas à proposer de l’argent aux parents de la jeune fille pour étouffer le problème ou retirer tout bonnement la plainte. D’autres raisons sont avancées telle la vieillesse de la mère ou du père de famille.

Ce qui complique le combat contre ce fléau dans une région aux traditions culturelles profondes. S’y ajoutent des soubassements religieux et la pauvreté pour justifier de tels actes.

Or, au Sénégal, l’âge légal de mariage est de 18 ans pour le garçon et 16 ans pour la fille. Toutefois, certains ne cessent de se battre pour qu’il soit fixé à 18 ans pour la fille. En attendant l’effectivité de la prise à bras-le-corps du phénomène, Awa Dandio n’est qu’une victime qui cache des milliers d’autres anonymes.

awa

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