La Guinée, après deux ans de pouvoir d’Alpha Condé est confrontée à une crise politique, sociale et économique généralisée
Par BAH Oury
1er Vice-Président UFDG
Blog : www.bahoury.com
Le 21 décembre 2012, Alpha CONDE fête son second anniversaire, comme Chef de l’État de la République de Guinée. Parvenu au pouvoir suite à des élections présidentielles très controversées, il a réussi ainsi à faire aboutir une longue marche de 40 années vers le pouvoir. Auréolé d’un double prestige comme ancien leader de la Fédération des Étudiants de l’Afrique Noire en France (FEANF), mouvement panafricaniste et anticolonial des années 50 et 60 et aussi comme prisonnier politique du Général Lansana CONTE au lendemain des présidentielles de décembre 1998, sa venue au pouvoir a suscité beaucoup d’illusions tant au niveau de la population guinéenne qu’à l’extérieur du pays. A l’aune de la durée, le bilan du « Professeur Alpha CONDE » laisse un goût amer de désenchantement.
Une ascension au pouvoir marquée par l’ethno-stratégie
La succession du dictateur Sékou TOURE en 1984 a été marquée par des purges sanglantes au sein de l’appareil d’état guinéen. La tentative de putsch initiée par le Colonel Diarra TRAORE le 4 juillet 1985 fut le prétexte pour l’élimination physique des dignitaires du régime du PDG-RDA et aussi d’un nombre important d’officiers issus de l’ethnie malinké. Celle-ci, profondément traumatisée et scandalisée par le « Wo Fatara (1)» du Général CONTE, s’enferma dans un repli identitaire pour ruminer sa revanche. C’est dans ce contexte que son élite réfugiée dans les pays limitrophes entreprit d’organiser la lutte politique contre le pouvoir militaire du CMRN (Comité Militaire de Redressement National). Pour elle, la reconquête du pouvoir passe nécessairement par la réhabilitation des « œuvres de Sékou TOURE ». Aucun droit d’inventaire et aucune critique rétrospective de cette période sombre de l’histoire guinéenne ne sont tolérés. Cet enfermement communautariste est aussi encouragé par la multiplication des crises sous régionales. Au Libéria voisin, la guerre civile oppose principalement les groupes ethniques dits « forestiers» aux groupes mandingues. La férocité et la sauvagerie de ce conflit déversent sur le territoire guinéen des centaines de milliers de réfugiés. La Guinée fut elle-même le théâtre de tueries fratricides entre les guerzés et les mandingues de la région de Nzérékoré lors des élections communales de 1991. C’est à juste titre que le sentiment d’être persécuté se renforça au niveau des élites malinkées. Cette frustration collective est exploitée par les nostalgiques de l’ancien régime guinéen pour jeter les fondements de leur option politique : la reconquête du pouvoir en s’appuyant essentiellement sur leur communauté. C’est dans ce contexte trouble qu’Alpha CONDE est « coopté » pour être le porte-drapeau de cette stratégie politique, s’aidant pour cela de la légalisation du multipartisme politique naissant. Alpha CONDE se révèle à l’opinion nationale comme un farouche opposant au Général Lansana CONTE et aussi un partisan des thèses ethnocentristes, rejetant aux orties ses anciennes convictions panafricanistes. Dans ses campagnes politiques il ne se gêne point pour dire « Tout malinké qui n’est pas du RPG, est un bâtard !». Les acteurs politiques issus de la Haute-Guinée ayant une sensibilité libérale et critique à l’égard du lourd passif du régime de Sékou TOURE comme le Professeur Lanciné KABA sont réduits au silence et enrégimentés au sein de la mouvance du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG).
La dérive ethnocentriste n’est pas du seul fait du RPG et de la coordination mandingue. L’inexistence de structures politiques concurrentes et opposées à la dictature du PDG-RDA à l’intérieur du pays, les guerres civiles « lignagères » et tribales au Libéria et en Sierra –Léone et aussi l’orientation ethnocentrique et despotique du régime du Général CONTE ont conforté les clivages régionaux et communautaires dès le début du processus de démocratisation politique de la Guinée en 1990.
