La France envisage de rapatrier de Syrie des enfants mineurs mais sans leurs mères, djihadistes présumées ou compagnes de djihadistes, pour la plupart aujourd’hui entre les mains des Kurdes syriens, a-t-on appris de sources françaises. Les familles de ces ressortissantes françaises ont signalé à ce jour une soixantaine de ces femmes, dont une quarantaine de mères, ce qui représenterait environ 150 enfants, en grande majorité de moins de six ans.
Le recoupement d’informations, notamment avec les Kurdes et la Croix-Rouge internationale, a permis d’identifier et de localiser ces derniers mois une partie de ces femmes et de ces enfants, dit-on à Paris. Désormais, “les autorités françaises sont entrées dans une phase active d’évaluation de la possibilité de rapatrier ceux des mineurs qu’il est possible de rapatrier” et de préparation de ces rapatriements au cas par cas, y compris pour ceux qui sont nés sur place, ajoute-t-on de même source.
L’une des conditions est que les mères acceptent de laisser partir leurs enfants vers la France. A ce jour, Paris n’a procédé qu’au rapatriement de trois enfants mineurs, trois des quatre enfants de Melina Boughedir, une Française condamnée en juin par la justice irakienne à la prison à perpétuité avec une période de sûreté de 20 ans pour son appartenance présumée à l’EI (c’est une des trois Françaises recensées à ce jour dans les geôles irakiennes). Si l’argument de “l’intérêt supérieur de l’enfant” est avancé pour envisager une phase plus opérationnelle, les autorités françaises paraissent également soucieuses de ne pas voir ces mineurs devenir à terme des bombes à retardement.
JUDICIARISATION
Le souhait de Paris est que ces premiers rapatriements interviennent d’ici la fin de l’année mais les canaux par lesquels ils pourraient être effectués semblent encore flous. Pour les adultes, la position des autorités françaises, qui misent sur une stabilisation de la situation militaire dans le nord de la Syrie, n’a en revanche pas changé : les hommes et les femmes qui ont rejoint l’Etat islamique en Syrie ou en Irak doivent être jugés sur place pour les crimes qu’ils sont soupçonnés y avoir commis. Ce qui n’empêche pas la “judiciarisation” de ces adultes, notamment sous la qualification d’association de malfaiteurs terroriste criminelle, avec émission de mandats d’arrêt, comme pour les “revenants” qui ont pu rentrer en France par leurs propres moyens, précise-t-on de source judiciaire.
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Les familles des jeunes femmes parties en Syrie et en Irak dans les zones contrôlées par l’EI et leurs avocats ont tenté d’infléchir la position du gouvernement. Jusqu’ici en vain, malgré des rumeurs alarmantes sur les conditions dans lesquelles elles et leurs enfants survivent dans les camps kurdes.
Un responsable des relations extérieures des Kurdes syriens a fait savoir à plusieurs reprises ces derniers mois que ces derniers n’entendaient pas garder indéfiniment les djihadistes étrangers, hommes ou femmes, tombés entre leur main. “Nous ne jugerons pas les combattants de l’EI dans notre région, chaque pays doit rapatrier ses citoyens et les juger sur son territoire”, a déclaré Abdoulkarim Omar début octobre. Il a précisé que si la voie diplomatique n’aboutissait pas à une solution, les Kurdes syriens examineraient d’autres options.
“REVENANTS”
A Paris, on assure que les autorités françaises n’ont pas eu ce type de discussion avec les dirigeants kurdes syriens mais qu’elles ont en revanche opposé une fin de non-recevoir aux pressions des Etats-unis en faveur de rapatriements. Les Kurdes irakiens demandent pour leur part la mise en place d’un “tribunal international spécifique pour juger les terroristes internationaux” que sont à leurs yeux les étrangers venus dans la région combattre dans les rangs de l’EI, a dit à Reuters leur représentant en France, Ali Dolamari.
“Ça fait longtemps qu’on le demande mais jusqu’à maintenant personne ne s’intéresse à cette question-là et on n’a pas eu de réponse”, a-t-il cependant admis. Selon Abdoulkarim Omar, les Kurdes de Syrie détiennent près de 900 combattants de l’EI, 400 à 500 femmes et plus de 1.000 enfants de 44 pays étrangers. Ce chiffre, qui reste à vérifier, ne comprend pas celui des ressortissants étrangers qui sont encore dans les poches tenues par l’EI, à Idlib et à Hajine, près de la frontière irakienne.
A Paris, on évalue à une centaine le nombre de combattants français dans les rangs de l’EI à Idlib, leur nombre dans le secteur de Hajine restant indéterminé à ce jour. Le nombre de majeurs rentrés par leurs propres moyens en France après un séjour en Syrie ou en Irak et recensés par les services de renseignement était début septembre de 261, dont 187 hommes et 74 femmes, selon le ministère de la Justice.
Parmi eux, 192 faisaient alors l’objet de poursuites judiciaires. A ces adultes s’ajoutaient 78 “revenants” mineurs, dont une majorité de moins de 10 ans, précisait-on à la chancellerie.
Avec Alissa de Carbonnel à Bruxelles, édité par Yves Clarisse
Reuters