L’ honorable bonnet du député (Par Madou Kane)

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Le capital culturel qui est l’ensemble des ressources et expressions culturelles, repose sur le patrimoine et la création. Le patrimoine est l’héritage culturel lié à l’histoire. Il résulte d’un processus de production, d’appropriation et de transmission installé par le groupe social. Il est dans une dynamique de conservation, de valorisation et de recréation.
La création résulte des capacités de produire des biens ou du sens en fonction des réalités et des besoins du groupe et bien entendu de l’individu appartenant forcément à une entité sociale.
Le legs historique qui est constitutif du patrimoine dépend des facteurs sociaux assujettis à la dynamique historique interne, mais aussi de facteurs exogènes impliquant des contacts ou des échanges. Ainsi la diffusion de productions culturelles vers d’autres espaces géographiques est un paramètre très actif dans la constitution du capital culturel. Ce diffusionnisme se révèle dans les expressions culturelles ( langues, religions, techniques, arts…) essentiellement. Autrement ces transferts de biens, de pratiques et de sens accompagnent les moteurs fonctionnels de l’histoire comme la guerre, la colonisation, l’évangélisation, l’islamisation, l’urbanisation, l’éducation, la communication, les migrations, la mondialisation, etc…
Ces réalités mouvantes des cultures conduisent aux phénomènes relatifs à l’acculturation,à l’assimilation, au métissage ou au syncrétisme. La capacité des peuples à intégrer dans leurs patrimoines des éléments produits sous d’autres cieux ou à les rejeter dépend de leurs niveaux d’enracinement et d’ouverture mais également du contexte et des perspectives.
Des exemples de patrimonialisation presque abouti, de biens matériels ou immatériels foisonnent dans nos patrimoines technologique, linguistique ou culinaire, comme la culture et les formes d’exploitation de l’arachide introduite en 1846, la préparation et la consommation du ataya, la préparation du ceebu jeen , l’usage de termes empruntés à d’autres langues, l’organisation de manifestations culturelles tropicalisées…
La perruque blonde portée par certains magistrats noirs anglophones, le port du casque colonial, la robe de l’avocat ou du magistrat, la toge du professeur ou du diplomé perpétuent des traditions entretenues par des corporations qui n’ont pas complètement rompues avec le joug colonial.
Il est évident que les peuples dominés ou à faible capacité de création, en dépit de leurs velléités de résilience, ont tendance à intégrer plus facilement les apports culturels exogènes. Le même constat se retrouve dans l’économie, le commerce, la médecine parmi d’autres, qui sont des activités humaines donc foncièrement culturelles, si on se réfère au fait que la culture est tout ce qui résulte de l’être humain en terme de pensée, d’activités et de sensations.
Le cas du bonnet de l’honorable député Sambou illustre un emprunt parfaitement intégré dans le patrimoine de l’espace géographique du Kassa. Le couvre-chef qui serait inspiré du bonnet de marins occidentaux y est recrée et trouve un sens spécifique que la communauté lui octroie. Dans cette perspective le fameux chapeau d’apparat est un bien qui magnifie un patrimoine dans toute sa complexité. Un parfait modèle d’un libre choix identitaire qui montre la voie à l’universalisme sans contrainte.
Ce cas d’école pose la question d’une meilleure connaissance- appropriation du patrimoine en mettant en lumière les insuffisances de la prise en charge de la valeur d’existence du patrimoine culturel. La reconnaissance et la gestion de cette valeur nécessite une forte implication des communautés et des pouvoirs publics responsables de la documentation, la conservation et la gestion des biens culturels dans le cadre de systèmes sociaux opérationnels et d’institutions du patrimoine assumant les fonctions afférentes. La valeur d’existence induit la valeur d’usage qui repose sur les dispositifs permettant aux différents publics, dépositaires, bénéficiaires et usagers d’accéder aux biens patrimoniaux en terme de médiation et d’interprétation à des fins de connaissance, d’inspiration, de fréquentation, de visite etc.
L’existence préservée et les usages sociaux et économiques des ressources patrimoniales induisent la valeur de développement qui impacte les populations et les territoires avec le concours des outils de valorisation.
Il est clair que la révolution culturelle n’est pas la négation des apports extérieurs mais la capacité de produire en fonction des ressources, des besoins et des réalités des peuples. Par conséquent, le rayonnement culturel est dans la production de biens et de sens.
Madou KANE

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