Homme politique, philosophe, ancien ministre de la culture et de la communication, Abdoulaye Elimane Kane évoque dans « La femme parfum », à travers un discours social, les maux de la société, singulièrement ceux qui assaillent les hommes et les femmes, mais aussi l’amour. L’ouvrage est publié par les Presses universitaires de Dakar.
Humour, fantaisie, fantasmagorie, anthropologie, c’est sur ce registre que l’auteur déroule la trame du récit de La femme parfum. Dans une approche jubilatoire, l’écrivain s’adonne à une réflexion sur notre condition d’homme, sur la vie, sur la mort. « Malgré son titre énigmatique et quelque peu provocateur, le roman se distingue par un choix thématique, vaste, varié, très actuel et problématique avec une orientation culturelle et philosophique », a expliqué le Pr Amadou Ly lors de la présentation du livre. Selon lui, l’écrivain met au premier plan la gente féminine et donc toute la problématique liée à la femme, à sa libération, sans compter l’allusion aux rapports nord-sud avec leur cortège d’incompréhension, de mépris culturel, de racisme, d’échanges inégaux.
Dans son déploiement, l’histoire du roman met en fiction des enjeux en s’inspirant du réel. Kadia, une styliste de renommée mondiale est arrêtée par la police à cause de soupçons portant sur le trafic de renseignements top secrets à l’occasion d’une exposition portant sur une collection de robes parmi lesquelles le modèle appelé « La femme laser », c’est-à-dire une robe ornée de disques compacts (cd). Le récit part d’une monographie sur le stylisme, en alliant considération sur l’art, sur le commerce mondial, sur les échanges sud-nord. Ce récit, avec ses péripéties et rebondissements, est une sorte de voyage dans l’espace entre Dakar, Paris, Gorée, Saint-Louis, et le village de Sinthiou Pathé. Voyage dans le temps aussi, avec une continuation « Des magiciens de Badagor », le deuxième roman d’Abdoulaye Elimane Kane avec des personnages resurgissant que l’on avait quittés et que l’on retrouve dans « La femme parfum ». Ces voyages sont liés à la quête d’un objet de valeur perdu, ici une robe dont le prix n’est pas seulement lié à sa singularité mais à la fibre même dont elle est faite. Sur le plan symbolique, objet perdu, volé, représente une identité aliénée, une authenticité que tout le monde recherche dans une perspective personnelle mais qui toujours déçoit les attentes et les espérances, déjoue les pronostics et continue à narguer tout le monde.
Pour l’auteur de « La Femme parfum », cet ouvrage est aussi un appel à un monde nouveau où les valeurs nouvelles seraient inscrites. Des valeurs fondamentales partagées ont été oubliées, elles devraient être ressuscitées. C’est également une interrogation sur la place de la femme dans les sociétés démocratiques républicaines. « De même, développe le philosophe, la question de l’exclusion de la femme est une question centrale. Une république, une démocratie ne peut pas ignorer la question de l’intégration de la femme ». Aussi, en matière de création, « le village des libertés », cette utopie ne peut manquer de recevoir et d’accueillir tous les métiers des arts, tous les savoirs faire. Cela se fera en même temps que la libération, la conquête des libertés de droit sur le plan social, sur le plan politique, la liberté et l’égalité sur le plan intellectuel. Pour lui, les femmes doivent être amenées à se préoccuper de la liberté de choix en matière d’amour, en matière de mariage. Et en matière de création, Abdoulaye Elimane Kane se pose la question de savoir si le sexe faible a un cerveau.
El Hadji Massiga FAYE
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