Des législatives annoncées mais plusieurs fois reportées
La déclaration de la Cour Suprême déclarant Alpha CONDE vainqueur du second tour des élections présidentielles du 07 novembre 2010 avec 52,52% des voix alors qu’il n’avait eu à peine 18% au premier tour traduit une double victoire : celle d’Alpha CONDE et aussi celle de la coordination mandingue qui entre les deux tours n’a pas hésité de proférer des menaces susceptibles de remettre en cause l’unité du pays si leur « fils » n’est pas élu. Vingt-cinq après les exactions anti-malinkés à Conakry, les nostalgiques de l’ancien régime savourent l’aboutissement de leur lutte. Dans leur sillage, Alpha CONDE déclare « je vais ramener la Guinée là où Sékou TOURE l’avait laissé ».
A la tête de l’exécutif guinéen, les stratèges du RPG-arc-en-ciel, la coalition des partis politiques de la majorité présidentielle prennent conscience qu’avec moins de 30% des voix collectées au premier tour, la majorité parlementaire ne leur est pas accessible en l’état. Au mois d’avril 2011, lors d’une réunion au Palais du Peuple avec les représentants des partis politiques, M. Alassane Condé le ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation faisant office de Ministre de l’Intérieur annonce que le gouvernement « a décidé d’organiser un nouveau recensement électoral afin de convoquer les électeurs pour les législatives dans le dernier trimestre 2011 ». L’opposition médusée crie au « coup d’Etat institutionnel ». En effet cette déclaration gouvernementale nie l’existence d’une Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) à qui la constitution adoptée par le Conseil National de la Transition (CNT) confère une totale indépendance et est sensée être « la seule institution en charge de l’organisation et de la supervision de l’ensemble des élections en Guinée » .De même le code électoral en vigueur rejette l’organisation d’un nouveau référendum au profit d’une révision des listes électorales une fois l’an. Les intentions du Gouvernement sont de deux ordres : d’abord mettre sous sa tutelle la CENI puis constituer un nouveau fichier électoral. Aux yeux du pouvoir, le fichier électoral de la Sagem qui a servi pour la présidentielle est suspect car étant élaboré par les soins « d’une officine de la police française », c’est ainsi que s’exprime le Ministre de l’Intérieur, M.Alassane CONDE. La représentation du PNUD en Guinée détentrice d’une partie du code d’accès aux données biométriques ne sera pas exempte des attaques au vitriol du ministre qui exige l’intégralité du code alors que la protection, l’inviolabilité et l’inaltérabilité du fichier sont garanties par la loi.
Pour cela, Loucény CAMARA le président de la CENI adoubé par Alpha CONDE s’arc-boute à son poste malgré les multiples revendications de l’opposition structurée dans une alliance dénommée Collectif de l’opposition pour la finalisation de la Transition et l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP). Celle-ci exige le départ de Loucény CAMARA, la refonte de toute la CENI, le maintien du fichier électoral de la SAGEM révisé conformément à la loi, l’annulation du contrat avec Waymark et la participation au vote des guinéens de l’extérieur.
Pour ce faire entendre, elle organise des séries de marches pacifiques qui se terminent le plus souvent par des répressions sauvages et des centaines d’arrestations. Quatre morts pour la marche du 27 septembre 2011et trois autres au moins le 21 septembre 2012 sont enregistrés. Les militants de l’UFDG de la commune de Ratoma sont les principales victimes des tirs à balles réelles et des agressions de la milice ethnique du régime « les donzos ». Le bras de fer entre l’opposition et le régime guinéen rythmé de temps à autre par des rencontres largement médiatisées au palais présidentiel entre Alpha CONDE et les représentants des partis politiques se poursuit sans pour autant que l’horizon ne s’éclaircisse pour l’organisation des élections législatives. En octobre dernier, le gouvernement réussit par une manœuvre dilatoire à faire adopter une loi portant « recomposition paritaire de la CENI ». Celle-ci taillée sur mesure permet à la mouvance présidentielle d’avoir dans tous les cas de figure, la majorité des voix des commissaires de la CENI.
