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L’administration publique face à la gestion axée sur les résultats : De la nécessité d’instaurer une culture de l’évaluation

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En janvier 2017, le Sénégal appliquera la directive n° 06-2009 CM-UEMOA du 26 juin 2009, relative au cadre harmonisé des finances publiques des pays membres.

C’est dans cette perspective que Son Excellence, le Président de la République Macky Sall a instruit son gouvernement, lors du dernier Conseil des ministres, de préparer le Schéma directeur de modernisation de l’Administration publique (SDMAP) qui tienne compte du cadre harmonisé communautaire  axé sur la gestion publique par résultats.

En effet dans cette directive de 2009, l’UEMOA vise à instaurer un budget de résultat en lieu et place du budget de moyens qui a toujours été en vigueur dans les pays membres. Ce passage d’une régulation par le droit à une régulation par les résultats se traduira par l’application des outils et techniques de gestion performantielle à travers la mise en place de budgets programmes et l’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers.

Plus qu’un changement de comportement, c’est une révolution managériale qui vient d’être apportée dans l’exécution des dépenses publiques.

Relativement au Sénégal, cette mutation est en phase avec la volonté de Son Excellence le Président de la République Monsieur Macky SALL, volonté réaffirmée lors du conseil présidentiel en octobre 2013 afin de « faire du Sénégal le premier pays francophone à mettre la gestion axée sur les résultats au cœur des politiques publiques ».

De façon générale, l’univers administratif et politique est perçu comme celui où l’opacité est source de pouvoir. Or, c’est ce vice essentiel de la gestion publique que le Président de la République a décidé de vaincre pour que puissent éclore les fondamentaux de la gestion budgétaire axée sur la performance, tels que dessinés par le cadre harmonisé des finances publiques.

Aussi, les processus de changement dans les politiques publiques en cours notamment le PSE, le PUDC, le PRODAC, la CMU, le programme des bourses familiales, l’Acte III de la décentralisation…, donnent une impulsion à la gestion axée sur les résultats, ce qui accroît le besoin de suivi et d’évaluation.

De l’esprit de la Réforme budgétaire

Les constantes de la gestion budgétaire axée sur la performance trouvent leur place et confortent le choix de modernisation des finances publiques dans la communauté. Ces choix sont :

La pluriannualité qui exprime l’intégration du moyen terme dans la budgétisation.

Le résultat et la mesure de la performance. Les programmes budgétaires sont désormais assortis d’objectifs précis, arrêtés en fonction de finalités, d’intérêt général et de résultats attendus.

La responsabilité et la reddition des comptes. Les programmes budgétaires sont des décompositions de la nomenclature administrative du budget. Ils sont logés dans un ministère; ce qui signifie qu’il ne saurait y avoir de programme interministériel. Chaque programme a un responsable nommé par ou sur proposition du ministre.

Le responsable de programme est ordonnateur délégué des crédits affectés au programme.

La responsabilisation des gestionnaires de programme est accompagnée d’une obligation de reddition de comptes

La comptabilité sur la base des droits constatés et des obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent indépendamment de leur date de paiement ou d’encaissement. Dans cette optique nouvelle, la vision des engagements financiers est plus totale et le choix du décideur public est mieux éclairé.

La comptabilité générale de l’État et la comptabilité analytique des coûts  permettent de disposer de données chiffrées pour apprécier l’efficience des activités de mise en œuvre des programmes.

Ces cinq grandes rubriques constituent l’ossature de la gestion budgétaire axée sur la performance. Toutefois, il est noté certains avatars qui, si on n’y prend garde, risquent de fausser l’évaluation de la performance budgétaire. En effet, la pratique enseigne que certains agents publics, détenteurs d’un pouvoir de décision financière, ont une propension naturelle à « vider leurs comptes », c’est-à-dire assécher les lignes budgétaires sur lesquelles ils ont des reliquats de crédit, et donc à inventer, initier ou proposer des actions desquelles il résultera des dépenses pour la puissance publique, à la concurrence des crédits qu’ils risquent de perdre à la clôture de l’année budgétaire. L’expérience montre que cette consommation forcenée de crédit débouche, de façon tendancielle, sur du gaspillage de ressources, car le mobile de l’action en ces occasions est de consommer des crédits en souffrance et non d’atteindre un résultat.

