La bataille d’Abidjan pour le contrôle de la télévision d’Etat ivoirienne a fait jeudi au moins onze morts, mais les
partisans d’Alassane Ouattara, qui contestent la légitimité de Laurent Gbagbo, ont réaffirmé leur volonté de l’écarter du pouvoir.
Des milliers de personnes étaient descendues dans les rues jeudi matin à
l’appel de Guillaume Soro, Premier ministre de Ouattara, pour installer un
nouveau directeur à la tête de la radio-télévision RTI, pilier du régime
Gbagbo.
Cette marche marquait une étape majeure dans le combat pour le pouvoir que
se livrent les deux présidents proclamés à l’issue de l’élection du 28
novembre.
Mais les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à Gbagbo ont mis en
échec leur tentative, en bouclant la RTI, dans le quartier chic de Cocody,
avec un impressionnant dispositif de sécurité et en dispersant les
manifestants à la sortie des quartiers.
Selon Amnesty International, des tirs des forces de l’ordre ont fait au
moins neuf tués parmi les manifestants et 80 blessés pour la Croix-Rouge.
Le camp Ouattara a fait état « d’une trentaine de morts et de 110 blessés »
et le gouvernement Gbagbo d’au moins vingt morts, dix manifestants et dix
membres des FDS, sans que ces chiffres puissent être confirmés.
Le gouvernement Soro, qui prévoyait de prendre la tête de la marche sur la
RTI, n’a même pas pu sortir de l’hôtel où il est retranché.
En fin de matinée, de vifs échanges de tirs ont eu lieu à proximité de
l’hôtel du Golf, entre combattants de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN)
– dirigée par Soro et qui tient le nord du pays depuis 2002 – et forces
pro-Gbagbo.
Mais les FN n’ont pu lever un barrage sur la route qui passe devant l’hôtel
pour conduire à la RTI. Les anciens rebelles ont eu à déplorer « deux morts » et
« un blessé » dans leurs rangs, a indiqué l’entourage de Soro.
A Washington, le département d’Etat a indiqué qu’une roquette a touché
l’enceinte extérieure de l’ambassade des Etats-Unis à proximité de la zone de
combat, sans faire de victime.
L’ONU a annoncé à New York que 800 Casques bleus avaient pris position
autour de l’hôtel du Golf, alors que Ouattara est reconnu président légitime
par la communauté internationale, Nations unies en tête.
Malgré l’échec de jeudi, Soro a annoncé la reprise vendredi de la marche
sur la RTI ainsi que sur le siège du gouvernement, au risque d’un nouveau bain
de sang.
« Demain nous irons à la RTI et la Primature », a juré celui qui durant la
journée avait exhorté les Ivoiriens « à ne pas se laisser distraire par cette
dictature des chars, et à réclamer la liberté de l’information pluraliste par
les médias d’Etat ».
Dans le même temps, la perspective d’un choc entre FN et FDS sur l’ancienne
ligne de front de 2002-2003 se précisait.
Des échanges de tirs ont ainsi eu lieu à deux reprises jeudi à Tiébissou
(centre) alors que des éléments FN faisaient mouvement, sans succès, vers le
sud en direction de la capitale politique Yamoussoukro.
Tandis que la France a appelé à la retenue tout en soutenant de nouveau
Ouattara, les Etats-Unis se sont montrés menaçants.
Gbagbo dispose d’un « temps limité » pour céder le pouvoir et il en est
conscient, a affirmé jeudi un haut responsable américain.
La Côte d’Ivoire est plongée de nouveau dans la tourmente depuis le scrutin
qui était censé pourtant clore une décennie de crises politico-militaires.
Ouattara a été désigné vainqueur de la présidentielle par la commission
électorale, mais le Conseil constitutionnel, acquis au sortant, a invalidé ces
résultats et proclamé la victoire de Gbagbo.
afp
La bataille de la TV à Abidjan fait au moins 11 tués, Ouattara persiste
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