Le second point d’achoppement concerne l’opérateur technique Waymark qui est chargé d’assurer la révision des listes électorales. Celui-ci est choisi dans le cadre d’un marché gré à gré par Mohamed CONDE, le fils du Chef de l’Etat guinéen. Les relations opaques qui existent entre cette firme sud-africaine et l’entourage présidentiel l’ont rendue suspecte aux yeux de l’opposition. Les autorités guinéennes pour tenter de crédibiliser leur choix ont demandé au PNUD ensuite à l’OIF de procéder à l’examen des capacités techniques de Waymark pour attester qu’elle est en mesure d’assurer correctement sa mission. Au grand dam du Gouvernement guinéen les conclusions des rapports des deux organisations internationales furent négatives. Le second rapport des experts de l’OIF très circonspect par rapport à Waymark est gardé au secret et dissimulé aux autres commissaire par le nouveau président de la CENI, M.Bakary FOFANA. Ce dernier vient de fixer au 12 mai prochain l’organisation du scrutin des législatives permettant ainsi le 21 décembre 2012 la signature du document de stratégie pays et le programme indicatif national pour relance de la coopération entre l’Union européenne et la Guinée. Principal bailleur de fonds pour l’aide au développement de la Guinée, la signature du 10éme FED qui porte sur 174 millions d’euros a été longtemps suspendue à la fixation d’un chronogramme crédible, précis et irrévocable. Prudente la Commission Européenne précise dans son communiqué « Cette signature permettra le financement de projets urgents dans les domaines de l’eau, de la santé et d’appui à la société civile soit 16% du programme indicatif national. C’est la tenue effective d’élections législatives libres et transparentes qui permettra la reprise de l’intégralité de nos programmes d’aide ». La population guinéenne, habituée aux atermoiements du gouvernement et aux reports répétitifs de la tenue de ces élections, reste aussi sceptique pour la tenue des élections à la date annoncée par la CENI.
Rien ne laisse présager qu’un accord surviendra sur la question de l’opérateur technique Waymark que le gouvernement s’entête à garder contre vents et marées. A une interview sur les ondes de RFI Le président guinéen a nié l’existence d’un conflit avec l’opposition concernant l’opérateur technique. Il rajoute que l’OIF supervisera le processus électoral afin de lui conférer une relative crédibilité.
Depuis le début du mois de février 2013, l’opposition démocratique a lancé une campagne massive de marches pacifiques dans tout le pays pour selon elle obtenir la satisfaction de ses revendications. Dans un communiqué du 25 février elle décide de se retirer du processus électoral sans pour autant clarifier sa position par rapport à sa participation aux élections législatives. La population quant à elle descend dans la rue pour scander son ras-le-bol de la gouvernance actuelle et demande « le départ du pouvoir d’Alpha Condé ».
Les journées du 27 février et du 01 mars 2013 ont été particulièrement chaudes et violentes à Conakry. Nul ne connait le nombre de victimes et l’ampleur des dégâts que les sbires du pouvoir ont occasionné en brûlant des magasins des commerçants dans le grand marché de Madina. Au moment où ses lignes sont écrites, Conakry est dans l’émoi, craignant le basculement dans la violence généralisée du pays. La rencontre annoncée le 04 mars 2013 entre Alpha Condé et la classe politique n’augure pour le moment aucune sortie de crise durable. D’une crise autour du processus électoral, la Guinée s’engage inexorablement sur la remise en cause du pouvoir d’Alpha Condé du fait de la mauvaise gouvernance et de la négation des fondements de l’Etat de droit.
