Dans son différend avec Abdoulaye Wade, Idrissa Seck n’a jamais pris l’initiative de la démission. Il a toujours attendu qu’il en soit exclu pour bénéficier de la sympathie des Sénégalais. Avec Macky Sall et l’Apr, c’est le même scénario qu’il semble vouloir reproduire. La communication, c’est l’autre bataille à laquelle il soumet celui qu’il veut remplacer.
Derrière la polémique entre rewmistes et apéristes, née de l’impertinence du communiqué du Secrétariat national (Sn) du parti de Idrissa Seck, il y a l’autre guerre qui se déroule entre les deux partis : celle de la communication. Au seul et petit communiqué de Rewmi rappelant à l’ordre, répondent plusieurs réactions de l’Apr refusant le désordre. Et voilà qui installe un malaise au sommet, au point de dicter une communication de crise. Le maire de Thiès est un apôtre des longs silences et adore imprimer, par de petits mots et gestes, son talent de meneur de débat. Longtemps objet de débat dans les intrigues du palais, de l’Apr et de Benno bokk yaakaar, le voici qui donne de la voix, traçant sa voie de la rupture- pas celle prônée par Macky Sall- avec ses alliés.
Entre exclusion et «auto-exclusion»
Idrissa Seck a appris une leçon de Abdoulaye Wade : se laisser exclure plutôt que de claquer la porte. Mais surtout pousser l’adversaire à la faute, comme il l’avait fait avec le Pds et Abdoulaye Wade qui, ne pouvant plus supporter sa ruse, avaient dû réinventer l’«auto-exclusion» et se débarrasser de lui. Le Pds avait senti l’odeur de la manœuvre puisque Seck arborait sa veste de responsable libéral et jouait à la victimisation continue qui l’a propulsé au rang d’opposant «naturel» en 2007, derrière Wade et devant Niasse et Tanor. Cette tactique de l’exclusion provoquée, le leader de l’Afp, alors Premier ministre, Abdoulaye Bathily en ont récolté les fruits puisque c’est de leur statut de «martyres» politiques du régime Wade qu’ils ont eu un capital sympathie non négligeable.
Le traquenard
L’Apr a-t-il compris le traquenard ? Son président oui, mais pas si sûr pour le cas des militants. Vont-ils prendre les devants en défenestrant Rewmi de Bby et du gouvernement ? C’est ce que nombre des cadres «républicains» souhaitent car ce sera, sans doute, une opportunité pour eux de combler le trou gouvernemental, si les deux ministres rewmistes devaient partir. En tout état de cause, les responsables de l’Apr ont emprunté la solidarité chevènementiste (de Jean Pierre Chevène-ment) : «Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne !» C’est valable pour un allié, fut-il un non membre du gouvernement. Les sorties de la Ld et du leader de Aj version Landing Savané ressemblent à un avertissement contre le parti au pouvoir. Les camarades de Abdoulaye Bathily estiment que la coalition Benno bokk yaakaar «doit fonctionner dans le respect des différences», alors que Savané est d’avis que Rewmi est un «parti souverain qui a parfaitement le droit de se prononcer sur toutes les questions nationales». C’est dit ! Les autres ne manqueront pas d’utiliser le ton de la critique «objective» et «responsable», comme le suggérerait l’Apr. La com’ politique fait son chemin. Qui contournera l’embuscade ?
lequotidien.sn
Communication et intellectualisme opportuniste
Un bien grand mot. Un masque de théâtre. Une marque de fabrique très emphatique, utilisée fréquemment en politique pour coopter l’auditoire présumé crédule. La Com est une dialectique. La Com est l’ensemble des stratégies élaborées au service d’un homme politique, de manière à orienter le public pour qu’il adhère, en faisant cause et fait de ce dernier. C’est une philosophie, un art qui s’acquiert.
