“J’ai consacré toute ma vie à cette lutte du peuple africain. J’ai lutté contre la domination blanche et j’ai lutté contre la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dont tous les membres pourraient vivre ensemble, en harmonie et avec les mêmes chances. C’est, un idéal pour lequel j’espère vivre et que j’espère réaliser. Mais si nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir”
Cette déclaration de Nelson Mandela tomba comme un couperet devant les juges blancs au tribunal de Pretoria le 24 avril 1964. Pour ne pas le faire un martyr dans sa lutte contre l’injustice et l’inégalité des races en Afrique du sud, les juges d’alors lui infligea la peine capitale et l’éloigna dans l’île prison de Robben Island où la véracité de sa déclaration ci-dessus aura été testée pendant 27 ans dans l’isolement, dans des travaux forcés, dans des privations de toute nature.
Si certains de ses inconditionnels voient l’homme comme un héros qui a redonné la dignité aux noirs et redoré le blason de l’Afrique, certains de ses détracteurs regrettent son incapacité à pouvoir panser les blessures psychologiques infligées à son peuple par l’apartheid. Et voilà que cette Afrique du Sud qu’il a léguée à la nouvelle génération est en proie à de violences qui surgissent comme des serpents de mer au cours de ces dernières années, en 2008, en 2015 et en 2019. Quoiqu’il en soit, on ne saurait jamais douter des bonnes intentions de l’homme pour faire de l’Afrique du Sud, par ricochet l’Afrique, un pays où « tous ses membres pourraient vivre ensemble, en harmonie et avec les mêmes chances ». Par ailleurs, nous reconnaissons aussi que l’homme n’était pas éternel et que son «dire » aura besoin de trouver l’écho de son« faire » dans toute une nouvelle génération concrète, avertie des questions de l’heure.
À bien les analyser de loin et à bien les comprendre de près, les violences qui secouent la société-sud-africaine, souvent analysées par les pundits des media comme de la xénophobie, sont l’Arbre qui cache la forêt d’une société noire sud-africaine à terre. Aujourd’hui, le taux officiel de chômage atteint plus de 29% avec son lot de crimes et de ségrégations raciales dans les townships qui sont des quartiers extrêmement pauvres situés en bordure des zones résidentielles ou d’affaires. Ce sont des zones où pratiquement aucun blanc n’habite. Le chercheur Victor Magani, un spécialiste de l’Afrique du Sud, a raison de bien souligner qu’au-delà de la question de la pauvreté, la rivalité sur le marché professionnel entre nigériens, zimbabwéens et mozambicains explique ces violences et les étrangers sont souvent considérés comme les boucs émissaires.
Il s’agissait donc, dans cette modeste contribution, d’avertir de toute illusion optique pour comprendre que l’usage du terme xénophobie n’est qu’un un écran de fumée qui empêcherait l’homme averti de bien comprendre les profondeurs de cette crise qui plonge ses racines dans les souvenirs angoissants d’un apartheid racial avec son lot de malédictions qui continuent de gangrener la société sud-africaine. Voir résoudre les symptômes de ces violences sans attaquer à ses vraies racines c’est synonyme de vouloir tout simplement bâtir sur du sable mouvant.
Aujourd’hui, cette nouvelle forme d’apartheid, que je qualifierai d’apartheid économique, sous le joug duquel a vécu et continue de vivre une bonne partie de population noire sud-africaine, est le seul et vrai ennemi de l’Afrique du sud : pas les nigériens, pas les zimbabwéens , encore moins les sénégalais.
Par sursaut patriotique et devoir moral à l’endroit du continent africain, j’en appelle à tous mes frères et sœurs sud-africains qui sèment ces violences verbales, physiques voire symboliques de ne pas prendre l’arbre pour la forêt et de se réconcilier avec le concept d’Ubuntu, c’est-à-dire de “faire humanité ensemble”.
Nelson Mandela vous dirait tout simplement à ce propos : “Ubuntu! I am because we are”
Chers compatriotes n’oubliez jamais que le vrai combat pour l’Afrique, c’est le combat pour la vérité, et le seul bon, le seul grand, le seul éternel.
Dr. Moustapha Fall