Une décennie perdue du fait de la mauvaise gouvernance
Le 01 septembre 2012, une pirogue des pêcheurs des îles de Kassa chavire aux larges de Conakry. Plus d’une trentaine de personnes périrent noyées, non loin du Port Autonome de Conakry. Sur la terre ferme, le choléra fait des ravages en décimant des populations semi-urbaines et rurales. De février à août 2012, près de 130 cas de décès ont été enregistrés par les services sanitaires de la région côtière du pays. Ces deux situations illustrent qu’après 54 années d’indépendance la Guinée n’a pas pu offrir à sa population les infrastructures minimales pour assurer sa protection et lutter contre les épidémies telle le choléra et le paludisme. Ce résultat n’est pas étonnant car la croissance économique de la Guinée s’est avérée la plus faible de la région ouest-africaine ces dernières années. Le PIB par tête d’habitant est en dessous de la moyenne régionale (400 usd). Le taux d’inflation en moyenne de 20 % durant une décennie a accentué la paupérisation de la population. Avec un salaire réel par tête à GNF constant de 2002 de l’ordre de 300.000 GNF(10), les fonctionnaires ne peuvent plus subvenir aux besoins essentiels de leur famille. Dans ce contexte, le classement de la Guinée parmi les dix pays ayant le plus faible indice de développement humain (IDH) n’est guère surprenant. Le 154éme rang sur 174 au niveau de l’indice de la perception de la corruption de Transparency International dans son rapport 2012, pointe la mal-gouvernance comme l’une des causes principales du retard économique du pays.
L’admission de la Guinée, le 25 septembre dernier à l’initiative PPTE, a apporté une bouffée d’oxygène aux finances publiques guinéennes. Avec l’atteinte du point d’achèvement l’allégement de la dette de près de deux milliards de dollars US va permettre d’investir beaucoup plus dans les secteurs prioritaires pour la réduction de la pauvreté comme la santé, l’éducation, les infrastructures et d’autres services sociaux de base. La Guinée courait derrière désespérément le « programme avec le FMI » voilà une décennie. La crise sociale et politique des dernières années de la gouvernance du Général CONTE, puis les gestions calamiteuses des gouvernements de transition militaire de Dadis CAMARA et de Sékouba KONATE avaient aggravé la destruction du tissu économique du pays et avaient laminé les finances publiques. Pour la seule année de 2010 le gouvernement d’Union Nationale et de Transition de Jean Marie DORE a fait exploser la masse monétaire de 40% en utilisant à outrance la planche à billets. Le mérite de la gouvernance actuelle est d’avoir stoppé cette création monétaire sans contreparties en biens et services et d’avoir augmenté substantiellement les réserves de change qui ont atteint 5,4 mois d’importation à juin 2012.Toutefois cette amélioration dû essentiellement à des opérations exceptionnelles en provenance du secteur minier n’inversent pas les déséquilibres macro-économiques structurels qui handicapent le pays. Au niveau des contreparties de la masse monétaire, les crédits à l’Etat dominent largement, créant ainsi un effet d’éviction sur les crédits à l’économie depuis 2002. De ce fait la Guinée oscille entre des déclarations favorables à l’investissement privé et la permanence de la toute-puissance de l’Etat au niveau du secteur économique. Mais malheureusement la manne financière injectée dans l’économie par l’action publique sert plus à enrichir les réseaux politico-affairistes que de contribuer à faire reculer la pauvreté. La réduction de la dette du pays ne peut être une chance que si la gouvernance économique s’oriente à faire face au chômage massif des jeunes et à développer les infrastructures énergétiques et routières dont le pays a grandement besoin.
Un pays en proie à l’insécurité
L’assassinat dans une rue fortement fréquentée de la banlieue de Conakry le 09 novembre dernier de la directrice nationale du trésor, Mme Aïssatou BOIRO par des hommes habillés en treillis militaires a jeté le trouble dans l’opinion. Connue pour son obstination à contrecarrer les malversations financières qui grèvent les maigres ressources du pays, son élimination réveille la hantise des guinéens de voir leur pays pris en otage par des réseaux politico-maffieux. Le Financial Times a indiqué que Mme BOIRO était parvenue à pister le détournement des caisses de l’Etat de 1,8 millions de dollars jusqu’au niveau de l’entourage présidentiel. Surpris par l’indignation générale autour de cette tragique et scabreuse affaire, M. Alpha CONDE nomme à la fin de novembre, l’époux de la défunte comme ministre de l’environnement et des eaux et forêts dans un geste de « réparation ».