Le communicateur est un idéologue habile, un professionnel émérite, réquisitionné pour les besoins du service. Mais, ici, il est envoyé aux charbons par l’entregent de son maître, à dessein d’arrondir les angles et cintrer les coins, après les charrettes d’inepties incommensurables. C’est un maître dans l’art des mensonges adroits. Ce qui l’intéresse de prime abord, c’est le surmoi, c’est-à-dire, l’idolâtrie de sa propre personne imbue, qu’il se fait de lui-même, en tant que symbole des bonnes causes, qu’il est sensé être, par lequel il trace une objectivation distillée dans les consciences par la mécanique des pirouettes, espérant créer, ainsi, le déclic et l’adhésion du citoyen, jusque là sceptique, sur les réelles motivations de ceux qui les gouvernent. En fait, l’objectif majeur, c’est de retourner l’opinion publique, dubitative, en faveur de son envoyeur. C’est sa mission. C’est un imposteur à l’apparence respectable. C’est le résultat qui compte.
Le plus souvent, il retourne sa veste en fonction du climat, selon qu’il soit en bonne posture, au bon moment et au bon endroit. Dans nos sociétés abâtardies politiquement, hier, le pourfendeur incurable, sans merci, se métamorphose en caméléon, en griot assermenté du maître momentané du palais. C’est un opportuniste qui vend sa plume aux plus offrants. Il confond sciemment opportunisme et intellectualisme. C’est un génie de la contrefaçon, contreproductive, un pressoir impénitent, agissant au gré du vent, selon ses propres pulsions. Oui, mais qui sont donc ces professeurs émérites, docteurs ès lettres, dans l’art des dithyrambes et qui mutent constamment comme des serpents ?
Dans notre pays, il y en a à la pelle. Un intellectuel n’est pas un ramassis de connaissances mécaniques, abstraites, au service du politique, mais plutôt, une personne dont l’activité repose sur l’exercice de l’intelligence, qui s’engage dans la sphère publique pour faire part de ses analyses, de ses points de vue sur les sujets les plus variés, où défendre des valeurs, et qui dispose d’une forme d’autorité, par rapport à son intime conviction et parfois même, au péril de sa vie.
En apparence, le rhétoricien est perçu comme un serviteur, un sauveur, un véritable savant crédible et intègre intellectuellement. C’est une simple vue de l’esprit. C’est un mercenaire de service, à la différence de l’intellectuel de pure souche. Il n’y a point de bons communicateurs, il n’y a que des transmetteurs habiles. Ce sont des écrans de fumée. La politique n’est jamais une science exacte, c’est une ruse.
La surabondance communicative est calquée sur le modèle de la Grèce antique. Ce sont des intellectuels de haute stature, respectable, chargés de prêcher les bonnes paroles pour séduire le grand public sensé être acquis d’avance. Ils ont des dispositions très soutenues en philosophie et en culture générale. Ils ont le sens de l’éloquence par le verbe percutant et le poids des mots. C’est ça la rhétorique ! Ce sont des gourous, des charlatans, des sorciers modernes du savoir pour faire l’affaire et la promotion du politique, employeur. Le communicateur politique est en réalité, ce que représente le charlatan pour le client lambda sénégalais. C’est de l’hypnose intellectuelle par la séduction. Le discours imparable ne doit pas laisser indifférent. Ce n’est pas une science absolue. C’est un masque de théâtre. Le rhéteur lui-même sait qu’il est écouté, apprécié, adulé, puisqu’il considère que sa parole a de l’emprise sur son assistance. Il utilise les mots clés par la dialectique. Pour cela, il est nécessaire de disposer d’une mémoire prodigieuse et d’user des symboles, des paraboles, des anaphores, pour arriver à ses fins, quitte même à transformer le mensonge en vérité. La fin justifie les moyens. La percussion médiatico-politique d’un professionnel de la Com n’y fera rien, au contraire, elle y laissera sa peau au nom de la morale collective.
Peu ou prou les qualités d’un pompier de service, le régime des calots marron – symbole d’un cheval plus rapide que la vitesse de la lumière et du son réunie, ont crée eux-mêmes les conditions obligatoires de leur propre chaos, dont ils sont les seuls organisateurs devant l’histoire. Peu importe qu’ils fussent l’estocade contre la dévolution monarchique du wadisme, cela ne suffira pas à anesthésier durablement le moral déjà en berne depuis belle lurette. Le gouvernement empêtré dans ses contradictions les plus saillantes, ne pourra nullement faire l’économie de son amateurisme, en appelant à la rescousse, un conseiller, de quelque école qu’il soit, à dessein de calmer le climat délétère, totalement irréversible. C’est une illusion monumentale que de croire pouvoir enterrer la colère de tout un peuple, vent debout contre des mystifications. Une utopie.
