À la question de Radio France Internationale (RFI/Appels sur l’actualité) du 30 décembre 2014, j’ai répondu sans hésiter: «Ma personnalité de l’année, c’est la Jeunesse Burkinabè». Certes, chacune des composantes de la société burkinabè (partis politiques, syndicats, organisation de femmes, gens des médias, citoyens et citoyennes anonymes, etc.) a joué sa part de la partition, mais, c’est la jeunesse qui a été le fer de lance de la révolution 2014 au Burkina Faso, la Patrie des hommes (et des femmes) intègres.
Avec la patience des araignées, l’avant-garde de la jeunesse burkinabè, le Balai citoyen a tissé durant quatre ans (2010-2014) la toile de la résistance au « tripatouillage » de la Constitution de leur pays. Le jour du soulèvement venu, nul n’a hésité à aller au devant des balles et des bombes lacrymogènes.
Comme Mohamed BOUAZZI sur cette autre terre africaine qu’est la Tunisie,
chacun était prêt à donner sa vie pour que le Burkina accède à la liberté et emprunte la voie de la démocratie et du développement durable. C’était le cas en 2011 avec le Mouvement « Yen a marre » au Sénégal.
Du Nord au Sud du Sahara, les jeunes de l’Afrique ont ainsi démontré au monde qu’en plus de leur importance quantitative (60% de la population de leur continent), ils/elles ont une importance qualitative.
C’est dire que la grande majorité de la jeunesse africaine ne constitue pas un problème, elle fait plutôt partie de la solution de la sortie de l’Afrique de la mauvaise gouvernance et du mal développement. Ce, à condition qu’on la mette en valeur à travers l’éducation, la formation, l’accès aux emplois, aux subventions de leurs entreprises et de leurs projets, etc. C’est là le défi de l’Afrique et celui de la Communauté internationale.
Déjà dans sa vision de lavenir des sociétés, Barack Obama a pris l’initiative de valoriser cette jeunesse africaine à travers le Programme "Mandela Washington Fellowship" destiné aux jeunes Leaders africains. Il en a invité 500 à passer six semaines dans les universités américaines, puis, au Sommet États-Unis/Afrique à Washington les 5 et 6 août 2014 auquel participaient 48 chefs d
États africains autour du thème «Investir dans la prochaine génération». En 2016, il compte doubler ce nombre de jeunes africains à accueillir en terre américaine.
Du côté de l’Europe, le rapport de monsieur Jacques Attali préconise que la Francophonie développe son potentiel économique et soutienne la jeunesse francophone composée en majorité de jeunes Africain-e-s. Ce, à travers l’octroi de bourses, l’accueil de stagiaires, les échanges interuniversitaires d’étudiant-e-s, de professeur-e-s, de développement d’emplois, etc.
Cette option rejoint d’ailleurs celle de la nouvelle Secrétaire générale de la Francophonie,
madame Michaëlle JEAN. Si l’exemple d’Obama est suivi, les recommandations de Jacques Attali sont appliquées, les promesses électorales des Chefs d’États africains de créer des emplois pour les jeunes sont tenues, la valorisation de la jeunesse africaine sera effective et l’Afrique en sortira gagnante.
Par ailleurs, il n’est pas logique que des peuples composés de 60% de jeunes soient dirigés à plus de 60% par des grands-pères de 70 ans et plus. Comme pour les femmes, au nom de l’égalité et de l’équité, je plaide pour que la jeunesse africaine accède aux instances de décision politiques tant dans leur pays respectifs que dans les organisations continentales et sous-régionales de l’Afrique. Certes les porte-paroles de « Y en a marre » et du Balai citoyen estiment comme l’exprimait Me Ki Hervé Kam au micro de RFI le lundi 29 décembre que : «leur ambition n’est pas de prendre le pouvoir mais d’être des sentinelles qui surveillent ceux qui l’exercent.» Cette position est tout à leur honneur, car, elle démontre leur désintéressement et leur patriotisme.
Cependant, pour le gouvernement de transition au Burkina Faso elle peut tenir, mais à l’avenir elle ne justifierait plus. Car, une sentinelle se tient à la porte et les décisions se tiennent à l’intérieur des assemblées nationales, derrière les portes closes des conseils de ministres, des municipalités, etc. Et, comme le disait Nelson Mandela : «tout ce qui se décide sans toi, se décide contre toi» Alors, la jeunesse africaine ne doit plus laisser des dirigeants politiques d’un autre âge décider de leur présent et de leur avenir. Il est temps qu’elle commence à prendre part aux décisions politiques qui vont réglementer leurs vies. Pour ce, ils ont suffisamment prouvé leur intelligence et leur sens de responsabilité.
En attendant, déclarons simplement la Jeunesse du Burkina Faso, personnalité de l’année 2014.
Osons même la baptiser JEUNESSE SANKARiste. Car, elle est le pur produit de la graine semée par Thomas Sankara durant sa courte présidence, mais, suffisamment profonde pour qu’elle germe et donne une fleur aussi belle que la jeunesse burkinabè.
Docteure LY-Tall, Aoua Bocar
Sociologue, Auteure, Analyste et
Chercheure associée à l’Institut des Études féministes et du Genre, Université d’Ottawa, CANADA
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