Deux années de pouvoir n’ont pas permis à la gouvernance d’Alpha CONDE de faire une rupture avec les pratiques prédatrices et l’utilisation systématique de la violence pour régler des contradictions sociales et politiques. Emule de la théorie de Sékou TOURE du « complot permanent », plus d’une cinquantaine d’officiers de l’Armée Nationale dont le Général Nouhou THIAM ancien chef d’Etat –Major Général des armées et une vingtaine de civils sont interpellés et emprisonnés au pénitencier de Conakry depuis le 19 juillet 2011, suite à un échange de tirs entre la garde de sa résidence privée de Kipé et des membres inconnus d’un commando. De même dans la dernière quinzaine du mois de novembre 2012, une dizaine de soldats et de sous-officiers sont également arrêtés et accusés de tentative de coup d’état contre le régime. Vivant dans une psychose de renversement de son régime, le Chef de l’Etat guinéen s’est enfermé dans son bunker du palais présidentiel dans la presqu’île de Kaloum avec un bataillon de soldats pour assurer sa sécurité. Comme Dadis CAMARA et Sékouba KONATE ses deux prédécesseurs à la tête du pays, son escorte est une véritable armada militaire avec même des hélicoptères pour survoler son itinéraire lorsqu’il se rend à l’aéroport de Conakry.
Les villes de l’intérieur du pays sont régulièrement le théâtre de remous sociaux et d’émeutes populaires. Les populations, excédées par la rapacité des réseaux maffieux que les préfets ont mis en place pour s’assurer prébendes et enrichissement illicite n’hésitent plus de se révolter pour exiger une forme de reconnaissance de leur dignité et de leurs droits de citoyens. Entre Juin et décembre 2012, des préfectures de toutes les régions du pays, y compris Siguiri, le fief traditionnel du RPG ont connu des troubles avec morts d’hommes pour réclamer le départ de leur localité des préfets véreux. Les dernières troubles en date concernent la localité de Guéckédou où les populations autochtones (les Kissis) se sont affrontés aux partisans du préfet qui pour la plus part sont de l’ethnie malinkés. La réponse du gouvernement à ces mouvements de grogne est la répression aveugle et le recours disproportionné à la violence. Les nominations selon seulement des critères politico-ethniques montrent ainsi leur limite. Le gouvernement subit ainsi à juste titre l’effet-boomerang de sa gestion sans partage du pouvoir. A une allure accélérée, la gouvernance d’Alpha CONDE renoue ainsi avec la situation qui prévalait à la veille des bouleversements sociaux et politiques de 2006 et 2007.
L’armée au cœur de la crise guinéenne
L’armée constituée le 1er novembre 1958, par les soldats issus de l’armée française de la période coloniale est en voie d’extinction. A sa place, les forces de défense et de sécurité de la Guinée indépendante ont été bâties selon des critères politiciens pour servir de bras séculier au régime en place. Malheureusement tous les pouvoirs politiques qui se sont succédé au pouvoir depuis l’indépendance ont contribué à ériger un Etat néo-patrimonial sur la base de l’ethno-stratégie. Dans ce contexte, les forces de défense et de sécurité ne sont pas le « creuset de l’édification de l’Etat-nation », mais elles sont l’instrument de la domination d’un réseau clientéliste affairiste s’appuyant sur la communauté ethnique du chef de l’Etat du moment. Actuellement cette réalité socio-politique est une contrainte majeure de la réforme des forces de défense et de sécurité guinéennes que la communauté internationale soutient depuis l’épisode tragique du 28 septembre 2009. Ecartelé entre la logique de modernisation de l’institution militaire et celle de la pérennisation au pouvoir de réseaux aux objectifs ethno-stratégiques, le gouvernement guinéen louvoie .C’est ainsi que concomitamment à la mise à la retraite de 4200 militaires en décembre 2011, des recrutements « clandestins » sont organisés pour renforcer la domination numérique des soldats appartenant à la même ethnie que le Chef de l’Etat, Alpha CONDE pour lui servir de garde prétorienne. Les purges au sein de l’armée s’expliquent par la nécessité de neutraliser des éléments récalcitrants et conforter le déséquilibre structurel entre les différentes composantes ethniques au sein des forces de défense et de sécurité. Le crash d’un aéronef de l’armée guinéenne à Monrovia le 11 février dernier où périrent selon les sources officielles onze officiers supérieurs dont le Général Kéléfa Souleymane DIALLO, Chef d’Etat-major général interarmes remet en cause l’équilibre fragile et précaire de l’institution militaire.
