La Covid-19, cette pandémie qui hante nos sommeils et perturbe tristement nos vies depuis quelques mois aura le mérite de mettre en exergue le quotidien difficile des millions de Sénégalais résilients face à cette autre pandémie, plus sournoise et plus meurtrière qu’est la pauvreté chronique. Sa généralisation dans la population fait qu’elle passe de plus en plus inaperçue et fait dorénavant partie du décor hybride dans lequel l’insolente richesse côtoie l’indigence la plus troublante, dans un pays qui se veut émergent! Celle-ci nous interroge tous autant que nous sommes car elle est bien réelle et refuse même d’abdiquer devant l’artifice de l’apparence que l’égo mal placé de la société veut toujours garder intact.
Paradoxe honteux
Les victimes de pauvreté auraient mieux supporté la douleur que ce fléau fait circuler dans l’esprit, le corps… et les paniers des vulnérables ménages si cette maladie était aussi juste que la maladie à coronavirus. Celle-ci ne fait pas de distinction de classe sociale, de genre ou de zone géographique. Elle est impitoyable et ne ménage personne. Et c’est ce qui la rend même insaisissable dans son cynisme meurtrier. Tout le contraire de cette pauvreté si répandue, laquelle, dans sa forme la plus bénigne, écrase ce qui reste de dignité aux plus solides de la population et, dans ses contours les plus hideux, emporte discrètement des vies humaines en grand nombre après les avoir éprouvées dans les méandres d’une santé précaire, faute de moyens.
Cela fait bien longtemps qu’on la côtoie sans nous en émouvoir réellement. Les sensibleries feintes dans les médias, le temps d’un mini reportage, ou bien les multiples commentaires laissés sur le fil des réseaux sociaux servent davantage à soulager temporairement nos consciences de notre coupable indifférence qu’à prendre le taureau de la misère sociale par les cornes. Elle est pourtant bien là, tout près. Dans le voisinage proche des grandes villes jusqu’aux interstices des cases en paille des villages les plus reculés de nos arides terroirs. Chacun cherche à sauver sa peau, individuellement, égoïstement et… malheureusement. Nous exécrons de toutes nos forces ce malheur tant qu’il nous est étranger. Ailleurs et chez les autres, notre brève compassion suffira.
En pleine tragédie de la COVID-19, la presse nous révèle qu’à Sédhiou, y a moins de 10 médecins pour une population de plus d’un demi-million d’habitants, soit un ratio d’un médecin pour 50 000 personnes. Le brillant Pr Seydi, en tournée à Ziguinchor où se réveillent 662 170 âmes, pestait contre le service de réanimation qui ne serait «ni fonctionnel, ni construit selon les normes». Les résidents de Bopp Thior, un village oublié en périphérie de la ville de Saint-Louis, bravent quotidiennement la vie pour s’offrir le luxe de quelques litres d’eau potable. Les femmes y accouchent encore dans les pirogues faute d’infrastructures sanitaires.
Clan politico-affairiste
Pire que la pandémie actuelle, voilà ce qui tue depuis des lustres sous nos tropiques, moralement d’abord avant de vous achever…, et dans l’indifférence collective. Des dizaines, des centaines, des milliers… On ne le saura pas, obnubilés que nous sommes par le décompte hystérique des décès liés à la COVID-19 et alimenté par la psychose médiatique mondiale.
Pendant ce temps, le clan politico-affairiste au sommet de l’État déroule sans coup férir ce qu’il sait faire de mieux : comploter, détourner et thésauriser. Des milliards. Dans l’impunité totale. Des scandales financiers à répétition qui font les choux gras de la presse locale avant de nourrir les interminables assemblées des indignés virtuels. L’énergie, la pêche, l’agriculture, le foncier, les ressources pétrolières et gazières… Aucun domaine n’est épargné par la voracité et la boulimie de cette caste de sangsues. Ils se connaissent et se reconnaissent! Les mêmes patronymes, les mêmes filiations corporatistes et les mêmes obédiences politico-syndicales. Ils se connaissent et se reconnaissent! Ils traversent toutes les générations et sont mêlés à tous les coups bas financiers contre le peuple. Ils se reconnaissent!
Ce n’est pas parce qu’ils ignorent les affres de la pauvreté qu’ils se montrent indifférents au sort de leurs compatriotes, car la plupart sont issues de familles indigentes. Mais c’est le propre des arrivistes de toujours renier leur passé; s’ils y font référence, c’est pour mieux titiller l’ethos dans le discours et appâter la candeur de l’interlocuteur. Les amarres sont ainsi rompues avec ce passé de miséreux. Entre copains opportunistes, sortis des griffes de la précarité sociale et ils se tiennent, se soutiennent et restent confinés dans leur bulle imaginaire de vils parvenus. Il leur manque le courage d’affronter la dure réalité.
