Le leader du Front alliances patriotiques, entendu sur le fond du dossier de blanchiment d’argent impliquant deux de ses fils a finalement passé la nuit dans les locaux de la brigade de recherche de Colobane. Sa femme et ses partisans crient au complot politique visant à le faire taire. Récit d’une demi-journée particulière.
Ça se complique pour le leader du Front alliances patriotiques (Fap). Auditionné sur le fond du dossier de blanchiment d’argent impliquant ses deux fils, Ahmet Khalifa Niass a été gardé à vue dans les locaux de la brigade de recherches de Colobane.
Bien avant 16h, ses partisans étaient massés devant les locaux de la gendarmerie. Vêtus de tee-shirts à l’effigie de Khalifa Niass, ils scandaient bruyamment son nom et réclamaient sans aucune condition sa libération pure et simple. Dans ce concert de dénonciations en chœur, Karim Wade en a pris pour son grade. Tous les manifestants ont vu la main du fils du chef de l’Etat derrière cette arrestation. « Libérez Ahmet Khalifa, arrêtez Karim », laissaient-ils entendre.
Parmi la centaine de manifestants, composés de jeunes, de femmes d’âge mûr et de quelques badauds, une s’est particulièrement fait remarquer : Yaye Fatou Diagne, l’épouse du leader du Fap. Casquette bien vissée sur la tête, jean délavé astucieusement taillé pour elle, elle a donné de la voix, jusqu’à une certaine overdose.
« Cette convocation est illégale et injustifiée »
Un engagement qui a d’ailleurs étonné certains militants du Fap présents sur les lieux. « C’est dans les moments pénibles qu’on reconnaît ses plus proches. Chapeau bas à toi », témoignent quelques uns. Pour Yaye Fatou, la convocation de son mari est une manœuvre pour l’intimider. Car estime-t-elle, « Ahmeth Khalifa Niass a le verbe très haut depuis quelques semaines » et cela n’est pas du goût des autorités. « Cette convocation est illégale. On veut simplement l’intimider, mais nous ne cèderons pas », ajoute-t-elle, amère. Poursuivant son propos, elle soutient que son mari est victime d’ « un complot politique » qui n’a qu’un but : décapiter le Front des alliances patriotiques qui draine des foules. Le responsable des jeunes du Fap, Balla Cissokho, en rajoute une couche. « Ce sont les positions courageuses de notre leader invitant Wade à ne pas se représenter qui dérangent ».
16h28mn. La foule qui s’était massée devant la porte principale de la brigade s’ébranle pour celle qui jouxte les allées du centenaire. Là aussi, même scénario. Des manifestants qui donnent de la voix et des forces de l’ordre qui veillent au grain. Les quelques rares informations glanées sur place sont fournies par de quelques proches.
« Je lui apporte son ndogou, car il a jeûné »
20h04mn. L’impatience de voir l’audition se décanter se lisait sur tous les visages. Yaye Fatou Diagne embarque dans une voiture rouge et pénètre dans l’enceinte de la brigade de recherche en compagnie de quelques proches. Approchée, elle nous fait savoir qu’elle apporte à son mari de quoi rompre son jeûne. Est-ce dû à sa convocation ? Non, rétorque un proche. « Il a pour coutume de jeûner avant et après le ramadan ».
21h005mn. Yaye Fatou Diagne sort de la brigade de même que l’avocat d’Ahmeth Khalifa Niass, Me Sidy Kanouté. Une foule s’agglutine autour d’elle pour avoir des nouvelles à chaud. Elle annonce au public que son mari va bien et qu’il a bonne mine.
Pendant ce temps, Me Kanouté tient par contre, lui à recadrer les choses. Selon lui, c’est faire du tort à Khalifa Niass que de parler de blanchiment d’argent dans une affaire où la clarté coule de source. On parle d’argent blanchi dans les cas où l’argent provient de la drogue, d’une casse de banque, entre autres. « Et nous ne sommes pas dans ces cas de figure », remarque-t-il. Avant de s’étonner qu’on puisse porter le moindre doute sur des fonds qui ont fait un transit transparent : « quand le fonds d’investissement libyen envoie de l’argent à quelqu’un et que cet argent transite dans la banque centrale libyenne, il n’y a pas plus licite que cet argent », argumente Me Kanouté.
« Nous sommes en face d’une situation inédite car un leader politique est enfermé avec ses enfants », conclut-il. C’est sur ces quelques mots que la foule s’est dispersée, tout en promettant de revenir. Cette fois-ci en force.
Papa KEITA
lasquotidien.info