De telles absurdités dans un pays civilisé politiquement, auraient de quoi hâter les valises de ceux qui ne sont point à la hauteur, par leurs forfaitures manifestement ostensibles. Ni un prestataire de service médiatique, hors du commun, sorti de n’importe quelle école des sorciers, de quelque nature que ce soit, ni un présumé mastodonte de la Com, pas même un gourou extra terrestre, venu du ciel ou de la planète mars, aussi talentueux et volontariste, qu’il soit, ne pourront influer sur le spectacle ubuesque, qui se passe sous nos yeux, encore moins d’éblouir le peuple tout entier, bien édifié sur la vraie nature de ce pouvoir aux allures obscures.
On se demande même si ce régime ne prend pas les citoyens pour des moutons tondus, qui gobent et n’importe quoi. Fini le temps des rhéteurs face à un auditoire inculte et malléable à merci. Comment peut-on pistonner toute une famille, des courtisans et venir nous tarabiscoter avec une litanie de Taratata verbeuse et creuse d’une prétendue bonne gouvernance, dans un ciel obscurci ? Les sénégalais sont-ils assez désertiques en matière grise, pour se laisser emberlificoter dans la trajectoire du politiquement incapable, qui se soustrait face à ses responsabilités ?
Que valent les discours incantatoires, absurdes d’un chambellan, dévoué, déclaré, ayant pris cause et fait de son mentor, devenu un obscur multimilliardaire, dont la promotion sociale imbibée, clinquante, rime étroitement à sa proximité avec la première dame, fondatrice de l’Association bidon, « Servir le Sénégal » ou se servir ?
Que vaut la Com, pressureuse, paresseuse, cette servitude indigne, purulente d’une certaine intelligentsia attentiste jusqu’à la lie, laquelle après avoir mangé dans tous les râteliers, se prend pour ce qu’elle n’est point, se cale ridiculement en fonction de la bonne météo du moment, selon ses propres intérêts crypto personnels, bassement mesquins, sur fond de notoriété ou de prestige, comme rien n’était ?
Que valent ces aventuriers, aux discours lapidaires à géométrie variable, aux valeurs peu orthodoxes, de notoriété publique, excellant dans des litanies abjectes, interminables, incommensurables, dont la vantardise suintante, n’échappe plus à personne ? A chaque magistrature, le même défilé choquant des modes, des délires, surréalistes de l’entrisme débridé, des valses et des girouettes immuables, s’offre lamentablement en spectacle aux yeux des populations tétanisées, qui se demandent dans quelle planète sortent ces opportunistes sidérants.
Lorsque la Com devient une salissure, une repentance rancunière, tendant à mettre au pinacle et gratuitement, tous ceux qui ne veulent pas se mouler aux odeurs de mauvaises cuisines, il va sans dire que nous sommes dans un totalitarisme, condamnable, et qui ne souffre d’aucune ambigüité.
Qui sont donc ces rhéteurs, dans l’art de blanchir des mensonges vérité, leur propre vérité éternelle, alors qu’ils n’en pensent pas moins ? Cet homme là, qui nous dirige, maintenant, depuis mars 2012, n’est pas vraiment un républicain dans les actes qu’il continue de poser. C’est un monarque cagoulé. Un roitelet à demi teinte.
Enfin, pour terminer, et l’opa sur les audits audibles : à qui donc profite le crime ?
Si l’on veut réguler des prévarications à répétitions, il faudrait que l’on mette nécessairement sur pied un directoire collégial de magistrats totalement libres et indépendants du pouvoir politique, lesquels devraient être élus au suffrage universel, dans les mêmes conditions que les élections présidentielles, à l’instar des grandes démocraties.
Le combat continue !
Ahmadou Diop