La tuerie de Zogota en Guinée-Forestière dans la nuit du 2 au 3 août dernier de 6 paysans par les forces régulières guinéennes rappelle que les régimes guinéens ont toujours instrumentalisé l’armée pour terroriser et réprimer ses propres citoyens pour les maintenir sous le joug de dictature prédatrice et violente. Le régime d’Alpha CONDE n’a pas fait exception au syndrome tyrannique et son attitude confirme la permanence de la violence politique en Guinée. C‘est ainsi que le dernier rapport d’Human Right Watch sur la Guinée soutient que les autorités ont fait part de leur engagement à sévir contre l’impunité mais « leurs déclarations n’ont pas été suivies d’actions concrètes ».
Le slogan « Guinée is back » que les partisans d’Alpha Condé scandent dans leurs meetings ressemble beaucoup plus à « retour en arrière » que d’un nouvel élan vers l’avant. Les conseils de Bernard Kouchner à son ami apparaissent décalés tant le culte de la violence et la négation de l’autorité de la loi sont les traits marquants de deux années au pouvoir d’Alpha Condé.
Le 02 mars 2013
1) « wo fatara » terme soussou qui signifie « ils ont bien fait ». De retour à Conakry aux lendemains du saccage des magasins et des biens des malinkés ,le Général Conté s’était exprimé en donnant raison à ses partisans.
2) L’historien Lanciné Kaba et comme Mansour Kaba avaient créé des partis politiques en 1992, mais la milice du RPG en Haute-Guinée les amènent à se saborder au profit du RPG.
3) Résultats du 2nd tour Alpha Condé 52,52% Cellou Dalein Diallo 47,48% et résultats du 1er tour CDD 43,69%,AC 18,25%, Sydia 13,02%,Kouyaté 7,04%
4) Collectif des partis pour la finalisation de la transition (UFDG, UFR, NGR, NFD, PUD, PUP,GCI) -ADP ( PDEN,UFC)
5) CENI (10 commissaires de la mouvance présidentielle, 10 oppositions, 3 société civile et 2 administration du territoire)
6) Le sac de riz de 50 kg, principal aliment de base vaut actuellement près de 250.000 gnf ( 1euro vaut 10.000 gnf au marché parallèle)
7) Tableaux de bord de l’économie guinéenne ( Avril 2012
8) Lire rapports FMI n°12/295 et n°12/296 de décembre 2012
9) Le 19 juillet 2011 vers 2h du matin, le domicile privé d’Alpha Condé fut l’objet d’une attaque par un commando. Aussitôt une cinquantaine de militaires dont plusieurs officiers supérieurs furent arrêtés. Le domicile de BAH Oury n°2 de l’UFDG principal parti du pays est saccagé et BAH Oury est recherché. En septembre 2011 à Dakar, Alpha Condé accuse Bah Oury, Diallo Sadakadji et Tibou Kamara d’être les organisateurs de cet « attaque de son domicile ». Le Sénégal et la Gambie sont aussi présentés comme pays ayant favorisé l’opération. Depuis lors un non-lieu a été rendu pour 18 accusés qui furent libérés en mars 2012 et un juillet 2012 un autre non-lieu est rendu pour 15 accusés dont le Général Nouhou Thiam mais le parquet fait invalider cet arrêt. Le procès est en cours devant la cour d’assise de Conakry depuis le 21 décembre 2012.Quatre accusés dont le Colonel Issiaga Camara et Thierno Soufiane Diallo sont morts en détention.
10) Lire rapport n°173 d’International Crisis Group « Guinée : remettre la transition sur les rails »
11) Rapport d’HRW de décembre 2012 « Guinée : en attente de justice »
12) Lire le dernier rapport n°199 d’International Crisis Group « Guinée : sortir du bourbier électoral » du 18 février 2013