Futur sombre
La crise économico-sanitaire du moment aura certainement le dos large. On lui imputera subtilement l’exacerbation des difficultés à venir. Celles-ci seront certes douloureuses et longues mais elles trouveront un terreau fertile, déjà défriché par un État prédateur et dirigé par un chef dont le cœur ne bat que pour les intérêts d’une minorité de privilégiés, pour les beaux yeux de la famille et…la pression libidinale de la belle-famille. La porte-parole du Programme alimentaire mondiale prévoit que «plus de 21 millions de personnes en Afrique de l’Ouest vont lutter pour se nourrir pendant la saison maigre, c’est-à-dire de juin à août qui sépare les deux récoltes.»
L’hivernage, les inondations, l’arrêt de l’activité économique mondiale, la menace d’une deuxième vague, les échanges commerciaux en berne… un cocktail de mauvaises nouvelles à venir qu’un État prévoyant et responsable aurait pu amortir avec la collaboration et la compréhension d’un peuple résilient. Mais la COVID-19 et ses terribles conséquences socioéconomiques ne dédouaneront pas le président Macky Sall et ses gouvernements successifs de leur responsabilité entière et totale sur l’étendue du désastre à venir.
Au lieu d’investir dans le service public et l’économie réelle, ils ont préféré enrichir une clique de mafiosos locaux et étrangers. Avec la complicité d’une justice aliénée et une administration affaiblie, ils ont choisi de fermer les yeux sur les détourneurs de fonds publics afin d’entretenir la rapacité d’une clientèle politique. La COVID-19 viendra révéler au grand jour et sans aucun doute l’ampleur d’un cuisant échec de gestion, que l’on tente de dissimuler, depuis plusieurs années, par la ruse de l’endettement et la manipulation des chiffres. Le peuple oublié boira certes le calice jusqu’à la lie, mais vous ne dormirez plus du sommeil inconscient des repus.
Lamine Niang
Secrétariat national à la communication Pastef
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Je suis bien d’accord en partie à ce tu dis Lamine Niang sur notre société remplie de parvenus boulimiques, insensibles à la misère des autres, et celle-ci est exploitée par des politiciens véreux, presque tous musulmans de surcroît ! Mais c’est totalement faux d’accuser Macky d’être à l’origine de la pauvreté endémique dans notre pays. Être politicien du Pasteef ne doit pas t’empêcher d’être juste et objectif dans l’analyse ! D’abord parce que avant la pandémie, tous les signaux d’une croissance forte étaient au vert depuis 2012. Bien sûr que ça n’a pas éliminé la pauvreté chez nous, mais c’est l’un des rares cas de réussite en Afrique et les rapports économiques annuels du FMI et du PNUD sont là pour le prouver. Depuis 2012, le bilan des augmentations salariales dans les tous secteurs formels est incontestable (je te réfère là aussi aux rapports annuels réguliers de l’ANSD). Le bilan des réalisations infrastructurelles dans toutes les régions du Sénégal n’a jamais été aussi positif en 60 d’indépendance. Et ça c’est un bilan visible si on prend la peine de faire un tour du Sénégal. D’ailleurs nos opposants tous réunis ont toujours refusé d’affronter Macky sur le bilan des infrastructures au plan national !
Maintenant je suis d’accord avec toi sur la corruption endémique dans notre pays qui n’épargne aucune classe sociale ni absolument personne. S’il y a un corrompu c’est parce qu’il y a toujours un corrupteur prêt à tout pour obtenir un service ! Tu ne l’as pas dit Lamine Niang mais tu sais très bien que presque tous les grands marabouts du pays, toutes confréries confondues, et même des khalifes passent leur journée entière à téléphoner à des ministres, des gouverneurs, des commissaires de police, des hauts fonctionnaires, des PDG etc. Et c’est toujours pour « régler des cas » pour leurs talibés ou leur famille. Qui d’entre nous n’a pas ses entrées dans l’administration de près ou de loin ? Même pour chercher le plus petit papier administratif, déposer un dossier, accéder à un docteur, on va tous passer par notre « grand », notre « mbok », notre « kharit », notre « parent », notre « dekkeundoo ». Tous les sénégalais le font sans exception ! Ce n’est pas de la corruption ça ? Même nos opposants qui tiennent des discours incendiaires de transparence ou de moralité, et même certains journalistes chroniqueurs opposants bien connus, ils pistonnent tous des gens dans les différents services de l’État. Je connais même des immigrés sénégalais qui mettent en rapport des gens restés ici au Sénégal avec des agents de l’administration pour obtenir une faveur. Nous sommes comme ça Lamine Niang et le nier c’est ne jamais s’en sortir ! Car les présidents ou les gouvernements sont toujours à l’image de leurs peuples. Au Japon le mensonge est une honte sociale et un ministre démissionne automatiquement si on l’accuse de mensonge. En Norvège un simple retard dans la livraison d’un chantier entraîne la démission d’un ministre. En Turquie des imams se retirent de la vie publique après avoir constaté des erreurs dans leurs prêches. Mais au Sénégal un ministre incompétent est défendu par des marabouts, des syndicats, des étudiants, des imams ou des artistes. Chez nous tu peux ne rien connaitre du Coran et rien des Hadiths, mais tu succèdes quand à ton défunt père. On est un peuple de « musulmenteurs » comme dit Jules Faye, et c’est comme ça qu’on entretient éternellement la pauvreté et la corruption chez nous. On est comme ça…