De l’institutionnalisation de la gestion axée sur les résultats et du Suivi-évaluation

L’institutionnalisation de la gestion axée sur les résultats et d’un système de suivi-évaluation passent par l’existence d’un leadership politique et par beaucoup de volonté politique. Il se pourrait que tout le monde ne soit pas enthousiaste à l’idée de porter la question de la performance du gouvernement sur la place publique, et d’évoluer vers une élaboration des politiques guidée par le suivi et l’évaluation fondés sur les résultats.

Heureusement, le Président de la République Monsieur Macky SALL, dans sa volonté affichée et réitérée lors du conseil des ministres du 13 janvier 2016, n’a cessé de poser des actes qui visent à ancrer une gestion plus efficace et plus transparente des fonds publics.

Nous pensons que la mise sur pieds d’une Agence Nationale chargée de l’évaluation, à l’image des dispositifs qui existent dans d’autres pays, constitue une voie propice à l’implantation d’une culture de l’évaluation des programmes publics. Des changements importants touchent aujourd’hui la conduite de la gestion publique. De nombreux projets et programmes qui concourent tous au développement inclusif du Sénégal, ont été initiés par le Président de la République. Dans ce contexte, l’évaluation des politiques publiques permet au gouvernement de faire la démonstration de l’impact des programmes sur le développement du Sénégal et des Sénégalais.

En outre, de nos jours, aucune institution politique ou administrative n’est à l’abri d’une contestation de sa légitimité, et ce fait est d’autant plus vrai que les électeurs sont devenus exigeants vis-à-vis de leurs gouvernants. Des jugements ont toujours été portés sur les politiques publiques par  l’opinion publique. Les campagnes électorales sont particulièrement propices à ces débats qui concernent le succès ou l’échec du programme sur la base duquel le candidat a été élu. Depuis l’intervention des médias, certaines questions acquièrent une dimension particulièrement émotionnelle et font l’objet d’appréciations passionnées. L’évaluation donne donc corps au concept de « responsabilité politique » en instituant des procédures à travers lesquelles les promesses électorales sont examinées, et ultérieurement mises en relation avec les réalisations concrètes sur le terrain. C’est sous cet angle qu’il faut comprendre la mise en place par son Excellence le Président de la République Macky Sall, d’un monitoring de l’action gouvernementale afin de suivre le niveau d’exécution des politiques publiques et de respecter ainsi ses engagements vis-à-vis des Sénégalais. C’est en remplissant effectivement ses objectifs qu’une politique publique acquiert de la crédibilité et cela est attesté par l’unanimité des bailleurs autour de la viabilité du Plan Sénégal Émergent.

Force est, cependant, d’admettre qu’un virage managérial pour bon nombre de directeurs généraux d’organismes publics, de directeurs de services, de chefs d’unité administrative devra être négocié. L’adoption du nouveau management public s’accompagnera de résistances. D’une part les détenteurs du pouvoir de solution/décision ne voudront pas perdre de leur ascendant sur les autres et, d’autre part, les délégataires éviteront à assumer des responsabilités pour des tâches qu’ils ne contrôlent pas.

Les bases de l’évaluation doivent être inscrites dans le processus de modernisation de l’État en cours. Chaque programme doit désormais être déroulé selon la chaîne des résultats c’est-à-dire la nécessité de mettre de la  cohérence entre les finalités, les objectifs à atteindre, et la façon de mesurer et d’évaluer les résultats ainsi que d’instituer une réflexion sur la meilleure stratégie de mise en œuvre.

Ce sont là les prémisses nécessaires d’une « culture de l’évaluation » afin que les agents publics se préoccupent non pas seulement de leur activité mais aussi de ce qu’elle apporte aux citoyens sénégalais et au Sénégal dans son ensemble. C’est ainsi que cela s’est passé dans d’autres pays notamment le Canada qui fait référence dans ce domaine. Au Sénégal, nous ne sommes pas encore à ce niveau de changement des esprits et des pratiques, mais le Schéma Directeur de Modernisation de l’Administration Publique constitue une opportunité de hisser l’Administration sénégalaise au niveau des meilleurs standards internationaux.

 

Hady TRAORE

MAP ENAP Montréal

Évaluateur de Politiques publiques

Coordonnateur de la DSE APR Canada

 

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